AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que dans son numéro du 23 août 2001, l'hebdomadaire Paris-Match a publié un article, accompagné de diverses photographies, et consacré à un accident vasculaire dont le comédien Jean-Paul X... avait été victime le 8 du même mois ; que la cour d'appel a retenu l'atteinte partielle à la vie privée de l'artiste et à son image, et condamné la société Hachette Filipacchi, éditrice, à des dommages-intérêts ;
Sur les premier et quatrième moyens, pris en leurs diverses branches, tels qu'exposés au mémoire en demande et reproduits en annexe :
Attendu que l'arrêt attaqué, qui, à bon droit, a dit justifiées par la notoriété et la popularité de l'artiste les narrations de l'événement d'actualité qu'avait constitué l'accident de santé dont s'agit, divulgué par des communiqués de presse émanés des autorités hospitalières ou de la famille, a jugé par ailleurs que l'hebdomadaire avait excédé les limites de la légitime information du public en évoquant, de façon vraie ou supposée, d'une part, des circonstances factuelles ayant entouré tant un autre accident antérieur de plusieurs années que celui qui faisait la matière de l'article, et, d'autre part, le comportement alors adopté par l'entourage le plus proche ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas réduit l'activité de l'organe de presse à la retransmission de l'événement brut ou de communiqués officiels, a mis en oeuvre la recherche d'équilibre qu'il lui incombait de mener entre la liberté d'expression ou d'information et le respect dû à la vie privée dont toute personne peut se prévaloir ; que les moyens tirés d'une violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 et 1382 du Code civil ne sont donc pas fondés ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 9 du Code civil, ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que pour juger contraire au droit de M. Jean-Paul X... sur son image la publication de deux photographies le montrant couché sur un brancard au moment de son évacuation par hélicoptère médicalisé, l'arrêt retient qu'il est parfaitement identifiable sur l'une d'elles, entouré de sa compagne et de personnes aidant aux opérations, et représenté dans une situation dramatique touchant à l'évidence à la sphère la plus intime de sa vie privée, sans que ces clichés, pris au téléobjectif sur l'aire de l'aéroport et à l'insu de l'intéressé, soient nécessaires à l'illustration d'un article lui-même attentatoire à la vie privée ;
Attendu qu'en s'abstenant de retenir que les deux photographies litigieuses, en relation directe avec l'article qu'elles illustraient, et prises dans un lieu public, ne caractérisaient aucune atteinte à la dignité de la personne de l'intéressé, la cour d'appel, qui avait exactement jugé que l'accident survenu au célèbre comédien constituait en l'espèce un événement d'actualité dont la presse pouvait légitimement rendre compte, a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour juger semblablement quant à toutes les autres photographies, l'arrêt relève que, prises elles aussi au téléobjectif et à l'insu de l'intéressé, elles montrent le comédien dans une situation d'intimité familiale que les nécessités de l'information sur son état de santé justifient encore moins ;
Attendu qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé que certains de ces clichés le représentaient lors d'un tournage et les autres entouré de ses petits-enfants, la cour d'appel, à laquelle il incombait d'opérer les distinctions que ces constatations rendaient nécessaires, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que la publication de toutes les photographies litigieuses avait été attentatoire au droit de M. Jean-Paul X... sur son image, les seules dispositions relatives à l'atteinte réalisée à sa vie privée étant expressément maintenues, l'arrêt rendu le 23 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille six.