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27/01/2025 | FRANCE | N°23VE00814

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 27 janvier 2025, 23VE00814


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par un jugement n° 2201048 du 23 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme O... M..., M. A... M..., Mme E... M..., Mme I... B..., Mme K... C..., M. N... H..., Mme F... L..., M. G... L..., Mme I... D... et M. J... D..., l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le maire de Chartres a délivré à la société Renaissance un permis de construire un bâtiment de 22 logements collectifs et 46 places de parking, d'une surface de plancher de 1 741 m2,

sur un terrain situé 29 bis rue Chauveau Lagarde à Chartres, ainsi que la décision de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2201048 du 23 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme O... M..., M. A... M..., Mme E... M..., Mme I... B..., Mme K... C..., M. N... H..., Mme F... L..., M. G... L..., Mme I... D... et M. J... D..., l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le maire de Chartres a délivré à la société Renaissance un permis de construire un bâtiment de 22 logements collectifs et 46 places de parking, d'une surface de plancher de 1 741 m2, sur un terrain situé 29 bis rue Chauveau Lagarde à Chartres, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt du 25 avril 2024, la cour, avant dire-droit sur la requête de la société Renaissance dirigée contre ce jugement, a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur les conclusions de la requête, tous droits et moyens des parties étant réservés jusqu'à la fin de l'instance, jusqu'à l'expiration d'un délai expirant cinq mois à compter de cet arrêt, afin de permettre à la société Renaissance de notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice tiré de la méconnaissance de l'article UGF 11.5 du règlement du plan local d'urbanisme de Chartres.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 24 septembre 2024, la société Renaissance, représentée par Me Rouhaud, conclut à l'annulation de ce jugement, au rejet de la demande d'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 du maire de Chartres, ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de Mme M... et autres.

Elle fait valoir que le vice relevé par la cour dans son arrêt avant dire-droit est désormais régularisé par la délivrance le 24 juillet 2024 d'un permis de construire modificatif portant sur l'aspect de la façade aveugle en limite nord du terrain d'assiette du projet. En outre, le maire de Chartres lui a délivré le même jour un second permis modificatif portant sur la modification de l'implantation du bâtiment, de sa volumétrie et de ses façades, avec réduction du nombre de logements, de sorte que ce second projet modifié respecte également l'article UGF 11.5 du règlement du plan local d'urbanisme de Chartres.

Par un mémoire en réponse enregistré le 28 octobre 2024, Mme M... et autres concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Renaissance.

Ils font valoir que :

- le vice tiré de la méconnaissance de l'article UGF 11.5 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune n'est pas régularisable ;

- le premier permis de construire modificatif autorise une façade aveugle qui reste contraire à cet article dès lors qu'il n'y a pas de rupture de gabarits et qu'en outre les matériaux et couleurs utilisés méconnaissent l'article 11 de ce règlement ;

- il méconnait les dispositions de l'article UGF 13 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne présente aucune surface de pleine terre permettant de planter des arbres ;

- le second permis modificatif est étranger à la mesure de régularisation attendue par la cour ;

- il apporte des modifications qui remettent en cause la nature du projet et auraient dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation ;

- il méconnait l'article UGF 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur des constructions au regard des teintes et des matériaux utilisés ;

- le moyen d'annulation retenu par le tribunal ainsi que les autres moyens, qu'ils ont présentés à l'égard de l'arrêté de permis initial, écartés par la cour dans son arrêt avant-dire-droit, doivent être retenus.

La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 novembre 2024, en application de l'article R. 613-1du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la société Renaissance a été enregistré le 14 novembre 2024 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Perez, pour la société Renaissance et de Me Jouan, pour Mme M... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Aux termes de l'article L. 600-5-2 du même code : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. "

2. Par l'arrêt du 25 avril 2024 visé ci-dessus, la cour, après avoir écarté les autres moyens invoqués contre l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le maire de Chartres a délivré à la société Renaissance un permis de construire un bâtiment de 22 logements collectifs et 46 places de parking, d'une surface de plancher de 1 741 m2, sur un terrain situé 29 bis rue Chauveau Lagarde à Chartres, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux, a décidé, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer pour permettre à la société Renaissance et à la commune de Chartres de notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UGF 11.5 du règlement du plan local d'urbanisme.

3. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Renaissance a déposé une première demande de permis de construire modificatif le 19 juin 2024 afin de remanier la façade nord du bâtiment en litige en ouvrant la coursive et en l'habillant avec un claustra bois. Le maire de Chartres a autorisé cette modification par un arrêté n° AU-2024-0484 du 24 juillet 2024. La société Renaissance a par ailleurs déposé, le même jour, un second dossier de permis de construire modificatif portant sur la modification de l'implantation du bâtiment, de sa volumétrie et de ses façades, avec réduction du nombre de logements. Le maire de Chartres a autorisé cette modification par un arrêté n° AU-2024-0483 du 24 juillet 2024. Par leur mémoire du 28 octobre 2024, Mme M... et autres doivent être regardés comme concluant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur l'arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 accordant à la société Renaissance un permis de construire modificatif n° AU-2024-0484 :

En ce qui concerne les moyens propres dirigés contre cet arrêté :

5. En premier lieu, aux termes de l'article UGF 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Chartres : " Composition générale - 11.1. L'architecture doit faire appel à des matériaux de qualité, en respectant les caractéristiques du contexte urbain dans lequel elle s'intègre et en évitant l'utilisation de tout vocabulaire architectural ou de matériaux non appropriés à la région. (...) Façades - 11.4 Le revêtement des façades doit utiliser de préférence les matériaux et tonalités déjà présents dans les édifices du quartier qui présentent une bonne qualité architecturale. D'une façon générale, les matériaux mis en œuvre doivent être compatibles avec l'architecture du bâtiment et notamment doivent permettre un vieillissement correct de l'ouvrage. (...) ".

6. Les dispositions précitées n'exigent pas que tous les matériaux et tonalités utilisés soient strictement identiques à ceux présents dans les constructions alentours mais seulement qu'ils soient compatibles avec le contexte urbain dans lequel ils se présentent. Il ressort des pièces du dossier que la teinte claire de l'enduit de la façade modifiée, l'utilisation de bois pour la rythmer et enfin la couleur grise et l'utilisation de l'aluminium noir pour la toiture qui la surplombe sont pour partie présents dans les édifices du quartier, lesquels sont au demeurant d'une architecture hétérogène, et, en tout état de cause, s'inscrivent dans les caractéristiques du contexte urbain dans lequel ils s'intègrent.

7. En second lieu, si Mme M... et autres soutiennent que cet arrêté méconnait les dispositions de l'article UGF 13 du règlement du plan local d'urbanisme, il n'a pas pour objet de modifier les plantations autorisées par le projet initial dont l'examen au regard de cet article a déjà été effectué par la cour dans son arrêt avant-dire droit.

En ce qui concerne la régularisation du vice relevé par l'arrêt avant dire droit du 25 avril 2024 :

8. L'article UGF 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Chartres prévoit en son point 5 que : " Les façades aveugles doivent présenter une qualité de traitement visant à minimiser l'effet de masse souvent produit ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé par le permis de régularisation en litige présente en limite nord avec la propriété des consorts M... une façade aveugle, laquelle n'est pas prohibée en tant que telle par les dispositions précitées. Cette façade comporte désormais plusieurs décrochés en hauteur afin d'atténuer son aspect imposant depuis la rue Chauveau Lagarde. Son traitement architectural a également été modifié par l'ajout de divers ornements notamment en brique et d'un bardage bois, permettant d'en atténuer son aspect uniforme en enduit clair. Elle présente ainsi désormais une qualité de traitement visant à minimiser l'effet de masse produit conformément aux dispositions de l'article UGF 11.5 précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions doit donc être écarté.

Sur l'arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 accordant à la société Renaissance un permis de construire modificatif n° AU-2024-0483 :

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme mentionnées au point 1 ne font pas obstacle à la notification au juge de plusieurs permis de régularisation simultanés, quand bien même l'un de ces permis ne se borne pas à remédier au vice à régulariser. Un vice entachant la légalité interne de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé en vertu de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que cette mesure de régularisation n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

11. D'autre part, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

12. Aux termes du projet modifié en litige, la société Renaissance a été autorisée à construire un collectif de 11 logements pour 965 m2 de surface de plancher contre 22 logements et 1 741 m2 dans le projet initial. Ce collectif est désormais composé non plus d'un bâtiment en R+5 sur la quasi-totalité de l'emprise de la parcelle, mais d'un bâtiment se séparant au premier étage pour former deux blocs dont un sur rue en R+2 en forme de T et un second en fond de parcelle en R+3. Un étage de parking en sous-sol a été supprimé et l'implantation des espaces verts réagencée. Les caractéristiques architecturales et l'aspect de la partie du bâtiment sur rue ont également été modifiés, passant d'une architecture contemporaine à une architecture calquée sur celle des maisons anciennes de la rue dans laquelle elle s'implante. Ces modifications, par leur nature et leur ampleur, ont apporté au projet un bouleversement tel qu'il ne pouvait ainsi être autorisé que par un nouveau permis. Dès lors, cet arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 accordant à la société Renaissance un permis de construire modificatif n° AU-2024-0483 est illégal et ne peut donc régulariser le vice précité en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de tout ce qui précède d'une part que le vice ayant été régularisé par l'arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 référencé n° AU-2024-0484, la société Renaissance est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Chartres lui a accordé un permis de construire, et d'autre part, que l'arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 référencé n° AU-2024-0483 accordant à la société Renaissance un permis de construire modificatif doit être annulé.

Sur les frais du litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 2201048 du 23 février 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Chartres du 24 juillet 2024 référencé n° AU-2024-0483 accordant à la société Renaissance un permis de construire modificatif est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Renaissance, à Mme O... M..., à M. A... M..., à Mme E... M..., à Mme I... B..., à Mme K... C..., à M. N... H..., à Mme F... L..., à M. G... L..., à Mme I... D..., à M. J... D... et à la commune de Chartres.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente-assesseure,

Mme Aventino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2025.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne à la préfète d'Eure-et-Loir en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00814
Date de la décision : 27/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : JOUAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-27;23ve00814 ?
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