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12/12/2024 | FRANCE | N°23VE00718

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 12 décembre 2024, 23VE00718


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise, venant aux droits de la communauté d'agglomération des deux rives de Seine, a rejeté sa demande tendant au versement de ses indemnités de performance et de service pour la période allant du 1er juin 2017 au 30 novembre 2020, à hauteur de 76 440 euros, d'enjoindre à la communauté urbaine de lui verser cette somme, dans

un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise, venant aux droits de la communauté d'agglomération des deux rives de Seine, a rejeté sa demande tendant au versement de ses indemnités de performance et de service pour la période allant du 1er juin 2017 au 30 novembre 2020, à hauteur de 76 440 euros, d'enjoindre à la communauté urbaine de lui verser cette somme, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise le versement d'une somme de 2 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102987 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 6 avril 2023, le 5 avril 2024 et le 24 septembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de versement de l'indemnité de performance et de fonction, adressée par lettre recommandée le 11 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise de régulariser sa situation, dans un délai 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, par le versement de l'indemnité de performance et de fonction, pour la période allant du 1er juin 2017 au 31 novembre 2020, soit sur 42 mois, pour un montant total de 76 440 euros, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) et de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise une somme de 2 800 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir été signé conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut de base légale de la décision implicite, pourtant expressément invoqué dans sa demande ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation ; la décision implicite de rejet de sa demande de versement de l'indemnité de performance et de fonction est entachée d'une erreur de droit dès lors que, à la différence du décret n° 2012-624 du 3 mai 2012 pris en application de l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et fixant les modalités et les limites de la prime d'intéressement à la performance collective des services dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics, le décret n° 2010-1705 du 30 décembre 2010 relatif à l'indemnité de performance et de fonctions allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts, qui lui est applicable, n'impose aucune condition de présence effective de l'agent afin qu'il soit procédé au versement de l'indemnité de performance et de fonctions ;

- il se rapporte à ses précédents développements, exposés dans ses écritures de première instance ; il persiste dans tous ses moyens et développements de ses écritures de première instance, qu'il produit en annexe de sa requête en appel ;

- du fait de l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2013 mettant fin à son détachement sur un emploi fonctionnel, M. B... doit être regardé, rétrospectivement, comme ayant continué à occuper ses fonctions de directeur général des services techniques de la communauté urbaine jusqu'au terme de son détachement le 1er juin 2017 et comme ayant ensuite été affecté sur un nouvel emploi correspondant à son grade au sein de la communauté urbaine bénéficiant de l'indemnité de performance et de fonction, jusqu'au 30 novembre 2020, date après laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2024, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté urbaine soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- la demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif est irrecevable, dès lors qu'elle est dirigée contre une décision confirmative ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 septembre 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Lappran représentant la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a, par un arrêté du 25 août 2009 de la communauté d'agglomération des 2 Rives de Seine, devenue au 1er janvier 2016 la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (CUGPSO), été nommé ingénieur principal par voie de mutation à compter du 3 octobre 2009 et a été simultanément détaché sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services techniques de l'établissement, pour une durée de cinq ans. Par un arrêté du 4 novembre 2013, il a été mis fin au détachement de M. B... à compter du 1er décembre 2013, et ce dernier a été placé en surnombre par la communauté urbaine, faute de poste correspondant au grade de l'agent. Par un jugement n° 1405583 du 15 mars 2015, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 24 mars 2014 diminuant le montant de l'indemnité de performance et de fonction versé à M. B.... L'intéressé a par la suite sollicité et obtenu par un arrêté du 5 septembre 2016 un congé spécial à compter du 1er mai 2016. Par un arrêt n° 16VE01600 du 13 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé la décision mettant fin au détachement de M. B... sur l'emploi de directeur général des services techniques et a enjoint à la communauté urbaine d'examiner les droits de l'intéressé au titre de la période comprise entre son éviction illégale, soit le 1er décembre 2013, et la date d'échéance normale de la décision de détachement, soit le 1er juin 2017. Par un courrier du 8 août 2019, le président de la communauté urbaine a informé M. B... que sa situation devait faire l'objet d'une régularisation, l'intéressé étant réintégré rétroactivement sur son emploi de directeur général des services techniques jusqu'au 1er juin 2017 et la somme de 68 006,96 euros lui étant versée, correspondant à la différence entre le traitement qu'il a perçu entre le 1er décembre 2013 et le 31 mai 2017, et celui qu'il aurait dû percevoir au cours de cette même période. Par un arrêté du 8 août 2019, M. B... a été rétroactivement placé en congé de longue maladie pour la période allant du 12 décembre 2017 au 11 mars 2020, puis par un arrêté du 23 juin 2020 pour la période allant du 12 mars 2020 au 11 décembre 2020. Par un courrier du 28 avril 2020, reçu le 5 mai 2020, M. B... a demandé au président de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise la régularisation de sa situation financière, en particulier s'agissant de son régime indemnitaire, à compter du 1er juin 2017. Cette demande a été implicitement rejetée le 5 juillet 2020. Après avoir fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2020, M. B... a, par un nouveau courrier du 11 décembre 2020, de nouveau demandé le versement de son régime indemnitaire depuis le 1er juin 2017. Cette demande a été rejetée implicitement. M. B... fait appel du jugement n° 2102987 du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. Le tribunal administratif s'est fondé sur un seul motif pour rejeter la demande présentée par M. B..., tiré de ce que l'intéressé ne bénéficiait d'aucun droit à percevoir l'indemnité de performance et de fonction (IPF) dès lors que le versement de cette indemnité est subordonné à l'exercice effectif des fonctions et que l'intéressé était placé en congé spécial depuis le 1er mai 2016.

4. Le tribunal n'a en revanche pas examiné les autres moyens invoqués en première instance par M. B..., en particulier le moyen tiré du défaut de base légale, qui n'était pourtant pas inopérant. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité invoqué par le requérant, le jugement n° 2102987 du 13 février 2023 du tribunal administratif de Versailles doit être annulé.

5. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise :

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... avait adressé au président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise un courrier, daté du 28 avril 2020, reçu le 5 mai 2020, par lequel il rappelait avoir déjà adressé de précédentes demandes " relatives à la régularisation " de sa situation, par courriers du 11 août 2019 et 3 novembre 2019, et demandait que son régime indemnitaire soit régularisé " sur la période du 1er juin 2017 à ce jour ", soit pour toute la période postérieure à la fin de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services techniques. Il rappelait dans ce même courrier du 28 avril 2020 le montant des sommes qu'il percevait au titre du régime indemnitaire dont il bénéficiait lorsqu'il occupait cet emploi fonctionnel et le montant nul qu'il percevait depuis la fin de son détachement. Il indiquait enfin que l'absence de réponse de l'autorité territoriale à sa demande l' " obligera à faire un recours devant le tribunal administratif de Versailles ". Le silence gardé pendant plus de deux mois sur cette demande par l'administration a fait naître une décision implicite de rejet le 5 juillet 2020, qui est devenue définitive faute d'avoir été contestée par M. B... dans les délais de recours.

7. Par un nouveau courrier, en date du 11 décembre 2020, reçu par l'administration le 14 décembre 2020, M. B... a entendu " relancer une affaire de régularisation administrative relative à sa sortie de période de DGST fin mai 2017 ". Dans ce courrier, adressé au président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, M. B... rappelle l'existence de quatre précédents courriers relatifs à la régularisation de sa carrière administrative, datés respectivement des 1er avril 2019, 11 août 2019, 3 novembre 2019 et 28 avril 2020. Il rappelle qu'il " réclame " que soit payée son " IPF ou RI à sa juste valeur " alors que, depuis le 1er juin 2017 et la fin de son détachement sur l'emploi fonctionnel qu'il occupait, son " RI régime indemnitaire est de 0 ". M. B... a joint à ce nouveau courrier sa " lettre recommandée avec avis de réception du 28 avril 2020, qui explique très justement cette situation ". La communauté urbaine ayant conservé le silence durant plus de mois sur cette demande, celle-ci a été implicitement rejetée le 14 février 2021.

8. Cette nouvelle décision implicite porte sur le même objet et la même cause que la décision implicite de rejet du 5 juillet 2020, qui est devenue définitive. Alors qu'aucune circonstance de fait ou de droit nouvelle n'est intervenue entre les deux demandes de M. B..., de nature à emporter un effet sur l'appréciation de sa situation, la décision implicite du 14 février 2021 doit être regardée comme étant purement confirmative de la décision implicite du 5 juillet 2020. Elle est dès lors insusceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir. Les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... sont par suite irrecevables et doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une somme à M. B.... Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102987 du 13 février 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : M. B... versera à la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00718
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Réouverture des délais - Absence - Décision confirmative.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23ve00718 ?
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