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21/05/2024 | FRANCE | N°21VE01075

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 21 mai 2024, 21VE01075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a mis en demeure de faire cesser, en sa qualité de propriétaire bailleur, l'habitation de la lingerie, lot n° 29, au premier sous-sol du bâtiment n° 1 de la résidence du parc de Saint-Cloud, situé au 1, rue de Marnes à Ville d'Avray, a fixé le délai de son exécution à un mois à compter de sa notification, a prescrit le re

logement du locataire et, à défaut, son exécution d'office à ses frais.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a mis en demeure de faire cesser, en sa qualité de propriétaire bailleur, l'habitation de la lingerie, lot n° 29, au premier sous-sol du bâtiment n° 1 de la résidence du parc de Saint-Cloud, situé au 1, rue de Marnes à Ville d'Avray, a fixé le délai de son exécution à un mois à compter de sa notification, a prescrit le relogement du locataire et, à défaut, son exécution d'office à ses frais.

Par un jugement n° 1903681 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2021 et 23 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Carmier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est illégal, dès lors que le préfet s'est cru à tort lié par le rapport de l'ARS ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de la situation du local ;

- la décision portant mise en demeure de faire cesser l'habitation méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dès lors que le logement n'est pas par nature impropre à l'habitation du seul fait de sa désignation comme lingerie dans l'état descriptif du règlement de copropriété datant de 1965 ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 40-1 du règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine, dès lors que le logement dispose d'une fenêtre ouvrant sur l'extérieur et qu'une partie conséquente du logement est située au-dessus du niveau du sol ; à cet égard, et contrairement aux affirmations du préfet, l'enfouissement du local n'est pas supérieur à 55 % ;

- elle est entachée d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation au regard des dispositions des articles 40-2 et 27-2 b) du même règlement, s'agissant de l'éclairement naturel du logement ; à cet égard, et contrairement aux affirmations du préfet, l'éclairement naturel au sol est supérieur au sixième de la surface de la pièce ;

- le logement respectant les règles générales d'habitabilité prévues par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 et par le règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 4 de ce décret, s'agissant de la superficie du logement, ainsi qu'au regard des dispositions des articles 27-2 a), 33, 40, 40-3, 40-4 et 45 de ce règlement, en raison de l'absence d'humidité ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- la décision fixant le délai d'exécution de la mise en demeure à un mois est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant mise en demeure de faire cesser l'habitation du local ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le logement est habité depuis plus de quarante ans, qu'il ne présente aucun danger pour la santé, qu'il n'est manifestement pas insalubre et que le locataire ne souhaite pas déménager ;

- la décision portant obligation de reloger le locataire, au besoin d'office, est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant mise en demeure de faire cesser l'habitation du local.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, le ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;

- le règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Carmier pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est propriétaire du lot n° 29 situé au premier sous-sol du bâtiment n° 1 de la résidence du parc de Saint-Cloud sise 1, rue de Marnes à Ville-d'Avray. A la suite d'un rapport d'inspection établi le 21 novembre 2018 par une technicienne sanitaire de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 20 décembre 2018, mis en demeure M. A... de faire cesser l'habitation de ce local dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet acte et lui a enjoint de reloger l'occupant actuel. M. A... relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable au litige : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'État dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. (...) Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. (...) ". Le recours dont dispose le propriétaire ou le locataire d'un immeuble contre la décision par laquelle l'autorité préfectorale déclare le logement impropre à l'habitation, en application de ces dispositions, est un recours de plein contentieux. Il appartient par suite au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre de l'habitation des locaux en cause d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa décision.

3. Par ailleurs, le règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine prévoit, en son article 27-2, que " Les pièces affectées à l'habitation doivent présenter les caractéristiques suivantes : (...) b) L'éclairement naturel au centre des pièces principales doit être suffisant pour permettre, par temps clair, l'exercice des activités normales de l'habitation, sans recourir à un éclairage artificiel. (...) ", l'article 40-2 précisant que " La surface d'éclairement naturel devra correspondre au 1/6 de la surface au sol de la pièce ". L'article 40-1 du même règlement dispose que : " Les pièces principales et les chambres isolées doivent être munies d'ouvertures donnant à l'air libre et présentant une section ouvrante permettant une aération satisfaisante. a) pièce de service possédant un ouvrant donnant sur l'extérieur ; ces pièces doivent être équipées d'un orifice d'évacuation d'air vicié en partie haute. En sus, les cuisines doivent posséder une amenée d'air frais en partie basse. b) pièce de service ne possédant pas d'ouvrant donnant sur l'extérieur ; ces pièces doivent être munies d'une amenée d'air frais, soit par gaine spécifique, soit par l'intermédiaire d'une pièce possédant une prise d'air sur l'extérieur. L'évacuation de l'air vicié doit s'effectuer en partie haute, soit par gaine verticale, soit par gaine horizontale à extraction mécanique conforme à la réglementation en vigueur. Lorsque ces pièces de service sont ventilées par un dispositif commun à l'ensemble du logement, ce dispositif doit être réalisé conformément à la réglementation en vigueur ". La méconnaissance d'une disposition du règlement sanitaire départemental n'est pas de nature, à elle seule, à rendre un local impropre à l'habitation. En revanche, il est loisible au juge, saisi d'un recours de plein contentieux tendant à contester la légalité d'un arrêté déclarant un local impropre à l'habitation sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, alors en vigueur, pour déterminer à la date à laquelle il statue si ce local présente un tel caractère, de prendre en compte tous éléments de fait, y compris ceux susceptibles de constituer des non-conformités aux règles d'habitabilité édictées par le règlement sanitaire départemental.

4. Pour prendre l'arrêté contesté, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur la qualification de lingerie donnée au local dans le règlement de copropriété, sur l'absence de système de ventilation approprié à l'habitation, sur l'enfouissement du local à 55 % de sa hauteur sous plafond et sur l'insuffisance d'éclairement et de luminosité au centre du local. Il résulte toutefois de l'instruction que le logement, d'une superficie totale de 17,9 m², dispose dans sa pièce principale (14,2 m²) d'une fenêtre ouvrant sur l'extérieur, dont il n'est pas contesté qu'elle permet une aération satisfaisante. Si le rapport établi par l'ARS fait état d'une grille de ventilation poussiéreuse au niveau de la salle de douche, il ressort du constat d'huissier établi le 8 mars 2019 qu'une ventilation haute et une ventilation basse sont présentes, les photographies annexées à ce constat permettant de constater seulement un défaut de nettoyage qui ne saurait être mis à la charge du propriétaire. De même, le défaut de fonctionnement en permanence du système d'aération électrique présent dans la pièce principale peut s'expliquer par son non-usage en continu par le locataire, ainsi que M. A... l'expose sans être contredit sur ce point. En outre, le fait que ce système serait inefficace lorsque les volets sont fermés ne permet pas de constater qu'il ne pourrait être remédié à ce désordre par la réalisation d'une installation différente que le propriétaire indique être prêt à réaliser.

5. Par ailleurs, si l'arrêté attaqué mentionne que la surface d'éclairement naturel et la luminosité au centre du local ne sont pas compatibles avec l'exercice d'une activité normale par temps clair, le rapport d'inspection de l'ARS ne justifie pas du calcul de la surface d'éclairement naturel qu'il a retenu, soit 1,5 m2, alors que, d'une part, M. A... établit qu'il n'y a eu aucun ensoleillement le 15 novembre 2018, jour de l'inspection, ne permettant pas ainsi d'apprécier les conditions d'éclairement naturel par temps clair et, d'autre part, l'huissier qui s'est rendu sur place a constaté un éclairage naturel suffisant pour une activité de lecture à la fois de la partie du logement située près de la fenêtre et de la partie gauche de la pièce. Sur ce point, les photographies produites par le requérant permettent de remettre en cause la surface d'éclairement naturel mentionnée par l'ARS et de tenir pour acquise une surface d'au moins 2,8 m2, soit une surface supérieure à 1/6ème de la pièce. Dans ces conditions, et nonobstant l'enfouissement du local à 55 % pour une hauteur sous plafond de 2,44 mètres, et alors qu'il est constant que le bien ne constitue pas un sous-sol, la qualification de lingerie figurant dans le règlement de copropriété, lequel date du 25 mai 1965, ne permet pas de regarder le local dont s'agit comme étant par nature impropre à l'habitation. Par suite, l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a mis en demeure M. A... de faire cesser l'habitation de ce local méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, le délai d'un mois fixé au requérant pour exécuter cette mise en demeure et l'obligation de relogement mise à sa charge.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903681 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 février 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre du travail, de la santé et des solidarités, et au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

Le rapporteur,

T. ABLARD

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE01075 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01075
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Logement - Règles de construction - de sécurité et de salubrité des immeubles.

Police - Police générale - Salubrité publique.

Police - Polices spéciales - Police sanitaire (voir aussi : Santé publique).


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;21ve01075 ?
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