Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Crédit Agricole a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, pour les montants en droits de respectivement 1 687 527 euros et 18 265 991 euros et les pénalités correspondantes ainsi que la restitution d'avoirs fiscaux au titre de ces exercices à hauteur de respectivement 3 203 045 euros et 3 733 522 euros.
Par un jugement n° 0710869 du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la société requérante.
Première procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 10 octobre 2011, 20 février 2012 et 19 septembre 2012, la SA Crédit Agricole, représentée par Me A..., avocat, a demandé à la cour d'annuler le jugement n° 0710869 du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de prononcer, à titre principal, la décharge totale des impositions litigieuses et, à titre subsidiaire, l'imputation sur les impositions litigieuses d'avoirs fiscaux à hauteur de 1 265 885 euros au titre de l'exercice clos en 2001 et de 15 272 167 euros au titre de l'exercice clos en 2002 et de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutenait que :
- dès lors que les droits rappelés ont été minorés par compensation du montant de la majoration de l'avoir fiscal à laquelle donne droit l'acquittement du précompte par certaines sociétés distributrices, il conviendra, si la cour fait droit à la demande de réduction des impositions en cause, de prononcer la restitution des avoirs fiscaux pris en compte par l'administration lors de la liquidation de l'impôt sur les sociétés litigieux ;
- le service n'est pas fondé à remettre en cause l'imputation des crédits d'impôts attachés aux revenus de source étrangère sur le résultat soumis au taux réduit d'impôt sur les sociétés ; ni l'article 220 du code général des impôts ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne limite l'imputation des crédits d'impôt étrangers au seul résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au taux normal ; la doctrine administrative référencée 4 H 5411 du 30 octobre 1996 qui autorise l'imputation du crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit mais réserve cette imputation aux seuls crédits d'impôt d'origine française ne saurait fonder l'imposition ;
- la société produit tous les mémoires nécessaires à la justification des crédits d'impôt litigieux requis par l'article 139 de l'annexe II au code général des impôts ;
- les conventions fiscales bilatérales ne comportent aucune stipulation permettant de limiter l'imputation des crédits d'impôt sur une partie de l'impôt sur les sociétés acquitté en France ; la limitation introduite par l'administration augmente les cas de double imposition juridique ;
- la limitation de l'imputation des crédits d'impôt étrangers sur l'impôt sur les sociétés au taux normal méconnaît la libre circulation des capitaux prévue à l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ; la doctrine administrative référencée 4 H 5411 du 30 octobre 1996 qui autorise l'imputation du crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit mais réserve cette imputation aux seuls crédits d'impôt d'origine française constitue une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux ; la grande majorité des crédits d'impôt dont elle demande l'imputation concerne des revenus de valeur mobilière conformément à la doctrine administrative référencée 4 H 5411 du 30 octobre 1996 ;
- la limitation de l'imputation des crédits d'impôt étrangers sur l'impôt sur les sociétés au taux normal est incompatible avec le droit communautaire dès lors que cette limitation ne s'applique pas aux dividendes de source française ;
- à titre subsidiaire, l'administration doit lui octroyer au titre des dividendes en litige un avoir fiscal équivalent à celui qui lui aurait été accordé si les dividendes provenaient de sociétés françaises, sous peine de méconnaître la libre circulation des capitaux prévue à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; l'avoir fiscal s'élèverait à 1 898 827 euros en 2001 et 22 908 250 euros en 2002 et serait imputé pour les deux-tiers de son montant soit 1 265 885 euros en 2001 et 15 272 167 euros en 2002.
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Par un arrêt n° 11VE03507 du 2 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la SA Crédit Agricole.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par une décision nos 386269 du 26 juin 2017, le Conseil d'État, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la SA Crédit Agricole, a annulé l'arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le 29 juin 2017 sous le n°17VE02205.
Seconde procédure devant la cour :
Par des mémoires, enregistrés les 3 août 2017, 7 juin 2018, 13 mars 2019 et 5 janvier 2021, la SA Crédit Agricole, représentée par Me A..., avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 28 juin 2011 ;
2°) de prononcer, à titre principal, " la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités afférentes au titre des années 2001 et 2002 à hauteur de 30 034 991 euros " ;
3°) de prononcer, à titre subsidiaire, la restitution partielle des impositions en litige à hauteur de 26 236 504 euros, et de sursoir à statuer sur le reste des demandes ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dans sa décision du 26 juin 2017 le Conseil d'État a retenu que l'article 220 du code général des impôts ne prévoit aucune règle permettant de limiter l'imputation de crédits d'impôt, ayant pour origine des retenues à la source prélevées à l'étranger sur des revenus de capitaux mobiliers en application de conventions bilatérales passées entre la France et des États étrangers, sur une cotisation d'impôt sur les sociétés calculée au taux normal et de l'exclure sur une cotisation d'impôt sur les sociétés calculée au taux réduit ; il en est de même pour l'application des conventions bilatérales en cause ;
- l'interprétation de la doctrine administrative doit ainsi être conforme à cette analyse ;
- elle maintient sa demande à titre subsidiaire d'imputation des avoirs fiscaux calculés sur les dividendes de source étrangère sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit ;
- la contestation de la portée financière du litige par le ministre n'est pas fondée et il n'est pas nécessaire que la cour attende l'issue d'un autre contentieux avec la société tierce Suez, sans rapport avec l'objet du présent contentieux, pour se prononcer ; elle réclame l'annulation de l'intégralité du redressement lié au refus d'imputation des crédits d'impôts mais conteste avoir fait porter sa demande sur la restitution de la majoration de l'avoir fiscal ; aucune compensation ne peut être effectuée entre deux dégrèvements qui n'ont aucun rapport entre eux, même s'ils portent sur le même impôt ; si l'administration entendait revenir sur le dégrèvement d'office décidé par le vérificateur, elle devait le faire dans le cadre d'une procédure distincte, dans les délais de prescription, ce qu'elle n'a pas fait ; la restitution doit donc porter sur le montant total de l'impôt correspondant au redressement, soit 30 034 991 euros, et non pas seulement sur le montant d'impôt recouvré après compensation.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée entre la France et le Luxembourg le 1er avril 1958, tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, modifiée, notamment ses articles 8 et 19 ;
- la convention signée le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôt sur le revenu, modifiée, notamment ses articles 9 et 20 ;
- la convention signée le 24 juillet 1962 entre la France et le Liban en matière d'impôts sur les revenus et d'impôts sur les successions, notamment ses articles 17, 21 et 26 ;
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, modifiée, notamment ses articles 15 et 19 ;
- la convention signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 11 et 25 ;
- la convention signée le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, modifiée, notamment ses articles 9 et 24 ;
- la convention signée le 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal en matière d'impôts sur le revenu, notamment ses articles 12, 13 et 24 ;
- la convention signée le 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment ses articles 10 et 22 ;
- la convention signée le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 10 et 24 ;
- la convention signée le 27 décembre 1974 entre la France et la Thaïlande tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, notamment les articles 11, 12 et 23 ;
- la convention, signée le 9 janvier 1976, entre la France et les Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, modifiée notamment ses articles 10, 11, 12, 16 et 23 ;
- la convention signée le 25 juillet 1977 entre la France et Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée, notamment ses articles 11, 12 et 24 ;
- la convention signée le 4 avril 1979 entre la France et l'Argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée, notamment ses articles 11, 12 et 24 ;
- la convention signée le 19 juin 1979 entre la France et la Corée tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, modifiée, notamment ses articles 11 et 23 ;
- la convention signée le 14 septembre 1979 entre la France et l'Indonésie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, notamment ses articles 11, 12 et 24 ;
- la convention signée le 28 mai 1984 entre la France et la Jordanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment ses articles 11, 16 et 23 ;
- l'accord signé le 30 mai 1984 entre la France et la Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment ses articles 10, 11 et 22 ;
- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 10, 11, 12 et 24 ;
- la convention signée le 27 novembre 1990 entre le France et la Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 10 et 23 ;
- la convention signée le 26 mars 1993 entre la France et l'Autriche en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 10 et 23 ;
- la convention signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, notamment ses articles 10 et 24 ;
- la convention signée le 3 mars 1995 entre la France et le Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment les articles 10 et 23 ;
- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment ses articles 10 et 24 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société anonyme Crédit Agricole.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Crédit Agricole, établissement de crédit qui est la société mère d'un groupe d'intégration fiscale au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts, a imputé sur le résultat d'ensemble de ce groupe soumis à l'impôt sur les sociétés au taux réduit, au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, les crédits d'impôt relatifs aux revenus de source étrangère perçus par les sociétés membres du groupe, pour les montants respectivement de 4 890 573 euros et 21 999 513 euros. A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service vérificateur a, par proposition de rectification du 20 décembre 2004, remis en cause cette imputation. Corrélativement à ce redressement, le service a imputé sur les suppléments d'imposition résultant de cette rectification, la majoration d'avoir fiscal à laquelle la société pouvait prétendre au titre de certains dividendes reçus, à hauteur de 3 203 046 euros et 3 733 522 euros au titre des exercices clos en 2001 et en 2002. Par un jugement n° 0710869 du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, pour un montant total en droits et pénalités de 23 098 423 euros, ainsi qu'à la restitution d'avoirs fiscaux au titre de ces exercices à hauteur de respectivement 3 203 045 euros et 3 733 522 euros. En appel, elle a demandé à la cour de prononcer, à titre principal, la décharge totale des impositions litigieuses et la restitution des avoirs fiscaux litigieux, et, à titre subsidiaire, l'imputation sur les impositions litigieuses d'avoirs fiscaux afférents à des dividendes de sources étrangères à hauteur de 1 265 885 euros au titre de l'exercice clos en 2001 et de 15 272 167 euros au titre de l'exercice clos en 2002. Par un arrêt n° 11VE03507 du 2 octobre 2014, la cour a rejeté sa requête. Par une décision n° 386269 du 26 juin 2017, le Conseil d'État, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée de nouveau sous le n°17VE02205.
2. Aux termes de l'article 220 du code général des impôts, dans la rédaction applicable : " 1. a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société (...) est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre./ Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus./ b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'imputation, selon les règles énoncées respectivement au a) et au b) du 1 de l'article 220 du code général des impôts, de l'impôt retenu à la source sur les revenus de source française et sur les revenus de source étrangère perçus au cours d'un exercice s'opère sur l'impôt sur les sociétés à la charge du bénéficiaire de ces revenus au titre de cet exercice, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que cet impôt est dû au taux normal ou au taux réduit. N'y font pas obstacle, d'une part, les termes des conventions conclues avec le Luxembourg, notamment l'article 19, l'Allemagne, notamment l'article 20, le Royaume-Uni, notamment l'article 24, le Portugal, notamment l'article 24, les Pays-Bas, notamment l'article 24, la Thaïlande, notamment l'article 23, les Philippines, notamment l'article 23, l'Argentine, notamment l'article 24, la Corée, notamment l'article 23, l'Indonésie, notamment l'article 24, la Jordanie, notamment l'article 23, l'Italie, notamment l'article 24 qui stipulent que le crédit d'impôt est imputable sur l'impôt français " dans la base duquel ces revenus sont compris ", ni d'autre part, les termes des conventions conclues avec le Liban, notamment l'article 26, la Suisse, notamment l'article 25, le Brésil, notamment l'article 22, Malte, notamment l'article 24, la Chine, notamment l'article 22, la Suède, notamment l'article 23, l'Autriche, notamment l'article 23, les Etats-Unis, notamment l'article 24, le Japon, notamment l'article 23, l'Espagne, notamment l'article 24, qui prévoient, selon leurs différentes rédactions, que le montant du crédit d'impôt afférent aux revenus litigieux provenant de l'autre État où ils sont également imposables est, " égal ", est fixé " dans la limite " ou ne peut " excéder " l'impôt français " afférent " ou " correspondant " à ces revenus. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le résultat d'ensemble est bénéficiaire ou déficitaire, dès lors que les revenus étrangers en cause y ont été intégrés pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice de leur perception et doivent ainsi être regardés comme ayant été inclus dans l'assiette de cet impôt, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré que l'imputation, dans la limite du montant du crédit d'impôt prévu par les conventions fiscales, visées ci-dessus, de la retenue à la source supportée dans leur pays d'origine par les revenus de source étrangère ne pouvait s'opérer que sur l'impôt sur les sociétés calculé au taux normal et que la fraction non imputée ne pouvait être déduite du montant de l'impôt sur les sociétés calculé au taux réduit auquel elle a été assujettie au titre des exercices litigieux.
4. Toutefois, par un mémoire du 8 février 2019, le ministre, qui ne contredit plus sérieusement les principes rappelés ci-dessus, conteste, pour la première fois, la portée financière du litige. Ainsi qu'il a été dit au point 1., après avoir remis en cause l'imputation des crédits d'impôt sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit, pour un montant total de 4 890 573 euros en 2001 et 21 999 513 euros en 2002, générant ainsi un total de droits et pénalités de 30 034 991 euros, l'administration fiscale a, de sa propre initiative, lors du contrôle, constaté que la société avait omis de prendre en compte la majoration de l'avoir fiscal à laquelle donnait droit les dividendes reçus par elle de la société Suez. Elle a ainsi procédé, sur le fondement implicite de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, à une compensation en imputant le montant de la majoration d'avoir fiscal, soit 3 203 046 euros pour 2001 et 3 733 522 euros pour 2002, sur les rehaussements notifiés, soit 30 034 991 euros et n'a mis en recouvrement que la différence résultant de cette compensation, pour un montant total en droits et pénalités de 23 098 423 euros. Toutefois, l'administration soutient désormais que, le montant de la majoration de l'avoir fiscal étant conditionné par le montant du précompte acquitté par la société Suez, lequel a été contesté par cette dernière au titre des années 2001 et 2002, l'issue de ces contentieux est de nature à modifier à la baisse les montants de précomptes acquittés par Suez et, donc par conséquent, le montant de la majoration de l'avoir fiscal, ce qui a pour effet de majorer l'imposition due. Elle sollicite ainsi, en exécution de l'arrêt du 12 décembre 2014, devenu définitif, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a fixé à 265 003 214 euros le montant de précompte dû par la société Suez, au lieu des 270 489 417 euros en litige, au titre de l'exercice 2001, que le montant de la majoration de l'avoir fiscal précédemment accordé soit diminué de 64 965 euros, soit 3 138 081 euros au lieu de 3 203 046 euros. Si l'administration entend ainsi désormais remettre partiellement en cause le bénéfice du dégrèvement précédemment accordé, cette demande est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition contestée. Par ailleurs, une telle demande, dépourvue de toute qualification juridique, ne peut être regardée comme une demande de compensation au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, laquelle ne saurait être recherchée d'office par le juge de l'impôt. Il en va de même s'agissant de l'exercice 2002, pour lequel le ministre s'est au demeurant borné à conclure à titre principal au report de l'audience publique du 14 février 2019, dans l'attente que la cour statue sur l'instance n° 14VE01593, alors pendante devant la cour, sans renouveler ni chiffrer sa demande postérieurement à l'arrêt rendu dans cette affaire le 23 juin 2020.
5. En tout état de cause, et ainsi que le fait valoir le Crédit Agricole, même à la supposer formée sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, la demande présentée par l'administration ne saurait être admise, au titre de la compensation, dès lors d'une part, que les prétendues insuffisances ou omissions alléguées par le ministre n'ont pas été révélées par l'instruction de la présente instance contentieuse, mais à l'occasion d'une instance concernant un autre contribuable et, d'autre part, que ces dernières ne sont pas le fait du Crédit Agricole mais d'une décision de dégrèvement prise par le service.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Crédit Agricole est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, et par suite, à demander, au titre des exercices clos en 2001 et 2002, la restitution de la totalité des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelles, résultant de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts relatif aux revenus de source étrangère perçus par les sociétés membres du groupe, pour un montant total en droits et pénalités de 30 034 991 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros à verser à la SA Crédit Agricole sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0710869 du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SA Crédit Agricole, au titre des exercices clos en 2001 et 2002, la restitution de la totalité des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelles, résultant de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts relatifs aux revenus de source étrangère perçus par les sociétés membres du groupe, pour un montant total en droits et pénalités de 30 034 991 euros.
Article 3 : L'État versera la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE02205