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29/09/2020 | FRANCE | N°19VE04363

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 septembre 2020, 19VE04363


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n°17VE02738 du 3 décembre 2019, la Cour administrative d'appel de Versailles a, avant de se prononcer sur le recours de la Fondation Jérôme Lejeune sur la légalité d'une décision de l'Agence de la biomédecine du 10 octobre 2016 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines, statué avant-dire droit et a ordonné une expertise.

Par application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, le Président

de la Cour administrative d'appel de Versailles a, par ordonnance du 4 déc...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n°17VE02738 du 3 décembre 2019, la Cour administrative d'appel de Versailles a, avant de se prononcer sur le recours de la Fondation Jérôme Lejeune sur la légalité d'une décision de l'Agence de la biomédecine du 10 octobre 2016 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines, statué avant-dire droit et a ordonné une expertise.

Par application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, le Président de la Cour administrative d'appel de Versailles a, par ordonnance du 4 décembre 2019, désigné comme experts, pour mener l'expertise fixée à l'article 2 de cet arrêt, d'une part, le docteur Ségolène Aymé et, d'autre part, le professeur John de Vos.

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 21 février 2020, la Fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Bourdin, avocat, demande à la Cour de récuser les experts désignés par ordonnance du président de la Cour du 4 décembre 2019 avec la mission prévue à l'arrêt du 3 décembre 2019.

Elle soutient que les prises de positions présentes et passées des deux experts ont fait naître un doute légitime permettant leur récusation en application de l'article L. 721-1 du code de justice administrative ; s'agissant du docteur Aymé, elle ne présente pas la compétence technique requise, elle est connue pour son militantisme passé pour l'avortement et son attachement au dépistage prénatal de la trisomie 21 ; que ces prises de positions publiques laissent transparaître une hostilité foncière aux principes qui sont la raison d'être de la Fondation ; s'agissant du professeur de Vos, son impartialité fonctionnelle peut être mise en doute dès lors qu'il a été rapporteur d'une thèse dirigée par Mme C..., il est connu pour faire la promotion de la recherche sur les cellules souches, sa participation à une pétition hostile à la Fondation, parue dans le Monde, et pour son engagement, notamment lors d'une audition devant le Sénat le 16 mai 2018 dans le cadre des discussions sur la révision de la loi de bioéthique, en faveur des cellules souches embryonnaires.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la Fondation Jérôme Lejeune.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 3 décembre 2019, la juridiction de céans, avant de statuer sur la requête de la Fondation Jérôme Lejeune tendant à l'annulation d'une décision de l'Agence de la biomédecine du 10 octobre 2016 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines, a statué avant-dire droit et ordonné une expertise. Par application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, le Président de la Cour administrative d'appel de Versailles a, par ordonnance du 4 décembre 2019, désigné comme experts, pour mener l'expertise fixée à l'article 2 de cet arrêt, d'une part, le docteur Ségolène Aymé et, d'autre part, le professeur John de Vos. La Fondation Jérôme Lejeune demande à la Cour de récuser les experts désignés par cette ordonnance, demande à laquelle ces derniers n'ont pas acquiescé.

Sur les conclusions aux fins de récusation des experts, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'Agence de la biomédecine :

2. Aux termes de l'article L. 721-1 du code de justice administrative : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ". Aux termes de l'article R. 621-6 du même code : " Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. (...) La partie qui entend récuser l'expert ou le sapiteur doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert ou le sapiteur s'estime récusable, il doit immédiatement le déclarer au président de la juridiction (...) ". Aux termes de l'article R. 621-6-4 dudit code : " Si l'expert acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. / Dans le cas contraire, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis. / (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 621-3 du code de justice administrative : " Le greffier en chef (...) notifie dans les dix jours à l'expert ou aux experts la décision qui les commet et fixe l'objet de leur mission. Il annexe à celle-ci la formule du serment que le ou les experts prêteront par écrit et déposeront au greffe dans les trois jours pour être joint au dossier de l'affaire. / Par le serment, l'expert s'engage à accomplir sa mission avec conscience, objectivité, impartialité et diligence. ". Aux termes de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique : " Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. ".

4. En premier lieu, s'agissant du docteur Aymé, si la Fondation requérante soutient que sa compétence en matière de recherche sur les cellules souches pluripotentes ne serait pas établie, il n'appartient pas, en tout état de cause, au juge d'apprécier la compétence technique de l'expert. Par ailleurs, tant les prises de position passées sur l'avortement et la trisomie 21 que les engagements actuels du docteur Aymé ne constituent des raisons sérieuses pour la Fondation de douter de l'impartialité de cet expert.

5. En second lieu, s'agissant du professeur de Vos, sa désignation en 2018 comme rapporteur d'une thèse dirigée par Christelle C..., responsable de la recherche bénéficiant de l'autorisation en litige, n'est pas de nature à mettre en doute son impartialité. Ni la participation du professeur de Vos, dans le cadre des travaux de révision de la loi de bioéthique, à une audition au Sénat le 16 mai 2018 consacrée à la technique de recherche sur les cellules souche embryonnaires, dont il a exposé les caractéristiques et les avantages, en les comparant à la technique de recherche sur les cellules IPS, ni sa signature, avec 146 médecins et chercheurs, d'une pétition publiée le 30 mars 2017 dans le journal Le Monde, ne constituent des raisons sérieuses pour la Fondation de douter de l'impartialité de l'expert.

6. Il résulte de ce qui précède que les éléments avancés par la Fondation Jérôme Lejeune ne constituent pas des raisons sérieuses de mettre en doute l'impartialité des experts désignés par ordonnance du 4 décembre 2019 du Président de la Cour administrative d'appel de Versailles pour mener collégialement l'expertise fixée par l'arrêt du 3 décembre 2019. La Fondation n'est donc pas fondée à demander la récusation de ces deux experts.

DECIDE :

Article 1er : La demande de récusation du docteur Aymé et du professeur de Vos est rejetée.

N°19VE04363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04363
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise.

Procédure - Incidents - Récusation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-29;19ve04363 ?
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