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16/06/2020 | FRANCE | N°17VE03660

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 16 juin 2020, 17VE03660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de son recours préalable auprès du ministre de l'intérieur tendant au versement de la somme de 188 250 euros correspondant à l'arriéré de rémunération due pour la période de sa suspension administrative du 12 septembre 2008 au 18 juillet 2014, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme, augmentée des intérêts de retard à compter de la

date du recours préalable, soit le 18 décembre 2014, et de la capitalisation desdits...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de son recours préalable auprès du ministre de l'intérieur tendant au versement de la somme de 188 250 euros correspondant à l'arriéré de rémunération due pour la période de sa suspension administrative du 12 septembre 2008 au 18 juillet 2014, et de condamner l'Etat à lui verser cette somme, augmentée des intérêts de retard à compter de la date du recours préalable, soit le 18 décembre 2014, et de la capitalisation desdits intérêts échus depuis plus d'un an ;

- d'autre part, d'annuler l'arrêté n° 1679 du 28 juin 2016 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions d'une durée de huit jours avec sursis.

Par un jugement n°1503338, 1607345 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2017, M. E..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1°d'annuler ce jugement ;

2°d'annuler la sanction déjà mentionnée ;

3° d'annuler la décision implicite de rejet de son recours préalable auprès du ministre de l'intérieur, et de condamner l'Etat à lui verser de la somme de 188 250 euros, augmentée des intérêts de retard à compter de la date du 18 décembre 2014, ainsi que la capitalisation de ces intérêts échus depuis plus d'un an ;

4° et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le rapporteur public en première instance a méconnu de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont dénaturé la motivation de la sanction, relativement au système de classement des procès-verbaux de contraventions ;

Sur la sanction :

- la procédure disciplinaire est entachée de partialité, dans la mesure où elle a été confiée aux mêmes enquêteurs que dans le cas de l'enquête judiciaire et de la commission rogatoire pour le cadre de l'action pénale ;

- le ministre n'a pas fait procéder à une nouvelle enquête, mais a produit des notes de synthèse résumant les auditions judiciaires ;

- le dossier disciplinaire déforme la réalité, en tant qu'il ne comporte que des éléments à charge, et serait aux trois quarts sans rapport avec M. E... ;

- il a été transmis de manière incomplète au conseil de discipline ;

- l'arrêté prononçant la sanction disciplinaire contrevient à l'obligation de motivation au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en ce qui concerne la consultation des fichiers de la police nationale à d'autres fins que les missions en rapport avec les fonctions du requérant ;

- il méconnaît les faits, matériellement constatés par le juge pénal, relatifs à la remise à un brigadier de police d'une dizaine de contraventions en fin de classement ;

- il est entaché d'erreur de qualification juridique des faits ;

- la sanction est disproportionnée ;

- cette sanction est constitutive d'un détournement de pouvoir pour faire obstacle au reversement des traitements dont l'agent a été privé entre 2008 et 2014.

Sur le versement en indemnisation d'une somme de 188 250 euros pour absence de traitement consécutive à l'éviction de M. E... entre 2008 et 2014 :

- la mesure d'interdiction judiciaire d'exercice des fonctions de policier ne faisait pas obstacle à son reclassement dans d'autres services du ministère de l'intérieur ;

- il était fondé à obtenir le reversement de l'intégralité de ses traitements.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

- et les observations de Me C..., pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Prévenu de complicité de corruption passive, de trafic d'influence passif, et de détournement de fichiers administratifs, M. E..., capitaine de police, a été mis en examen le 12 septembre 2008, puis relaxé par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 22 mai 2014. Durant cette période, il a été écarté du service, et n'a pas perçu la totalité de sa rémunération. Après sa réintégration, il a fait l'objet, à raison de certains faits constatés lors de la procédure pénale, d'une sanction d'exclusion de ses fonctions pendant huit jours avec sursis, par arrêté du 28 juin 2016. Il relève appel du jugement en date du 5 octobre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, son recours pour excès de pouvoir contre cette sanction, d'autre part, sa demande tendant à la condamnation de l'administration à lui verser la somme de 188 250 euros, correspondant à la privation partielle ou totale de sa rémunération, augmentée des intérêts de retard à compter de la date du 18 décembre 2014, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts échus depuis plus d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 7 du code de justice administrative, le membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. Et en vertu des dispositions de l'article R. 711-3 du même code, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne, lorsque le jugement de cette affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public.

3. En application de ces dispositions, la communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. De plus, pour l'application de l'article R. 711-3 ci-dessus analysé et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces raisons n'est toutefois, quant à elle, pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

4. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " que le rapporteur public a porté à la connaissance des parties, le 19 septembre 2017, à 14 heures, pour une audience qui s'est tenue le 21 septembre suivant, à la même heure, qu'il envisageait de conclure au rejet, en spécifiant " au fond ". Ainsi, tant par le délai écoulé entre la communication du sens des conclusions et la tenue de l'audience, que par la formulation du motif de rejet, le rapporteur public a satisfait aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.

5. M. E... soutient qu'en ajoutant à la motivation de l'arrêté du 28 juin 2016 prononçant la sanction litigieuse, qu'il n'ignorait pas que le brigadier D... à qui il remettait des procès-verbaux de contraventions, retirait de leur classement sans suite des contreparties, les premiers juges ont modifié le sens de la sanction et porté atteinte à la régularité du jugement. Toutefois, la motivation de l'arrêté mentionnait en toutes lettres l'irrégularité de la procédure de classement d'une dizaine de contraventions, notion qui peut impliquer, en plus d'un détournement du système officiel d'indulgences, une pratique tarifée, comme l'ont estimé les représentants de l'administration d'après le procès-verbal du conseil de discipline en date du 24 mai 2016. Ainsi, à supposer qu'il ait trait à la régularité du jugement, le moyen tiré de ce qu'en présentant ainsi les motifs de la sanction, les premiers juges ont modifié le sens de la sanction, doit être écarté.

Au fond :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la sanction :

6. Si M. E... déplore que l'inspection générale de la police ait désigné, pour mener l'enquête administrative, les mêmes enquêteurs que ceux requis pour l'instruction de la procédure pénale, il n'explique pas en quoi ce choix aurait porté atteinte à l'impartialité de cette enquête.

7. M. E... soutient que l'administration a utilisé, pour cette enquête, des notes de synthèse résumant les auditions judiciaires, que la composition du dossier disciplinaire ne comporterait que des éléments à charge, et que ce dossier serait aux trois-quarts sans rapport avec les faits qui lui sont reprochés. Pour autant, il n'apparaît pas que la commission de discipline se soit estimée insuffisamment informée. De même, il ressort du procès-verbal de l'instance disciplinaire que M. E... a déclaré avoir été mis en mesure de prendre connaissance de tout le dossier, et n'avoir aucune objection à formuler ni sur la composition de la commission, ni sur la procédure mise en oeuvre. Il en ressort également que l'avocat de l'agent a adressé au secrétariat de l'instance des observations écrites à l'appui de la défense de son client, dans lequel il pouvait éventuellement appeler l'attention du conseil de discipline sur les failles de la procédure d'enquête administrative, et rectifier ou compléter les informations contenues dans le dossier.

8. Enfin, M. E... allègue une transmission incomplète par l'administration au conseil de discipline de l'enquête administrative. Mais, faute d'indiquer les numéros de page manquants, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'enquête disciplinaire ne peut qu'être écarté.

9. En vertu des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, la motivation en matière, notamment, de sanction, doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

10. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 28 juin 2016 que, d'une part, M. E... aurait " sans nécessité de service consulté le fichier des permis de conduire et communiqué le résultat de sa recherche " sous-entendu à des tiers, d'autre part, " utilisé, sans en informer sa hiérarchie, les services d'un brigadier de police de sa connaissance pour faire irrégulièrement procéder au classement d'une dizaine de contraventions ". S'il est constant que le premier motif ne distingue pas entre les différents types de consultations auxquelles l'administration reproche au requérant de s'être livré, la motivation de la sanction prononcée n'est pas pour autant insuffisante au regard des exigences des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

11. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés des qualifications juridiques retenues par le juge pénal, de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. En l'espèce, par son jugement en date du 22 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a relaxé M. E... des poursuites engagées contre lui, au motif que, pour les faits de corruption passive, sa culpabilité n'était pas établie et que, pour la consultation dans des conditions irrégulières d'un fichier de données à caractère personnel, l'ordonnance de renvoi présentait des incohérences. Ces motifs de relaxe sont sans incidence sur la matérialité des faits admis par le requérant, en ce qui concerne tant la transmission à un collègue de contraventions aux fins de classement, que la consultation en dehors de toute finalité professionnelle du fichier en question. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en se fondant sur ces faits, l'administration aurait contrevenu à l'autorité de la chose jugée par le juge répressif ne peut qu'être écarté.

12. Aux termes de l'article R. 434-21 du code de la sécurité intérieure : " Sans préjudice des exigences liées à l'accomplissement de sa mission, le policier ou le gendarme respecte et préserve la vie privée des personnes, notamment lors d'enquêtes administratives ou judiciaires. / A ce titre, il se conforme aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent la création et l'utilisation des traitements de données à caractère personnel. / Il alimente et consulte les fichiers auxquels il a accès dans le strict respect des finalités et des règles propres à chacun d'entre eux, telles qu'elles sont définies par les textes les régissant, et qu'il est tenu de connaître. " En vertu des dispositions de l'article R. 434-8 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale, il est défendu aux fonctionnaires de police de divulguer des informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Et en vertu des dispositions de l'article R. 434-9 du même décret, il leur est interdit de retirer un quelconque avantage de l'exercice de ses fonctions. Or si M. E... conteste avoir su que M. D... recevait des contreparties du classement des procès-verbaux de contravention, il est constant que, comme il a été dit plus haut, il a sollicité ce collègue aux fins de classement d'une dizaine de contraventions le concernant lui ou ses proches, sans en informer sa hiérarchie. Si le requérant conteste le nombre de 226 consultations de fichiers, il apparaît qu'une seule était justifiée pour une personne qui faisait l'objet d'une procédure diligentée par le commissariat de Villeneuve-la-Garenne. À supposer établi que l'agent aurait examiné et communiqué les données relatives à M. B..., afin d'aider son épouse dans sa recherche de paternité, cette consultation a été faite en dehors des cas et des finalités prévus par la réglementation. Par suite, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a pu légalement estimer que ces faits présentaient un caractère fautif de nature à justifier une sanction.

13. En vertu des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours constitue une sanction du troisième groupe. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. E... a de manière réitérée détourné de leur objet et à des fins personnelles les pouvoirs dont il était investi et commis des manquements à la déontologie, lesquels, eu égard à son grade et à ses fonctions d'encadrement, revêtaient un caractère de gravité certaine. Malgré l'ancienneté de certains de ces faits, et les bons états de services antérieurs de l'agent, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de l'exclure de ses fonctions pour une durée de huit jours avec sursis.

14. Cette sanction étant justifiée par le comportement de l'agent, le ministre de l'intérieur ne saurait être regardé comme l'ayant prise dans le but de priver M. E... du droit de réclamer le versement des rémunérations dont il a été privé pendant son éviction. Ainsi, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

15. En ce qui concerne les conclusions tendant au versement de la somme de 188 250 euros correspondant à l'arriéré de rémunérations pendant l'éviction de ses fonctions de M. E... :

16. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur lorsque l'agent était évincé de ses fonctions : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. "

17. En vertu de ces dispositions, l'administration doit conserver au fonctionnaire son traitement dans les quatre premiers mois de sa suspension, et peut ensuite procéder à une retenue d'au plus la moitié de sa rémunération, sans être tenue de l'affecter dans un autre emploi. Au terme de la période de suspension, le fonctionnaire a droit, dès lors qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension. En revanche, en cas d'interdiction faite au fonctionnaire d'exercer ses fonctions résultant d'un contrôle judiciaire, l'administration n'est tenue ni de prononcer la mesure de suspension prévue par les dispositions rappelées ci-dessus, ni d'affecter l'intéressé dans un autre emploi compatible avec cette interdiction. Il lui est alors loisible d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement du fonctionnaire pour absence de service fait.

18. Il suit de là que, du 12 septembre 2008, date à laquelle le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris a placé M. E... sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer l'activité de fonctionnaire de police, jusqu'au 16 février 2012, date à laquelle la Cour d'appel de Paris a mis fin à cette interdiction, l'administration a pu interrompre le versement de son traitement pour absence de service fait, sans l'affecter à un autre poste compatible avec cette interdiction. En raison de cette absence de service fait, elle n'était pas non plus tenue de procéder au versement des traitements dont M. E... a été privé pendant cette période, alors même que l'intéressé avait bénéficié d'une relaxe.

19. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 2 mars 2012, le ministre de l'intérieur a pris, sur le fondement de dispositions de l'article 30 rappelé ci-dessus, une mesure de suspension de fonctions de M. E..., prenant effet au 16 février 2012, avec maintien du traitement, et que, le 4 juillet 2012, il a modifié cet arrêté en soumettant l'intéressé au régime du demi-traitement, situation qui a duré jusqu'au 10 juillet 2014, date de réintégration de l'agent. M. E... ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire dont la légalité a été constatée plus haut, il ne dispose d'aucun droit au paiement des arriérés de rémunération pour la période au cours de laquelle il a fait l'objet d'une mesure de suspension avec réduction de son traitement.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre la sanction litigieuse et ses conclusions tendant au versement des rémunérations dont il a été privé au cours de la période pendant laquelle il a été écarté de ses fonctions.

Sur les conclusions accessoires :

21. D'une part, les conclusions de M. E... tendant au paiement des arriérés de rémunération n'étant pas justifiées, ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires et à leur capitalisation ne peuvent qu'être rejetées.

22. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante de la présente instance, le versement des sommes réclamées par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

2

N°17VE03660


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 16/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17VE03660
Numéro NOR : CETATEXT000042013394 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;17ve03660 ?
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