La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2018 | FRANCE | N°18VE00900

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 décembre 2018, 18VE00900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse en première instance :

M. et Mme D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite du 30 juin 2013 par laquelle le maire de la commune des Lilas a rejeté leur recours gracieux du 29 avril 2013 tendant au retrait du permis de construire du 8 octobre 2012 autorisant M. C...à agrandir une maison située 27 bis, rue de la République et, d'autre part, d'annuler ce permis de construire.

Par un jugement n° 1308118 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreu

il a rejeté leur demande.

Première procédure devant la Cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse en première instance :

M. et Mme D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite du 30 juin 2013 par laquelle le maire de la commune des Lilas a rejeté leur recours gracieux du 29 avril 2013 tendant au retrait du permis de construire du 8 octobre 2012 autorisant M. C...à agrandir une maison située 27 bis, rue de la République et, d'autre part, d'annuler ce permis de construire.

Par un jugement n° 1308118 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Première procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 5 décembre 2014, les 6 et 13 mai 2015, M. et MmeB..., représentés par Me Chaignet, avocat, ont demandé à la Cour d'annuler ce jugement et les décisions attaquées, et de condamner M. C...à leur verser une indemnité de 15 000 euros, au motif que son recours indemnitaire ne tendrait qu'à obtenir leur désistement en appel et porterait atteinte à leur droit de recours au juge.

.....................................................................................................................

Par un arrêt n° 14VE03367 du 15 décembre 2016, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février, 18 mai et 18 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Par une décision n° 408105 en date du 7 mars 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 15 décembre 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour où elle a été enregistrée sous le n° 18VE00900.

Seconde procédure devant la Cour :

Par deux mémoires enregistrés les 4 mai et 25 juin 2018, M.C..., représenté par Me Violette, avocat, conclut au rejet de la requête de M. et Mme B...et à ce que soit mise à leur charge la somme de 41 433 euros au titre de l'indemnisation du préjudice lié au caractère abusif du recours des époux B...en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires enregistrés les 12 juin et 16 juillet 2018, M. et MmeB..., représentés par Me Bailon, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement en date du 2 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil et le permis de construire accordé par le maire de la commune des Lilas à M. C...le 8 octobre 2012 pour l'agrandissement d'une maison située 27 bis rue de la République et de mettre à la charge de la commune des Lilas la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2° de rejeter les conclusions de M. C...et de mettre à la charge de celui-ci la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le caractère incomplet des renseignements portés sur le panneau d'affichage du permis litigieux n'a pas permis le déclenchement du délai de recours contentieux ;

- la permanence de l'affichage de ce panneau n'est pas démontrée ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet dans la mesure où il ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ;

- le projet ne respecte pas le gabarit défini à l'article UD 10-3-3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la hauteur de la construction projetée en limite séparative nord méconnait l'article UD-7-2-1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la construction projetée empiète sur la marge de recul fixée par rapport à l'alignement en méconnaissance de l'article UD 6-1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

-M. C...ne justifie pas du caractère abusif de leur requête.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me E...pour la commune des Lilas et de Me Violette pour M.C....

Considérant ce qui suit :

Sur les fins de non recevoir opposée par la commune des Lilas :

1. Contrairement à ce que soutient la commune des Lilas, la requête d'appel présentée pour M. et Mme B...ne se borne pas à reproduire ses écritures de première instance mais comporte une critique du jugement dont ils demandent l'annulation, mettant ainsi le juge d'appel en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la commune des Lilas ne peut qu'être écartée.

2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) ". Aux termes de l'article A. 424-15 du même code : " L'affichage sur le terrain du permis de construire, d'aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l'affichage de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres ". Aux termes de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...) / d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir. ". En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques du projet, les dispositions ainsi rappelées ont eu pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet ou des modifications apportées à celui-ci.

3. Il ressort des pièces du dossier que le panneau d'affichage du permis litigieux portant sur l'agrandissement de la maison située 27bis rue de la République mentionnait la construction de 98,5 m² de SHON et la démolition d'un garage sans indication de la surface appelée à être ainsi démolie et reconstruite. Dans ces conditions, les tiers n'ont pas été mis à même d'apprécier la nature, la complexité et l'importance du projet. Dès lors, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que l'affichage en cause n'a pu légalement faire courir le délai de recours à leur encontre. La fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande soulevée par la commune doit, par suite, être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes du 7° de l'article L. 123-1-5 du même code, le règlement du plan local d'urbanisme peut " identifier et localiser les éléments de paysages et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant les prescriptions de nature à assurer leur protection ". Aux termes de son article UD 10.3.3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune des Lilas : " Lorsqu'il existe sur le terrain ou sur l'un des terrains contigus une construction repérée au titre de l'article L. 123-1-5 7°, les projets situés à proximité immédiate des bâtiments ainsi identifiés doivent être élaborés dans la perspective d'une mise en valeur de ce patrimoine. La hauteur maximale des constructions aux abords de la construction repérée doit s'inscrire dans un gabarit délimité parallèlement par : / - une horizontale d'une hauteur égale à la hauteur de la construction repérée ; / - une verticale à une distance " L " équivalente à la hauteur de la construction repérée ; / • une oblique inclinée à 45 /• et la ligne horizontale de 9 mètres ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est contigu à une parcelle cadastrée D87 où se situe une maison dite " Cacheux ", relevant d'un type d'habitat social promu par Emile Cacheux à la fin du dix-neuvième siècle, qui a été identifiée par le règlement du plan local d'urbanisme de la commune au titre du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme. La construction projetée et la maison existante ne sont séparées que de quelques mètres, par un espace occupé par un appentis. Le projet, situé à proximité immédiate d'une construction identifiée par le règlement du plan local d'urbanisme de la commune et implantée sur un terrain contigu, est donc soumis à la règle de gabarit que ce règlement prévoit. Il résulte des dispositions de l'article UD 10-3-3 précitées que la ligne horizontale d'une hauteur égale à la hauteur de la construction repérée doit s'entendre, compte tenu de l'objectif d'harmonisation des constructions nouvelles avec les bâtiments repérés, comme tracée à hauteur de l'égout du toit. Ainsi le projet litigieux présente une hauteur incompatible avec le gabarit fixé par l'article UD 10-3-3. M. et Mme B...sont fondés à soutenir que ce moyen est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire litigieux.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l'annulation du permis de construire accordé à M.C....

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

9. M. et Mme B...justifient d'un intérêt à agir contre le projet de M. C...en leur qualité de voisins immédiats de la construction autorisée. Aucune circonstance du dossier ne caractérise la mise en oeuvre de leur droit de recours contentieux dans des conditions qui excèdent la défense de leurs intérêts légitimes. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. C... doivent être rejetées.

10. M. et Mme B...ne sauraient utilement se prévaloir de ces mêmes dispositions pour obtenir la condamnation de M. C...à leur verser l'indemnité de 15 000 euros qu'ils réclament. S'ils entendent rechercher sa responsabilité au motif qu'il n'aurait formé ce recours que dans le but d'obtenir leur désistement en appel et de porter atteinte à leur droit d'accès au juge, un tel litige ne peut être porté que devant le juge judiciaire.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...et de la commune des Lilas le versement de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de M.et MmeB..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...et la commune des Lilas demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1308118 du 2 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du maire de la commune des Lilas en date du 8 octobre 2012 sont annulés.

2

N° 18VE00900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00900
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Délais de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : VIOLETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-06;18ve00900 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award