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04/12/2018 | FRANCE | N°17VE01660

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 04 décembre 2018, 17VE01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ COLMAX a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les 31 juillet 2008 et 31 juillet 2009.

Par un jugement n° 1208381 du 4 mars 2014, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE00968 du 10 février 2015, la Cour administrative d'appel de Versail

les a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la SOCIÉTÉ COLMAX.

Par une décision n° 389597...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ COLMAX a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les 31 juillet 2008 et 31 juillet 2009.

Par un jugement n° 1208381 du 4 mars 2014, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE00968 du 10 février 2015, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la SOCIÉTÉ COLMAX.

Par une décision n° 389597 du 17 mai 2017, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er avril 2014 et 27 août 2014, une note en délibéré enregistrée le 27 janvier 2015 qui n'a pas été communiquée et, après cassation, des mémoires enregistrés les 23 mai 2017 et 18 juillet 2017, la SOCIÉTÉ COLMAX, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et pénalités afférentes qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les

31 juillet 2008 et 31 juillet 2009 ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOCIÉTÉ COLMAX soutient que :

- elle n'est pas redevable de la taxe sur les vidéogrammes dès lors que les ventes en kiosque portaient sur des vidéogrammes seuls, non associés à des publications ; dans ce cas de figure, en application des dispositions des articles 302 bis KE et 1609 sexdecies B du code général des impôts, applicables successivement sur la période concernée, c'est le vendeur final, et non l'éditeur, qui est le redevable de la taxe sur les vidéogrammes, dont le régime est aligné sur celui de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le rappel de taxe ayant été mis à sa charge à l'issue d'une procédure contradictoire et ayant été régulièrement contesté, l'administration, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, supporte en l'espèce la charge de la preuve sur la question des modalités de vente de ses vidéogrammes, qui conditionne la solution du litige ;

- elle peut se prévaloir de l'application à son bénéfice de l'instruction administrative

3 P-4-03 du 18 juillet 2003 dès lors que l'administration n'établit pas, en se fondant seulement sur les termes du contrat du 23 juin 2004 qu'elle a passé avec Les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) pour la vente de ses vidéogrammes, que ceux-ci étaient vendus, dans ce cadre, associés à des fascicules assimilés à des publications périodiques ; elle produit au contraire plusieurs éléments tendant à établir que ses vidéogrammes étaient vendus sans publication associée, ces ventes relevant ainsi du paragraphe 1.2 du contrat précité prévoyant la vente de produits " multimédia ", et non de la catégorie des produits presses et assimilés, telles que les " encyclopédies " visés au paragraphe 1.1 du contrat ;

- les clauses de ce contrat n'ont d'ailleurs pas été appliquées littéralement sur la période en cause, sans pour autant avoir fait l'objet d'un avenant de sorte qu'il convient de s'attacher à la réalité des faits ; ainsi, alors que le contrat du 23 juin 2004 prévoyait un prix de vente de 24,95 euros par produit, les vidéogrammes étaient vendus au prix de 19,95 euros, et sans " fascicule ", ce que confirment les photographies versées au dossier ; les charges d'édition qu'elle a supportées ne concernaient pas de tels fascicules, mais des dépliants, feuillets publicitaires, bons de commande et des tarifs ; à compter de l'année 2000, elle n'a déposé à la Bibliothèque nationale de France aucune publication, alors qu'elle a toujours respecté les dispositions relatives au dépôt légal ;

- l'administration n'établit pas que les vidéogrammes commercialisés revêtent un caractère pornographique ;

- l'assiette retenue par l'administration pour calculer le montant de rappel de taxe est erronée dès lors qu'elle correspond au prix non déduit du montant de la taxe.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code pénal ;

- la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie,

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL COLMAX a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, au titre des années 2008 et 2009, à la taxe sur les vidéogrammes prévue par les dispositions de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts. La Cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt n° 14VE00968 du

10 février 2015, a refusé de faire droit à sa requête tendant à la décharge de ces impositions et, par une décision n° 389597 du 17 mai 2017, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant cette cour.

Sur l'assujettissement à la taxe sur les vidéogrammes :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

3. Aux termes de l'article 302 bis KE du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003, dont les dispositions ont été transférées, à compter du 10 avril 2009, à l'article 1609 sexdecies B du même code : " Il est institué à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France (...) de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public (...) / Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes. La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus. / Le taux est fixé à 2 %. Le taux de la taxe est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces oeuvres et documents sont fixées par décret. / La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. / Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions éclairées par les travaux parlementaires de l'article 7 de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 dont elles sont issues, que ne sont redevables de la taxe sur les ventes de vidéogrammes que les seules personnes exerçant une telle activité de vente et ayant la propriété des vidéogrammes au moment de leur vente au public. Par suite, les entreprises de messagerie, qui sont uniquement chargées, par l'éditeur, de la diffusion des vidéogrammes sans que la propriété de ces derniers ne leur soit à aucun moment transférée, ne peuvent y être assujetties.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la convention conclue en 2004 entre la société requérante et les Nouvelles Messageries Parisiennes de Presse (NMPP), entreprise de messagerie, que la SOCIETE COLMAX est l'éditrice de vidéogrammes dont elle reste propriétaire jusqu'à leur vente au public, les NMPP étant uniquement chargées de leur distribution en kiosque. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a regardée comme redevable, au titre des années en litige, de la taxe sur les vidéogrammes prévue par les dispositions de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts.

S'agissant de la doctrine administrative :

6 La société requérante invoque, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction référencée 3 P-4-03 du 18 juillet 2003 qui indique que " conformément aux règles prévues pour la TVA, les kiosquiers sont dispensés du paiement de la taxe sur les ventes de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public réalisées à l'occasion de la vente de publications périodiques. C'est l'éditeur des vidéogrammes ainsi diffusés qui l'acquitte au nom et pour le compte du kiosquier. En revanche, les kiosquiers qui pratiquent la vente isolée de vidéogrammes sont redevables de la taxe dans les conditions de droit commun ".

7. Si la SOCIETE COLMAX soutient que les ventes en cause étaient des ventes isolées de vidéogrammes et que seuls les kiosquiers seraient dès lors redevables de la taxe litigieuse, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'annexe " conditions particulières " de la convention conclue entre la requérante et les NMPP, ainsi que des factures de la société chargée d'imprimer et de livrer les vidéogrammes aux NMPP, que les ventes litigieuses étaient accompagnées de publications, nonobstant la circonstance qu'aucun dépôt légal de publication n'aurait été fait auprès de la Bibliothèque nationale de France. Si la société requérante soutient que ces publications n'étaient pas des périodiques, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. Par suite, la SOCIETE COLMAX n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction précitée.

Sur le calcul de la taxe sur les vidéogrammes :

8. En premier lieu, l'article 102 de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2008-294 du 1er avril 2008 dont les dispositions ont été transférées, à compter du 10 avril 2009, à l'article 331 M bis de la même annexe, prévoit que le taux de 10% s'applique aux ventes portant notamment sur les oeuvres et documents audiovisuels dont la diffusion à un public mineur constitue une infraction au sens de l'article 227-24 du code pénal. L'article 227-24 du code pénal, dans sa version applicable du 7 mars 2007 au 16 mars 2011, dispose que : " Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. "

9. La SARL COLMAX soutient que l'administration n'établit pas que les vidéogrammes commercialisés revêtent un caractère pornographique. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des couvertures des vidéogrammes édités par la société requérante, de leurs titres non équivoques, de la mention " réservé aux adultes " et d'un formulaire de commande de ces vidéogrammes qui impose au client de certifier qu'il est majeur en application des dispositions de l'article 227-24 du code pénal et précise que les envois seront effectués " sous pli discret ", que ces vidéogrammes revêtent un caractère pornographique, sans qu'il soit besoin de rechercher s'ils ont fait l'objet d'un classement par arrêté du ministre de la culture sur une liste prévue au 4ème alinéa de l'article 12 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975, abrogée au 26 juillet 2009, qui ne concerne que les films pornographiques projetés dans des établissements de spectacles cinématographiques. Par suite, l'administration a pu, en application des dispositions de l'article 102 de l'annexe III du code général des impôts, appliquer le taux de 10% à la taxe sur les vidéogrammes à laquelle elle a soumis la SARL COLMAX.

10. En second lieu, la SOCIETE COLMAX soutient, qu'à l'instar de la taxe sur la valeur ajoutée, le calcul des rappels de taxe sur les vidéogrammes ne doit pas aboutir à un prix du produit supérieur à celui qui a été convenu entre les parties et que l'assiette de la taxe sur les vidéogrammes ne doit comprendre ni la taxe sur la valeur ajoutée ni la taxe sur les vidéogrammes. Toutefois, il résulte des termes mêmes de l'article 1609 sexdecies B précité que l'assiette de la taxe sur les vidéogrammes est le prix acquitté au titre des opérations visées par le texte, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée uniquement. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a retenu comme assiette, pour le calcul des rappels de taxe en litige, le montant des ventes de vidéogrammes réalisées par la société requérante, après avoir déduit le seul montant de la taxe sur la valeur ajoutée.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL COLMAX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL COLMAX est rejetée.

2

N° 17VE01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01660
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-04;17ve01660 ?
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