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27/03/2018 | FRANCE | N°17VE01081

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 27 mars 2018, 17VE01081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Senoble Holding a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une décision n° 1109784 en date du 22 novembre 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13VE00874 du 27 mai 2014, la Cour administra

tive d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de formé par le MINISTRE L'ÉCONOMIE ET DES ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Senoble Holding a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une décision n° 1109784 en date du 22 novembre 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13VE00874 du 27 mai 2014, la Cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de formé par le MINISTRE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES contre ce jugement.

Par une décision n° 383129 du 31 mars 2017, le Conseil d'État statuant au contentieux, a, sur demande du ministre des finances et des comptes publics, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour où elle a été enregistrée sous le n° 17VE01081.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et quatre mémoires complémentaires, enregistrés les 20 mars 2013, 18 septembre 2013, 23 avril 2014, 23 juin 2017 et 7 décembre 2017, le

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1109784 en date du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Senoble Holding des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de remettre à la charge de la société Senoble Holding ces impositions.

Le ministre soutient que :

- le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé à tort sur les dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts dès lors que les suppléments d'apport visés par cet article sont ceux effectués par l'exploitant de l'entreprise individuelle ou les associés de la société assujettie et non ceux effectués, comme en l'espèce, par la société elle-même ;

- les sommes litigieuses ayant été comptabilisées par la société Elisabeth the Chef Ltd, en application du droit comptable britannique, dans le compte de fonds propres dénommé "profit and loss reserve ", tenant lieu de réserve libre, elles doivent être qualifiées d'apport en capital, quelque soit la qualification qui aurait pu être donnée à cette opération si elle avait relevé du droit interne ; la société mère a tiré une contrepartie de cet apport puisque la valeur mathématique des titres de la filiale qu'elle détient a augmenté à due concurrence de sa participation au capital ; peu importe qu'elle n'ait pas acquis de droits sociaux nouveaux dès lors qu'aux plans fiscal et comptable, un apport n'implique pas nécessairement une telle attribution ; ce supplément en capital devait donc être immobilisé au titre de sa participation dans sa filiale et non pas déduit comme une charge de son résultat imposable ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait qualifier l'opération en litige d'abandon de créance, il entend demander une substitution de motifs fondée sur le fait que l'aide octroyée par la SAS Senoble Holding à la société Elisabeth the Chef Ltd constitue une aide purement financière qui ne peut être déduite de son résultat imposable compte tenu de la situation nette positive de la société Elisabeth the Chef Ltd avant appréhension de cette aide ; à supposer même que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires serait compétente pour examiner la question de l'existence de relations commerciales comme préalable à la qualification juridique d'abandon de créance à caractère commercial ou financier, la

société Senoble Holding ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle serait privée de cette garantie en cas de substitution de motifs car il se borne en l'espèce à tirer les conséquences fiscales de la déclaration par la société elle-même du versement d'une " subvention d'exploitation ".

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 mai 2013, 13 mai 2014,

10 novembre 2017, 7 décembre 2017 et 30 janvier 2018, présentés par la société Senoble Holding, qui conclut au rejet du recours.

La société Senoble Holding soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- la Cour ne pourra pas faire droit à la demande de substitution de motifs du ministre dès lors qu'une telle substitution la priverait de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel ;

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.

1. Considérant qu'au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2008, la société Senoble Holding, devenue Senoble Groupe Services SAS, aux droits et obligations de laquelle vient désormais la SAS Senso, qui avait précédemment consenti à la société de droit britannique Elisabeth the Chef Ltd, dont elle détient l'intégralité du capital, une avance d'un montant de 799 832 euros, a abandonné cette créance et comptabilisé une charge exceptionnelle, qu'elle a déduite pour la détermination de son résultat imposable ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la renonciation à cette créance était constitutive d'un apport en capital de la société Senoble Holding à sa filiale, et a réintégré cette somme dans son résultat imposable ; que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES demande l'annulation du jugement du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Senoble Holding la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; que si l'administration fiscale, comme le juge de l'impôt, doit rechercher la nature réelle d'une opération impliquant une société de droit étranger pour l'application du droit fiscal français, elle ne saurait fonder la qualification qu'elle confère à cette opération en se référant exclusivement aux règles du droit étranger selon lesquelles celle-ci est traitée par la société de droit étranger ;

3. Considérant que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES fait valoir que la filiale de la requérante n'a pas comptabilisé l'opération comme un produit mais comme une allocation de fonds propres, en utilisant un compte intitulé " profit and loss reserve ", conformément au droit britannique ; qu'il estime dès lors que la somme litigieuse était constitutive d'un apport en capital que la société Senoble Holding ne pouvait déduire de son résultat fiscal ; que, toutefois, au regard du droit français, la qualification d'apport en capital est subordonnée à l'augmentation de la valeur de la participation détenue par une société mère dans le capital de sa filiale, par le biais de l'attribution de nouveaux titres sociaux ou d'une augmentation du nominal des titres déjà détenus ; qu'en l'espèce, il est constant que la renonciation par la société Senoble Holding au bénéfice de la créance qu'elle détenait sur la société Elisabeth the Chef n'a pas donné lieu à l'octroi de nouvelles actions dans la filiale ; qu'en se bornant à soutenir que cette renonciation aurait entraîné une augmentation " mathématique " du nominal des actions déjà détenues, le ministre n'établit pas que la requérante se serait trouvée dans cette situation ; qu'ainsi, à défaut de s'être traduites par une contrepartie tenant à la valorisation de la participation de la société mère dans le capital de sa filiale à proportion de la renonciation à la créance, les opérations litigieuses ne peuvent être regardées, pour l'application du droit fiscal français, comme ayant le caractère d'apports en capital au sens du 2. de l'article 38 du code général des impôts ; que l'administration fiscale n'était dès lors pas fondée à retenir une telle qualification pour remettre en cause le caractère déductible de la charge exceptionnelle en litige ;

4. Considérant que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES fait valoir, à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où la Cour refuserait de regarder l'opération litigieuse comme un apport en capital, elle devrait, en l'absence de relations commerciales entre la société requérante et sa filiale, la qualifier d'abandon de créance à caractère financier, et estime que ce dernier ne serait pas déductible dès lors que la filiale présentait, avant l'abandon, une situation nette positive ;

5. Considérant que si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ;

6. Considérant que la qualification d'apport en capital que le service a donnée à l'aide en litige au cours de la procédure de rectification ne soulevait aucune question de fait susceptible d'être utilement soumise à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en revanche, s'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la qualification de commercial ou de financier de l'abandon de créance litigieux, et des conséquences à en tirer au regard du 2. de l'article 38 du code général des impôts, la commission était compétente pour apprécier l'existence de relations commerciales que la société Senoble Holding affirmait avoir avec sa filiale, et qui étaient contestées par le service ; que, dans ces conditions, sauf à priver la requérante de la garantie que constitue la consultation de la commission, l'administration n'est pas fondée à invoquer ce nouveau motif ; que la demande de substitution ne saurait dès lors être accueillie ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Senoble Holding la décharge des impositions en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

4

N° 17VE01081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01081
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-27;17ve01081 ?
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