Vu la décision n° 371707 en date du 29 décembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi de M. A...et de MmeD..., annulé l'arrêt n° 12VE01049 du 14 mai 2013 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles, à la demande du MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA COHESION SOCIALE, en premier lieu, a annulé le jugement n° 0813919 du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. A...et MmeD..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur, C..., condamné l'Etat à leur verser, d'une part, une somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du défaut de scolarisation de leur fils, et d'autre part, une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé de ce fait à ce dernier, en second lieu, a rejeté la requête de M. A...et Mme D... et a renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Versailles ;
Vu le recours, enregistré le 21 mars 2012, par lequel le MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA COHESION SOCIALE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0813919 en date du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A...la somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut de scolarisation de leur fils ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi de ce fait par leur filsC... ;
2° de rejeter la demande de M. et Mme A...ou, à titre subsidiaire, de ne retenir de carence fautive de l'Etat qu'à compter de la rentrée scolaire de septembre 2007 et de réduire d'autant l'indemnité au versement de laquelle l'Etat a été condamné ;
Il soutient que :
- le courrier du 21 mars 2007 est un courrier d'information et non pas une décision d'orientation préalable à la prise en charge éducative prévue à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ;
- la procédure d'orientation définie par le code n'était pas achevée lorsque les époux A...ont demandé à être indemnisés et n'est donc pas opposable à l'État pour rechercher sa responsabilité pour carence fautive ;
- à titre subsidiaire, les préjudices ne sont pas établis ; Mme A...a perçu un revenu d'activité en 2007 et en indiquant que Mme A...a été contrainte d'arrêter toute activité professionnelle, le tribunal a commis une erreur de fait par un jugement insuffisamment motivé ;
- les dépenses éducatives alléguées par les époux A...ne découlent pas de l'absence de prise en charge par l'État de son obligation d'éducation mais de choix personnels, notamment des dépenses d'équithérapie non reconnues par les autorités françaises ;
- le préjudice moral de l'enfant fixé par les premiers juges à 5 000 euros n'est pas suffisamment motivé sur le lien avec le défaut de scolarisation ;
- à titre infiniment subsidiaire, la période de responsabilité ne court qu'à compter de septembre 2007, date figurant dans la réclamation préalable adressée à la ministre et à partir de laquelle C...A...n'a plus été scolarisé ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M. et Mme A...;
1. Considérant que M. et Mme A...ont saisi le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise d'une demande d'indemnisation des préjudices découlant selon eux du défaut de scolarisation de leur fils C...atteint de handicap mental ; que, par un jugement n° 0813919 du 26 janvier 2012, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait partiellement droit à leur demande et a condamné l'Etat à leur verser la somme de 17 000 euros en réparation de leurs préjudices propres ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé à leur fils C...en raison de ce défaut de scolarisation ; que, par un arrêt du 14 mai 2013, statuant sur la requête du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 26 janvier 2012 et a rejeté la demande de première instance présentée par M. et MmeA... ; que, par une décision du 29 décembre 2014, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 14 mai 2013, au motif de l'erreur de droit commise en jugeant que la seule circonstance que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées n'avait pas prononcé de décision d'orientation suffisait à établir que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée du fait de l'absence de scolarisation de C...A...à compter du mois de mars 2007, alors que l'absence de décision de la commission résultait de l'insuffisance des structures d'accueil et non du manque de diligence de ses parents et, d'autre part, a renvoyé à la Cour le jugement de l'affaire ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par
M. et MmeA... ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'éducation, le service public de l'éducation garantit le droit de tout enfant a une éducation scolaire ; qu'aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. Dans le cadre de son projet personnalisé, si ses besoins nécessitent qu'il reçoive sa formation au sein de dispositifs adaptés, il peut être inscrit dans une autre école ou un autre établissement mentionné à l'article L. 351-1 par l'autorité administrative compétente, sur proposition de son établissement de référence et avec l'accord de ses parents ou de son représentant légal. (...) " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 351-1 et L. 351-2 du code de l'éducation, les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans l'un des établissements scolaires publics ou sous contrat, le cas échéant dans l'un des établissements spécialisés désigné par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles : " Une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l'évaluation réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l'ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d'attribution de prestations et d'orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à
L. 241-11 " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu'il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci n'ayant pas un tel objet ; que la seule circonstance que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées n'a pas prononcé de décision d'orientation de l'enfant handicapé ne saurait décharger l'Etat de sa responsabilité, sans préjudice de la responsabilité d'autres organismes publics, dès lors que cette absence de décision résulte, non du manque de diligence des parents ou responsables légaux de l'enfant, mais de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que C...A..., né le 27 janvier 2000 et atteint d'un handicap mental, a été pris en charge au sein d'un jardin d'éveil puis, à raison de seulement deux matinées par semaine, au sein d'une école maternelle communale, du mois de septembre 2005 à la rentrée scolaire de septembre 2007 ; que, saisie par M. et MmeA..., ses parents, l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-d'Oise a examiné sa situation le 5 mars 2007 et a transmis " pour étude et admission éventuelle en externat " le dossier de C...à deux instituts médico-éducatifs situés dans le département ; que ces deux établissements ont informé M. et Mme A...que leur effectif était complet et qu'ils ne pouvaient scolariser leur enfant ; qu'à la suite du refus de ces deux établissements, C...A...n'a plus été scolarisé à partir de la rentrée scolaire 2007 ;
5. Considérant qu'il résulte des éléments de fait précédemment rappelés que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'absence de scolarisation de C...A...alors âgé de 7 ans, à compter du mois de mars 2007, date à laquelle l'équipe pluridisciplinaire a estimé que sa situation relevait d'un institut médico-éducatif en externat et non comme le soutient le ministre à compter du mois de septembre 2007 ; qu'en effet, le maintien à deux demi journées par semaine en école maternelle puis l'absence de toute prise en charge éducative à compter de la rentrée scolaire 2007 résultant de l'insuffisance des structures d'accueil est constitutif d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; que par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que M. et Mme A...étaient fondés à invoquer une carence fautive de l'Etat, de nature à engager sa responsabilité, à compter de mars 2007 ;
Sur le préjudice :
6. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A...ne critiquent pas en appel le montant des indemnités qui leur ont été accordées par les premiers juges ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que MmeA..., qui occupait un emploi salarié à temps plein, n'a plus occupé qu'une activité professionnelle très partielle durant la période allant de mars 2007 à décembre 2008 afin de s'occuper de son fils notamment en organisant elle-même plusieurs demi-journées par semaine d'activités éducatives ; que si elle a de ce fait perçu pendant la période un complément à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de la perte de revenu subie par Mme A... en l'évaluant à 12 000 euros pour la période comprise entre mars 2007 et la fin de l'année 2008 ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment des précisions et justificatifs apportés par M. et MmeA..., que les premiers juges, qui n'ont pas retenu les dépenses d'équithérapie, auraient fait une inexacte appréciation des dépenses éducatives engagées par M. et Mme A...afin de remédier au défaut de prise en charge éducative de leur fils pour la période postérieure à mars 2007 en les évaluant à 1 000 euros ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors que M. et Mme A...ont dû assumer eux-mêmes des tâches éducatives normalement confiées à des professionnels formés dans ce but et que C...n'a pas bénéficié d'une prise en charge éducative par des professionnels, que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation du préjudice moral de M. et Mme A...et de celui de C...en les évaluant respectivement à 5 000 et 4 000 euros ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA COHESION SOCIALE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à indemniser M. et Mme A...des divers préjudices subis par eux-mêmes et par leur fils du fait de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés de pouvoir le scolariser ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA COHESION SOCIALE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 15VE00364 2