Vu la décision n° 368365 du 12 décembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 11VE00383 de la Cour administrative d'appel de Versailles du 24 janvier 2013 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour les sociétés LLOYD'S FRANCE SA, AIG EUROPE, WESTMINSTER AVIATION INSURANCE GROUP, WURTTEMBERGISCHE VERSICHERUNG AG, ASSICURAZIONI GENERALI LONDON, POLYGON INSURANCE CO LTD, ALLIANZ VERSICHERUNGS AG, ARAB INSURANCE GROUP (BSC), ALLIANZ MARINE et AVIATION FRANCE et NEW HAMPSHIRE INSURANCE COMPANY, par Me Casati-Ollier, avocat ;
Les requérantes demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0504142 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de condamnation de l'Etat à leur rembourser les sommes versées à la société Air Liberté en réparation des dommages subis par cette dernière du fait de l'accident survenu à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 25 mai 2000 ;
2° d'annuler la décision implicite en date du 4 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer a rejeté leur demande indemnitaire ;
3° de condamner l'Etat à verser la contre-valeur en euros de la somme de 1 828 042,30 dollars à LLOYD'S FRANCE SA es qualité de mandataire des assureurs du Lloyd's de Londres et aux assureurs subrogés, correspondant à la somme versée à la société Air Liberté en remboursement des frais de réparation de l'aéronef accidenté ;
4° de condamner l'Etat à verser la contre-valeur en euros de la somme de 650 000 dollars ($) à la société NEW HAMPSHIRE INSURANCE COMPANY, correspondant à la somme versée à la société Air Liberté au titre du rachat partiel de la franchise applicable à la police d'assurance de l'aéronef ;
5° de majorer les sommes en question des intérêts de droit décomptés à partir de la demande préalable du 4 octobre 2004 ;
6° de condamner l'Etat aux dépens ;
7° à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices subis au titre de la police corps et au titre de la police rachat de franchise ;
8° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les requérantes soutiennent que :
- les préjudices supportés en leur qualité d'assureurs d'Air Liberté au titre des réparations ainsi qu'au titre du rachat de la franchise sont uniquement imputables aux fautes du service de la navigation aérienne ;
- ce préjudice s'élève, après déduction d'une franchise de 750 000 dollars, à un montant de 1 828 042,30 dollars ;
- le préjudice de la compagnie NEW HAMPSHIRE INSURANCE COMPANY au titre du rachat partiel de la franchise s'élève à un montant de 650 000 dollars ;
- elles justifient de leur qualité pour agir en tant qu'assureurs subrogés dans les droits de la société Air Liberté ;
- les documents bancaires produits établissent le paiement effectif des sommes demandées par l'intermédiaire du courtier Marsh ;
- le paiement par la société NEW HAMPSHIRE INSURANCE COMPANY à la société Air Liberté du montant de l'indemnité du rachat partiel de franchise est établi par les éléments versés au dossier : la quittance, les documents bancaires et la télécopie d'Air Liberté démontrent la compensation du solde avec les primes d'assurances ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :
- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société LLOYD'S FRANCE et autres et de Me C...pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2015, présentée pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie par MeA... ;
1. Considérant que le 25 mai 2000 un aéronef de type MD 83 appartenant à la société Air Liberté est, alors qu'il s'était engagé sur la piste n° 27 de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle après avoir quitté l'aire de stationnement n° 19, entré en collision avec un aéronef de type Shorts exploité par la compagnie Streamline et qui venait de quitter l'aire de stationnement n° 16 ; que cet accident a entraîné le décès du pilote de l'appareil de la compagnie Sreamline, de graves blessures pour le copilote de cet appareil et des dommages matériels pour les deux aéronefs ; que, selon les conclusions de l'enquête menée par le Bureau Enquête Accident, cet accident a pour origine une erreur de localisation, par le contrôle aérien, des appareils en attente de décollage et l'envoi de consignes concomitantes aux deux aéronefs les autorisant à utiliser la piste de décollage n° 27 ; que, par une lettre en date du 5 octobre 2004, les sociétés requérantes ont saisi le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer d'une demande préalable d'indemnisation des préjudices résultant de cet accident ; que les compagnies d'assurances liées par contrat à la société Air Liberté, représentées par la société LLOYD'S FRANCE SA, ont ainsi demandé le versement d'une somme de 1 828 042,30 dollars à titre de remboursements effectués après déduction de la franchise contractuelle tandis que la compagnie NEW HAMPSHIRE INSURANCE a, par la même lettre, demandé le remboursement de la somme de 650 000 dollars correspondant au rachat partiel de la franchise d'assurances restant à la charge de la société Air Liberté ; que leurs demandes ont fait l'objet d'une décision implicite intervenue le 5 décembre 2004 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) " ; qu'il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement effectif de l'indemnité à son assuré ;
3. Considérant toutefois qu'il ressort de l'instruction que les sociétés requérantes ont produit un document intitulé " formulaire de quittance finale " portant le numéro de la police d'assurance souscrite par la société Air Liberté auprès de la société NEW HAMPSHIRE INSURANCE COMPANY, par lequel la société Air Liberté accepte le montant du rachat de sa franchise pour 650 000 dollars, demande aux assureurs de payer cette somme à son réparateur Boeing et précise que le paiement de cette somme emporte subrogation des assureurs dans ses droits ; qu'elles ont également versé une télécopie adressée par la société Air Liberté à son courtier, la société Marsh, faisant état des sommes dues et donnant son accord sur les modalités d'indemnisation ; que des documents informatiques retracent enfin les paiements effectués par le courtier et relatifs à ce sinistre, dont les montants correspondent aux sommes figurant dans les premiers documents ; que ce courtier atteste, d'une part, que les sommes qu'il avait versées pour l'indemnisation du dommage causé par l'accident avaient été avancées par les assureurs dont les noms étaient indiqués et, d'autre part, qu'une partie de l'indemnité avait été payée par compensation avec les primes d'assurance dues par la société Air Liberté à ses assureurs ; que dans ces conditions, les sociétés requérantes ont établi la réalité des versements effectués à leur assuré et qu'elles sont ainsi subrogées dans les droits et actions de ce dernier en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
4. Considérant que l'erreur de localisation des appareils en attente de décollage, que le contrôleur a cru au seuil de la piste 27 alors que l'un des aéronefs était immobilisé sur une bretelle latérale, et l'insuffisance des procédures de vérification du contrôle, qui auraient permis de rectifier cette erreur, sont constitutives d'une faute de la part du service de contrôle aérien de Roissy Charles de Gaulle de nature à engager la responsabilité de l'Etat, qui n'est pas contestée au demeurant dans son principe ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du Bureau Enquête Accident, que l'équipage de l'aéronef Shorts ne pouvait alors à aucun moment avoir un contact visuel au décollage et qu'il ne pouvait pas dès lors vérifier l'absence d'aéronef avant de pénétrer sur cette piste ; que par suite en s'engageant sur la piste, malgré ses doutes sur la localisation de l'aéronef qui devait le précéder pour le décollage, l'équipage de cet aéronef, qui avait reçu l'autorisation du contrôle aérien pour cette manoeuvre, n'a pas commis une faute de nature à exonérer partiellement la responsabilité de l'Etat en s'alignant sur la piste 27 dans ces circonstances ;
6. Considérant que le ministre fait valoir qu'il y aurait lieu de compenser les sommes demandées par les requérants avec la créance, d'un montant de 2 560 732 euros, supérieure aux sommes demandées à titre de réparation par ces derniers ; que toutefois la compensation entre les créances détenues par l'Etat, au titre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, de la taxe de l'aviation civile et de la taxe d'aéroport, et avec la créance de réparation transmise aux assureurs d'Air Liberté par la subrogation ne peut être opérée en raison de la nature juridique différente de la dette et de la créance de l'Etat ; que par suite cette demande de compensation ne peut qu'être rejetée ;
7. Considérant qu'il ressort de l'instruction que la société LLOYD'S FRANCE SA et les autres assureurs requérants ont remboursé à la société Air Liberté une somme de 1 828 042,30 dollars et que la compagnie NEW HAMPSHIRE INSURANCE a versé une somme de 650 000 dollars correspondant au rachat partiel de la franchise d'assurances ; qu'il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, de condamner l'Etat à verser la contre-valeur en euros de ces deux sommes respectivement à la société LLOYD'S FRANCE SA et à la compagnie NEW HAMPSHIRE INSURANCE, au taux de change moyen en vigueur entre le 25 mai 2000 et le 8 novembre 2000, date de remise en service de l'avion accidenté ; que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2004, date à laquelle la demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident du 25 mai 2000 a été reçue par les services de l'Etat ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LLOYD'S FRANCE SA et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Etat demande sur leur fondement ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0504142 du 2 décembre 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la contre-valeur en euros, au taux de change moyen en vigueur entre le 25 mai 2000 et le 8 novembre 2000, d'une somme de 1 828 042,30 dollars aux sociétés LLOYD'S FRANCE SA, AIG EUROPE, WESTMINSTER AVIATION INSURANCE GROUP, WURTTEMBERGISCHE VERSICHERUNG AG, ASSICURAZIONI GENERALI LONDON, POLYGON INSURANCE CO LTD, ALLIANZ VERSICHERUNGS AG, ARAB INSURANCE GROUP (BSC), ALLIANZ MARINE et AVIATION et d'une somme de 650 000 dollars à la compagnie NEW HAMPSHIRE INSURANCE. Ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2004.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative aux sociétés requérantes.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en application de l'article L. 761 du code de justice administrative par les sociétés requérantes est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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