Vu la décision n° 350366 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09VE02296 en date du 12 mai 2011 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0502585 du 19 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA HSBC FRANCE, anciennement dénommée CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 13VE00291 ;
Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2009 sous le n° 09VE02296, présentée pour la SA HSBC FRANCE, anciennement dénommée SA CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, dont le siège est 103 avenue des Champs-Elysées à Paris (75008), par Me Pons, avocat ;
La SA HSBC FRANCE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0502585 en date du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 à raison des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, établie à Nassau (Bahamas), ainsi que des pénalités correspondantes ;
2° de prononcer la décharge, à titre principal, de l'ensemble des impositions et pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, des contributions additionnelles prévues aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB du code général des impôts, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3° de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
Elle soutient :
- que les dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts sont applicables à l'espèce, tant dans leur principe général fixé dans la première phrase sur l'effet de l'implantation, que dans l'exemple qui en est donné dans la seconde, concernant l'activité commerciale effective sur le marché local ; que l'implantation aux Bahamas n'a pas été réalisée dans l'intention d'y loger des bénéfices et d'échapper ainsi à l'impôt ; que sa filiale est présente aux Bahamas pour exercer l'un des métiers du groupe, celui de la banque privée internationale ; que l'acquisition de la banque aux Bahamas est justifiée par des raisons tenant au marché international de l'activité de banque privée ; qu'ainsi, l'acquisition de la banque des Bahamas par la banque privée CCF Luxembourg n'avait pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou un territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié, au sens du II de l'article 209 B du code général des impôts ; que l'activité et les profits en question n'auraient pas pu être réalisés en France auprès de la clientèle désirant investir aux Bahamas ; que cette filiale a permis de créer des bénéfices avec cette clientèle spécifique, non de les " localiser ", ce qui supposerait que le CCF FRANCE ait pu développer la même activité en France ; que, par ailleurs, la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd a une activité commerciale effective et réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local ;
- que l'assujettissement aux contributions additionnelles n'est pas conforme à l'article 209 B du code général des impôts et aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB ; qu'en effet, le I de l'article 209 B du code général des impôts n'autorise la taxation de la personne morale concernée qu'au titre de l'impôt sur les sociétés et ne peut fonder la taxation au titre d'une contribution additionnelle qui est un impôt distinct ; que la contribution du CCF ne peut pas être assise sur les résultats de la société étrangère, qui font l'objet d'une imposition séparée, mais seulement sur ses propres résultats ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :
- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Pons, pour la SA HSBC FRANCE ;
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 1999 et 2000, la SA CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, devenue SA HSBC FRANCE, a été assujettie à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt au titre de ces exercices, à raison de l'inclusion dans son bénéfice taxable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd, établie à Nassau (Bahamas) ; que la SA HSBC FRANCE relève régulièrement appel du jugement du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. / L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. / (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;
4. Considérant qu'il est constant qu'au cours des années en litige le CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE détenait indirectement, par l'intermédiaire des sociétés CCF Luxembourg et CCF Holding Suisse, 100 % du capital de la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd ; que l'administration soutient, sans être contredite, que celle-ci a été soumise aux Bahamas à un régime fiscal privilégié puisqu'elle n'a supporté aucun impôt sur les bénéfices équivalent à l'impôt sur les sociétés français ; qu'ainsi, l'administration établit le caractère privilégié du régime fiscal des Bahamas au sens de l'article 238 A précité du code général des impôts ; que, dès lors, le CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd ;
5. Considérant, toutefois, que la SA HSBC FRANCE indique que la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale des Bahamas et souhaitant y effectuer des opérations bancaires et fiduciaires ; que la requérante, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, soutient que l'acquisition en 1990 de cette sous-filiale bahamienne avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la SA HSBC FRANCE est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd au cours des années 1998 et 1999 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le fait valoir le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque bahamienne et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA HSBC FRANCE bénéficie des dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre fait également valoir que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA HSBC FRANCE apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd n'avaient pas, pour elle, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA HSBC FRANCE à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt au titre des exercices clos en 1999 et 2000 à raison des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA HSBC FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
7. Considérant que la SA HSBC FRANCE ne fait état d'aucun dépens justifiant la condamnation de l'Etat sur ce point ; que sa demande doit, dès lors, être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 19 mai 2009 est annulé.
Article 2 : La SA HSBC FRANCE est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 à raison des bénéfices réalisés par la société Handelsfinanz CCF Bank International Ltd.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA HSBC FRANCE est rejeté.
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