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18/07/2013 | FRANCE | N°13VE00175

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juillet 2013, 13VE00175


Vu la décision n° 346385 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 10VE00287 en date du 23 novembre 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0604009 du 3 novembre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet imp

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Vu la décision n° 346385 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 10VE00287 en date du 23 novembre 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0604009 du 3 novembre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 13VE00175 ;

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010 sous le n° 10VE00287, présentée pour la SA BNP PARIBAS, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat ;

La SA BNP PARIBAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0604009 en date du 3 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 à raison des bénéfices réalisés par la société BNP Private Bank and Trust Bahamas Ltd, établie à Nassau (Bahamas), ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge, à titre principal, de l'ensemble des impositions et pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, de la contribution additionnelle prévue à l'article 235 ter ZA du code général des impôts, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Elle soutient :

- que l'absence de notification de redressements préalable a vicié l'ensemble de la procédure à plusieurs titres ; que l'administration devait en premier lieu justifier l'application de l'article 209 B dans cette notification en démontrant le caractère privilégié de la fiscalité appliquée à la société au titre du résultat 2000 de cette société ; que cette absence de démonstration ne peut pas être couverte à un stade ultérieur de la procédure ; qu'en deuxième lieu, les informations incluses dans une mention expresse au sens de l'article 1732 du code général des impôts, effectuée par une société concernant les résultats d'une autre société, ne peuvent pas permettre à l'administration de mettre en recouvrement des impôts et pénalités sans procéder préalablement à une notification de redressements conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'en troisième lieu, l'absence de notification a totalement faussé le cadre contradictoire du redressement et empêché la BNP de se faire assister d'un conseil et de présenter ses observations sur l'application de la clause de sauvegarde ;

- que les dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts sont applicables à l'espèce, tant dans leur principe général fixé dans la première phrase sur l'effet de l'implantation, que dans l'exemple qui en est donné dans la seconde, concernant l'activité effective sur le marché local ; que, pour combattre l'application du I de l'article 209 B du code général des impôts, les dispositions du II permettent aux sociétés d'établir les motivations qui ont abouti à l'implantation de la structure étrangère et de démontrer que l'objectif principal n'était pas d'échapper à l'impôt français mais de développer leurs opérations ou d'autres motifs ; que seule la délocalisation des profits français empêcherait d'invoquer la clause de sauvegarde ; que l'évasion fiscale présumée concerne la société à laquelle l'article 209 B est appliqué, mais pas l'évasion éventuelle de ses clients ; que l'exigence par le ministre de la preuve de l'activité de la société sur le marché local auprès de clients résidant au Bahamas est injustifiée s'il est démontré que l'effet principal de l'implantation n'est pas d'échapper à l'impôt français ; qu'une société dont l'objectif principal est de développer une activité qu'elle ne pourrait pas réaliser en France démontre bien que l'effet principal recherché par cette société lors de l'établissement de la structure étrangère n'est pas fiscal ; que l'implantation aux Bahamas de la société BNP Private Bank and Trust Ltd n'a pas eu principalement pour effet de faire échapper une partie de ses bénéfices à l'impôt français ; que l'établissement de sa filiale aux Bahamas visait à satisfaire la demande de clients internationaux, notamment nord-américains, qui souhaitent y placer leur épargne ; que son activité de gestion de fortune, qui mobilise vingt-huit personnes, a procuré des profits sur le marché local des Bahamas et qu'ainsi, son implantation répond à une logique économique et commerciale, comme le confirme d'ailleurs le rapport d'information n° 1802 de la commission des finances de l'Assemblée nationale ; que la notion de marché local mentionné au II de l'article 209 B n'impose pas que les clients de la société BNP Private Bank and Trust Ltd soient résidents fiscaux de l'île ; que son assujettissement à la contribution additionnelle prévue à l'article 235 ter ZA du code général n'est pas fondé dès lors qu'il méconnaît les dispositions de l'article 209 B ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, pour la SA BNP PARIBAS ;

1. Considérant que la SA BNP PARIBAS ayant, conformément aux dispositions de l'article 102 Z de l'annexe II au code général des impôts, déposé une déclaration de résultats à raison de sa détention de 100 % du capital de la société BNP Private Bank and Trust Ltd, établie aux Bahamas, sans acquitter l'impôt correspondant, a été assujettie, au titre de l'exercice 2001, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt ; que la SA BNP PARIBAS, relève régulièrement appel du jugement du 3 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) I bis 1. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 150 millions de francs et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, ce résultat est retenu dans la proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle y détient directement ou indirectement. (...) II bis. Les dispositions du I bis ne s'appliquent pas si la personne morale établit que les opérations de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque l'entreprise, la société ou le groupement établi hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'il réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. / (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I bis de l'article 209 B du code général des impôts, applicable compte tenu de la date d'acquisition de la filiale en cause, prévoit que, dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 10 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II bis de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II bis de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

4. Considérant qu'il est constant qu'au cours de l'année en litige la SA BNP PARIBAS détenait 100 % du capital de la société BNP Private Bank and Trust Ltd, dont elle a fait l'acquisition en 1997 ; que l'administration soutient, sans être contredite, que celle-ci a été soumise aux Bahamas à un régime fiscal privilégié puisqu'elle n'a supporté aucun impôt sur les bénéfices équivalent à l'impôt sur les sociétés français ; qu'ainsi, l'administration établit le caractère privilégié du régime fiscal des Bahamas au sens de l'article 238 A précité du code général des impôts ; que, dès lors, la SA BNP PARIBAS entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I bis de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par la société BNP Private Bank and Trust Ltd ;

5. Considérant, toutefois, que la SA BNP PARIBAS indique que la société BNP Private Bank and Trust Ltd exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale des Bahamas et souhaitant y effectuer des opérations bancaires et fiduciaires ; que la requérante, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, soutient que l'acquisition de cette filiale bahamienne avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la requérante est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société BNP Private Bank and Trust Ltd au cours de l'année 2000 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le fait valoir le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque bahamienne et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA BNP PARIBAS bénéficie des dispositions du II bis de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre fait également valoir que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II bis ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP PARIBAS apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société BNP Private Bank and Trust Ltd n'avaient pas, pour elle, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA BNP PARIBAS à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 2001, à raison des bénéfices réalisés par la société BNP Private Bank and Trust Ltd ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : La SA BNP PARIBAS est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 à raison des bénéfices réalisés par la société BNP Private Bank and Trust Ltd.

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N° 13VE00175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00175
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;13ve00175 ?
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