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22/11/2022 | FRANCE | N°21TL24020

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 22 novembre 2022, 21TL24020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo à lui verser la somme globale de 50 173,40 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de son placement en disponibilité d'office, de l'absence de saisine du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne et du retard fautif pris par son employeur dans le versement de l'allocation d

'aide au retour à l'emploi.

Par un jugement n° 1500277 du 1er décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo à lui verser la somme globale de 50 173,40 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de son placement en disponibilité d'office, de l'absence de saisine du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne et du retard fautif pris par son employeur dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Par un jugement n° 1500277 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX00391 du 16 mars 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. A....

Par une décision n° 442162 du 22 octobre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er décembre 2017 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2018, M. B... A..., représenté par Me Géraud-Linfort, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2017 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo à lui verser la somme globale de 45 173,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2014 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices matériels qu'il estime avoir subis dans la gestion de sa situation administrative ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en procédant tardivement, seize mois après l'ouverture de ses droits, au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qui lui était due ;

- cet établissement a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas à sa réintégration dans un délai raisonnable alors, d'une part, qu'il a répondu à toutes les propositions de poste qui lui ont été adressées, d'autre part, qu'aucun des 26 postes vacants correspondant à son grade, vacants au cours de l'année 2012, ne lui a été proposé et, enfin, que le poste qui lui a été proposé le 29 janvier 2014 lui finalement a été refusé sans motif valable ;

- la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de saisir le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne alors qu'aucun poste vacant ne lui a été proposé plus d'un an après la présentation de sa demande de réintégration, ce qui lui a fait perdre une chance certaine d'être réintégré en 2012 ;

- les fautes commises par la communauté d'agglomération dans la gestion de sa situation administrative lui ont causé des préjudices qu'il évalue comme suit :

* 29 558,40 euros au titre du préjudice financier résultant de la perte de rémunération, correspondant à la différence entre les traitements qu'il aurait dû recevoir s'il avait été réintégré au 1er octobre 2012 et les revenus de remplacement qu'il a perçus ;

* 10 000 euros au titre du préjudice financier résultant du versement tardif de l'allocation d'aide au retour à l'emploi plus de seize mois après l'ouverture de ses droits ;

* 5 615 euros au titre du préjudice subi dans la constitution de ses droits à pension, cette somme correspondant au coût de rachat de quatre trimestres non cotisés au titre de sa pension de retraite, laquelle sera liquidée sur une base moins favorable en l'absence de cotisation auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales à l'issue de son placement en disponibilité d'office ;

* 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- il est fondé à demander à ce que ces indemnités, à l'exception de celle afférente à la réparation de son préjudice moral, soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2014, date de sa demande préalable, et de la capitalisation des intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Muretain, représentée par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors, d'une part, que la demande de première instance et la requête d'appel sont mal dirigées, la demande présentée devant le tribunal étant dirigée de manière erronée contre la communauté de communes du Muretain, établissement public de coopération intercommunale inexistant à la date de la demande de première instance tandis que la requête en appel a été formée contre la communauté d'agglomération du Muretain, laquelle n'est pas domiciliée au sein de l'hôtel de ville de Muret et, d'autre part, que les conclusions à fin d'indemnisation n'ont pas été précédées d'une demande préalable destinée à lier contentieux, à l'exception de la seule demande d'indemnisation du préjudice lié au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;

- à titre subsidiaire, aucune faute ne saurait lui être reprochée dans la gestion de la situation administrative de M. A... et les préjudices allégués ne sont pas établis.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire en reprise d'instance après cassation, enregistré le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Géraud-Linfort maintient les conclusions et les moyens qu'il a soulevés.

Par un mémoire en reprise d'instance après cassation enregistré le 20 octobre 2022, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, représentée par Me Herrmann, persiste en ses écritures.

Elle soutient, en outre, que :

- elle n'a commis aucune faute dans la procédure de réintégration de l'appelant et les préjudices allégués ne sont pas établis dès lors, d'une part, que M. A... entretient le flou sur sa situation financière réelle alors qu'il perçoit des revenus locatifs en France et exerce, depuis 2005, une activité commerciale à Ibiza où il gère un établissement d'hébergement ainsi qu'une discothèque et, d'autre part, que l'allocation d'aide au retour à l'emploi lui a été versée de manière rétroactive à compter du 8 octobre 2012 jusqu'à sa réintégration alors même qu'il a refusé le poste qui lui a été proposé le 8 avril 2013 ;

- M. A... n'a donné aucune suite à la proposition de poste qui lui a été adressée, le 8 avril 2013, pour occuper un emploi d'agent d'entretien à temps complet à Portet-sur-Garonne et ne s'est pas davantage positionné sur les deux postes d'agent polyvalent d'animation et d'entretien-restauration à temps complet situés à Pinsaguel qui lui ont été proposés par un courrier du 18 septembre 2013.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, rapporteure ;

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique territorial de deuxième classe a été recruté par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Muretain, en qualité d'agent de salubrité à temps complet à compter du mois de juillet 1991. Placé en disponibilité pour convenances personnelles depuis le 1er octobre 2003, il a sollicité, le 11 avril 2012, sa réintégration à compter du 1er octobre suivant. Par un arrêté du 6 novembre 2012, le président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo l'a maintenu en disponibilité motif pris de ce qu'aucun emploi correspondant à son grade n'était vacant dans les effectifs de l'établissement public. S'estimant involontairement privé d'emploi, l'intéressé a sollicité, par une lettre du 15 mars 2013, le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Par une autre lettre du 20 janvier 2014, il a présenté une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des refus opposés à ses demandes de réintégration et de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. L'intéressé a été réintégré, le 5 janvier 2015, sur un emploi d'agent d'entretien polyvalent. M. A... relève appel du jugement du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo à lui verser la somme globale de 50 173,40 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de son placement en disponibilité d'office, de l'absence de saisine du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne et, enfin, du retard fautif dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

2. Par un arrêt du 16 mars 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par une décision n° 442162 du 22 octobre 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire qui a fait l'objet d'un transfert à la présente cour.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...). / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

4. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable.

5. D'autre part, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

6. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 20 janvier 2014, M. A... a présenté une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis tant du fait du retard fautif dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il estimait devoir percevoir que du fait du refus de son employeur de procéder à sa réintégration dans un délai raisonnable au terme de son placement en disponibilité. Si la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo soutient que l'objet de cette demande préalable se limite à l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et que le versement de cette allocation est, depuis, intervenu, elle n'établit ni même n'allègue ne pas avoir été destinataire de cette demande préalable qui doit, compte tenu de ses termes et en dépit de la circonstance qu'elle comporterait une adresse postale erronée, être regardée comme ayant lié le contentieux à l'égard de l'ensemble des conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... devant les premiers juges. La requête présentée par M. A... étant recevable, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux ne peut, dès lors, qu'être écartée.

7. En second lieu, d'une part, termes de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales : " I. - Des établissements publics de coopération intercommunale, dont au moins l'un d'entre eux est à fiscalité propre, peuvent être autorisés à fusionner (...). / Les compétences transférées par les communes aux établissements publics existant avant la fusion, à titre obligatoire, sont exercées par le nouvel établissement public sur l'ensemble de son périmètre. (...) / L'ensemble des biens, droits et obligations des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés sont transférés à l'établissement public issu de la fusion. (...) / L'établissement public issu de la fusion est substitué de plein droit, pour l'exercice de ses compétences, aux anciens établissements publics et, le cas échéant, aux communes incluses dans son périmètre dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes (...) ". L'article L. 5211-4-1 de ce code dispose que : " I. - Le transfert de compétences d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargé de sa mise en œuvre. (...) / Les fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré en application de l'alinéa précédent sont transférés dans l'établissement public de coopération intercommunale. Ils relèvent de cet établissement dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les leurs (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 5216-5 du même code, en vigueur à la date de l'introduction de la requête : " I. - La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) / 7° Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-18 du même code : " (...) L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes qui le composent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes (...) ".

9. Il résulte de l'instruction, en particulier du bulletin de paie établi pour le mois d'août 2003 produit à l'appui de la requête, que M. A... a d'abord été recruté, en qualité d'agent de salubrité, au sein du service de collecte des déchets ménagers de la communauté de communes du Muretain, dont la commune de Muret était membre. Par la suite, les communes membres de cet établissement public de coopération intercommunale ont décidé sa transformation et son extension en communauté d'agglomération du Muretain, opération prononcée par un arrêté préfectoral modifié du 19 décembre 2003 portant transformation-extension de la communauté de communes du Muretain en communauté d'agglomération du Muretain avant de fusionner, en dernier lieu, par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 novembre 2016, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne du 25 novembre 2016, au sein d'une nouvelle communauté d'agglomération, dénommée " Le Muretain Agglo ", exerçant des compétences obligatoires en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés issue de la fusion entre, d'une part, la communauté d'agglomération du Muretain et, d'autre part, deux communautés de communes. Dès lors que la communauté d'agglomération " Le Muretain Agglo ", créée en dernier lieu, s'est entièrement substituée à la communauté d'agglomération du Muretain, qui, elle-même, vient aux droits de la communauté de communes du Muretain, ces opérations emportant le transfert des personnels des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés, les seules circonstances dont se prévaut l'intimée, selon lesquelles la requête a été introduite contre la communauté d'agglomération du Muretain et mentionne de manière erronée l'adresse de l'hôtel de ville du Muret, ne sont pas de nature à la faire regarder comme mal dirigée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le délai de réintégration de l'appelant et l'absence de saisine du centre de gestion :

10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ". Aux termes de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. (...) / Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 précitée (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire mis en disponibilité pour convenances personnelles a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité. D'une part, si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable. D'autre part, lorsque la collectivité dont relève l'agent constate qu'elle n'est pas en mesure de lui proposer un emploi correspondant à son grade à la date à laquelle la réintégration est demandée, elle doit saisir, sauf réintégration possible à bref délai, le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu'il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.

12. D'une part, par un courrier du 5 mars 2013, le président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a informé M. A... de l'impossibilité de procéder à sa réintégration faute de poste vacant correspondant à son cadre d'emplois et de son maintien en disponibilité. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier de l'état récapitulatif des déclarations de créations et de vacances d'emplois de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo dressé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne, que douze postes correspondant au grade d'adjoint technique de deuxième classe dont M. A... est titulaire, dont un poste d'agent chargé de la collecte des ordures ménagères pour lequel ses précédentes fonctions d'agent de salubrité le qualifiaient particulièrement, ont été déclarés vacants au sein de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo entre le 1er octobre 2012, date à compter de laquelle l'intéressé avait demandé sa réintégration, et la première proposition de poste qui lui a été faite, le 8 avril 2013. Par suite, compte tenu de la taille de l'établissement public de coopération intercommunale qui l'employait et du nombre de postes vacants correspondant au grade détenu par l'intéressé à la date à laquelle devait prendre effet sa demande de réintégration, M. A... est fondé à soutenir que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo n'a pas procédé à sa réintégration dans un délai raisonnable. Il suit de là que celle-ci doit être regardée comme ayant commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

13. D'autre part, à supposer même qu'elle n'était pas en mesure de proposer à M. A... un emploi correspondant à son grade à la date à laquelle l'intéressé a sollicité sa réintégration, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo était tenue de saisir le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne afin qu'il lui soit proposé tout emploi vacant correspondant à son grade. En s'abstenant de procéder à cette saisine, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a également commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant du retard fautif dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi :

14. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les personnes aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement (...) ". Aux termes de l'article L. 5421-2 de ce code : " Le revenu de remplacement prend, selon le cas, la forme : / 1° D'une allocation d'assurance (...) ". Aux termes de l'article L. 5424-1 du code du travail : " Ont droit à une allocation d'assurance (...) : / 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires (...) ". L'article R. 1234-9 du même code dispose que : " L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 (...) ".

15. Il est constant que M. A..., qui s'est trouvé sans affectation dans un emploi correspondant à son grade à la date à laquelle il a souhaité faire prendre effet sa demande de réintégration, soit le 1er octobre 2012, doit être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi, ce qui lui ouvrait droit au versement d'un revenu de remplacement, ainsi que son employeur le lui a au demeurant précisé par un courrier du 5 mars 2013. Après avoir été destinataire d'une demande tendant au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi présentée par un courrier du 15 mars 2013, suivie de courriers de relance en date des 23 août et 9 novembre 2013 et, en dernier lieu, d'une demande indemnitaire préalable du 20 janvier 2014, ce n'est que par un courrier du 28 janvier 2014 que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a finalement accepté de verser à M. A... une allocation d'aide au retour à l'emploi de manière rétroactive à compter du 8 octobre 2012. En défense, cet établissement se borne à soutenir que l'intéressé a tardé à démontrer son éligibilité à un revenu de remplacement et à adresser des justificatifs de situation mais ne produit aucun élément établissant qu'il aurait, en vain, sollicité l'envoi de tels documents de sorte qu'il ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à justifier le délai pris pour instruire cette demande. Dès lors, compte tenu du délai de plus de dix mois qui s'est écoulé entre la demande initiale de M. A... et l'ouverture effective de ses droits à un revenu de remplacement, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo doit être regardée comme ayant commis une carence fautive de nature à engager sa responsabilité en procédant au versement tardif de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

17. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour.

Sur les préjudices indemnisables :

En ce qui concerne le préjudice lié à la perte de rémunération :

18. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public maintenu illégalement en disponibilité d'office a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail, ainsi que celui des diverses allocations ou indemnités qui lui ont été versées du fait de sa privation involontaire d'emploi.

19. M. A... sollicite l'indemnisation de la perte de revenus qu'il a subie entre le 1er octobre 2012, date de prise d'effet de sa demande de réintégration, et sa réintégration effective, intervenue le 5 janvier 2015, déduction faite des revenus de remplacement qu'il a perçus sur cette période qu'il évalue à la somme de 23 788,80 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que, par une lettre du 8 avril 2013, que M. A... ne conteste pas avoir reçue, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo lui a proposé un emploi d'agent d'entretien au sein du pôle éducatif, poste à temps complet localisé à Portet-sur-Garonne. Invité à faire connaître ses intentions au plus tard le 30 avril 2013, M. A... n'a pas répondu à cette proposition de poste. Par suite, la période indemnisable au titre de l'absence de réintégration dans un délai raisonnable ne peut s'établir qu'entre le 1er octobre 2012 et le 8 avril 2013. Cependant, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact de la rémunération qui était susceptible de lui être versée durant la période au cours de laquelle il n'a pas été procédé à sa réintégration dans un délai raisonnable, il y a lieu de renvoyer M. A... devant la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, suivant les principes rappelés au point précédent et en déduisant de son montant tant les sommes effectivement versées à l'intéressé par cet établissement au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, que tout autre revenu perçu par l'intéressé sur cette période dont il lui appartiendra de justifier auprès de son employeur, dans la limite de la somme globale de 29 558,40 euros demandée par l'intéressé.

En ce qui concerne le préjudice lié à la perte de chance de bénéficier d'une réintégration plus précoce :

20. M. A... se prévaut de la perte de chance de bénéficier d'une réintégration plus précoce si son employeur avait saisi le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne de sa situation afin que lui soient proposés des postes vacants correspondant à son grade. Outre que l'appelant ne formule aucune prétention indemnitaire chiffrée au titre de ce chef de préjudice, celui-ci doit, en tout état de cause, être regardé comme déjà intégralement réparé par l'indemnité correspondant à la perte de revenus à laquelle la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a été condamnée dans les conditions fixées au point précédent.

En ce qui concerne le préjudice lié à la minoration des droits à pension :

21. La réparation du préjudice de carrière résultant de l'illégalité fautive entachant la décision d'un employeur public de ne pas réintégrer, dans un délai raisonnable, un agent placé en disponibilité d'office pour convenances personnelles implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis s'il avait bénéficié d'une réintégration dans un délai raisonnable et, par suite, le versement par son employeur, des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes ou d'une reconstitution juridique de sa carrière sur cette période, il incombe à son employeur de prendre à sa charge le versement des cotisations dues pour la constitution de ses droits à la retraite.

22. M. A... sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 5 615 euros correspondant, selon lui, au prix de " rachat " de quatre trimestres non cotisés pour la constitution de ses droits à pension correspondant à la période de disponibilité consécutive au refus de le réintégrer dans un délai raisonnable. Compte tenu de l'âge de l'intéressé à la date de sa demande de réintégration, celui peut être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse de cotiser des trimestres supplémentaires pour la constitution et la liquidation de ses droits à pension sur la période au cours de laquelle il aurait dû être procédé à sa réintégration. Il ne résulte pas de l'instruction que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo ait procédé à une reconstitution juridique de sa carrière au cours de la période en litige. Par suite, en vue d'assurer la réparation de ce préjudice, dont l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant exact, il y a lieu de rétablir M. A... dans la constitution de ses droits à pension en condamnant la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, d'une part, à reconstituer ses droits sociaux sur la période comprise entre le 8 octobre 2012 et le 8 avril 2013 et, d'autre part, à lui verser une indemnité équivalente à la reconstitution de ces droits. Il y a lieu de renvoyer M. A... devant son administration pour qu'il soit procédé à la liquidation et au versement de cette indemnité dans la limite de la somme de 5 615 euros qu'il réclame.

23. En quatrième lieu, le préjudice moral allégué par A... n'est pas établi, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo soutenant, sans être contredite sur ce point, que l'intéressé a continué à exercer, dans l'attente de sa réintégration effective dans les cadres de cet établissement, des activités privées lucratives en qualité de loueur de biens en France et de gérant d'un établissement d'hébergement et d'une discothèque à Ibiza.

En ce qui concerne le préjudice lié au versement tardif de l'allocation d'aide au retour à l'emploi :

24. Il est constant qu'en ouvrant droit à M. A... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi le 28 janvier 2014, soit plus de dix mois après qu'il en a fait la demande, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo lui a causé un préjudice financier. Toutefois, la réalité de ce préjudice n'étant pas établie, il n'y a pas lieu de l'indemniser.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

25. M. A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo est condamnée à lui verser en application des points 19 et 22 du présent arrêt, à compter du 28 janvier 2014, date à laquelle cet établissement a, au plus tôt, reçu sa demande indemnitaire préalable, l'intéressé ne produisant que la preuve d'envoi et non la preuve de réception de cette demande.

26. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée dans le cadre de la requête introductive d'instance enregistrée devant le tribunal administratif de Toulouse le 21 janvier 2015. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 janvier 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo à lui verser des indemnités en réparation de ses préjudices dans les conditions fixées aux points 19 et 22 du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo soient mises à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1500277 du 1er décembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération Le Muretain Agglo est condamnée à verser à M. A... une indemnité correspondant à la perte de rémunération subie dans les conditions prévues au point 19 du présent arrêt. M. A... est renvoyé devant cet établissement pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme, dans la limite de 29 558,40 euros.

Article 3 : La communauté d'agglomération le Muretain Agglo est condamnée à verser à M. A... une indemnité correspondant à la reconstitution de ses droits à pension dans les conditions prévues au point 22 du présent arrêt, dans la limite de 5 615 euros.

Article 4 : L'indemnité prévue aux articles 2 et 3 portera intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2014, date de réception de la demande indemnitaire préalable. Les intérêts échus à la date du 28 janvier 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL24020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24020
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité - Réintégration.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : GERAUD-LINFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;21tl24020 ?
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