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13/02/2025 | FRANCE | N°24PA01148

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 février 2025, 24PA01148


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a révoqué.



Par un jugement n° 1810574 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 20PA03975 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a d'une part, annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 15 octobre 2018 du garde de

s sceaux, ministre de la justice, et, d'autre part, enjoint à ce dernier de réintégrer M. B... dans ses effect...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a révoqué.

Par un jugement n° 1810574 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA03975 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a d'une part, annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 15 octobre 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, et, d'autre part, enjoint à ce dernier de réintégrer M. B... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de la notification de l'arrêté du 15 octobre 2018.

Par une décision n° 466764 du 1er mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 juin 2022 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 décembre 2020 et le 7 mai 2021, M. B..., représenté par Me Guérin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810574 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le mémoire, enregistré le 2 juillet 2020, n'a pas été visé et n'a pas été pris en compte par les premiers juges ;

- le rapporteur public n'a pas tenu compte de ce mémoire ;

- le tribunal administratif de Melun n'a pas répondu au moyen tiré de la faculté de renvoyer la séance du conseil de discipline ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le droit de solliciter le report de la séance n'est pas mentionné dans la convocation devant le conseil de discipline et qu'il n'a pu bénéficier de ce droit ;

- il est entaché d'une erreur de droit et méconnaît le principe non bis in idem dès lors qu'après avoir décidé de ne plus le sanctionner, l'administration ne pouvait, trois ans après les faits, finalement décider de poursuivre la procédure disciplinaire pour les mêmes faits ;

- la sanction de la révocation est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code pénitentiaire ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois,

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, a été condamné le 9 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Mulhouse à douze mois d'emprisonnement délictuel avec sursis et à douze mois d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, pour avoir remis ou fait parvenir à des personnes détenues des sommes d'argent, correspondances, objets ou substances quelconques. Ce jugement a été partiellement réformé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 10 janvier 2019 ramenant à quatre mois la durée d'interdiction d'exercer son activité professionnelle. Après avoir recueilli l'avis favorable du conseil de discipline, le garde des sceaux, ministre de la justice, a, par un arrêté du 15 octobre 2018, révoqué M. B.... Par un jugement n° 1810574 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par M. B... contre cette décision. Par décision n° 466764 du 1er mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 20PA03975 du 30 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, saisie par M. B..., a, d'une part, annulé ce jugement ainsi que la décision du 15 octobre 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, et, d'autre part, enjoint à ce dernier de réintégrer M. B... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de la notification de la décision du 15 octobre 2018, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le mémoire complémentaire, enregistré le 2 juillet 2020, a été visé par les premiers juges qui ont pris en compte l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 10 janvier 2019 réduisant à quatre mois la peine d'interdiction d'exercer l'activité de surveillant pénitentiaire et communiqué à l'appui de ce mémoire. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ce mémoire n'aurait pas été pris en compte par le tribunal. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ".

5. Le rapporteur public a pour mission d'exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient. Dès lors, la circonstance que le rapporteur public n'ait pas pris en compte de manière explicite le mémoire complémentaire enregistré le 2 juillet 2020 dans ses conclusions, à supposer même qu'elle soit établie, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement du tribunal administratif de Melun.

6. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

7. M. B... soutient que le tribunal administratif de Melun n'a pas répondu au moyen " tiré de la nécessité d'évoquer la faculté de renvoyer la séance du conseil de discipline, lorsque l'absence du défenseur choisi est constatée au moment de l'ouverture de la séance et qu'au surplus, celui-ci détient l'entier dossier constitué pour assurer la défense des intérêts de l'agent convoqué ". Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que ce moyen a été analysé dans les visas et que les premiers juges y ont répondu au point 9 de leur jugement. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer sur ce moyen manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Aux termes des dispositions de l'article 4 du même décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois ".

9. En l'espèce, le 20 août 2018, l'administration a adressé à M. B... la convocation l'informant de ses droits et notamment de son droit d'être représenté et d'être assisté par les défenseurs de son choix devant le conseil de discipline. Aucune disposition n'imposait à l'administration d'informer l'intéressé de ce qu'il avait la possibilité de demander le renvoi de l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pas pu être assisté, lors la séance au cours de laquelle s'est réunie le conseil de discipline, par le défenseur qu'il avait choisi, en la personne d'un représentant syndical, qui ne s'est pas présenté, il ressort des pièces du dossier, et notamment, du procès-verbal du conseil de discipline qu'il n'a pas demandé au conseil de renvoyer l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient les dispositions citées au point précédent, non plus qu'aucune autre disposition ou principe, n'imposent en une telle hypothèse au président de la séance de reporter d'office l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure.

10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judiciaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis (...) ".

11. Il découle du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne qui faisait l'objet de poursuites à raison de certains faits, ne peut ensuite engager de nouvelles poursuites à raison des mêmes faits en vue d'infliger une sanction. Cette règle s'applique tant lorsque l'autorité avait initialement infligé une sanction que lorsqu'elle avait décidé de ne pas en infliger une.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été mis en examen le 26 novembre 2015 pour avoir fait parvenir à un détenu placé sous sa surveillance deux téléphones portables et que, par une ordonnance du même jour du tribunal de grande instance de Mulhouse, il a été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer l'activité de surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Mulhouse. Par un courrier du 9 mai 2016, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a informé M. B... qu'il pouvait reprendre ses fonctions de surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt d'Ensisheim, à compter du 17 mai 2016. Contrairement à ce que soutient M. B..., cette décision de réintégration dans un autre établissement pénitentiaire, intervenue à la suite de la suspension provisoire dont il faisait l'objet, ne peut être interprétée comme une décision par laquelle l'autorité hiérarchique aurait renoncé à le sanctionner. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de sanction attaquée aurait été prononcée après qu'est intervenue une décision de ne pas le sanctionner, en méconnaissance du principe non bis in idem, doit être écarté.

13. En dernier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, et dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 113-1 et L. 120-1 du code pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d'insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques. / Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d'Etat, fixe les règles que doivent respecter ces agents (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 12 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, désormais codifié à l'article L. 113-4 du code pénitentiaire : " Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'Etat pour assurer la sécurité intérieure. / Dans le cadre de leur mission de sécurité, ils veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l'individualisation de leur peine ainsi qu'à leur réinsertion (...) ".

14. En application de ces dispositions, aux termes des dispositions de l'article 7 du décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, et désormais codifié à l'article

R. 122-1 du code pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre, impartial et probe. Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance ". Aux termes des dispositions de l'article 9 du même décret du 30 décembre 2010, aujourd'hui codifié à l'article R. 122-3 du code pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire doit s'abstenir de tout acte (...) qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements et services et doit remplir ses fonctions dans des conditions telles que celles-ci ne puissent préjudicier à la bonne exécution des missions dévolues au service public pénitentiaire ". Aux termes des dispositions de l'article 13 du décret du 30 décembre 2010, repris à l'article R. 122-7 du code pénitentiaire : " Le personnel qui serait témoin d'agissements prohibés par le présent code doit s'efforcer de les faire cesser et les porter à la connaissance de sa hiérarchie. Si ces agissements sont constitutifs d'infractions pénales, il les porte également à la connaissance du procureur de la République ". Aux termes des dispositions de l'article 17 du décret du 30 décembre 2010, repris à l'article

R. 122-12 du code pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire doit en toute circonstance se conduire et accomplir ses missions de telle manière que son exemple ait une influence positive sur les personnes dont il a la charge et suscite leur respect ". Aux termes des dispositions de l'article 19 du décret du 30 décembre 2010, repris à l'article R. 122-14 du code pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire ne peut occuper les personnes qui lui sont confiées à des fins personnelles, ni accepter d'elles, directement ou indirectement, des dons et avantages de quelque nature que ce soit. / Il ne peut se charger d'aucun message et d'aucune mission, acheter ou vendre aucun produit ou service pour le compte des personnes qui lui sont confiées. / Il ne peut leur remettre ni recevoir d'elles des sommes d'argent, objets ou substances quelconques en dehors des cas prévus par la loi. / Il ne doit permettre ni faciliter aucune communication non autorisée par les textes entre personnes détenues ou entre les personnes détenues et l'extérieur. / Il ne doit pas agir, que ce soit de façon directe ou indirecte, auprès des personnes qui lui sont confiées pour influer sur leurs moyens de défense ou le choix de leurs défenseurs ". Aux termes des dispositions de l'article 20 du décret du 30 décembre 2010 précité, repris à l'article R. 122-15 du code pénitentiaire : " Le personnel de l'administration pénitentiaire ne peut entretenir sciemment avec des personnes placées par décision de justice sous l'autorité ou le contrôle de l'établissement ou du service dont il relève, ainsi qu'avec les membres de leur famille ou leurs amis, de relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités du service. / Cette interdiction demeure pendant une période de cinq années à compter de la fin de l'exercice de ladite autorité ou dudit contrôle (...) ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article 6 du décret du 30 décembre 2010 précité, désormais codifié à l'article R. 121-3 du code pénitentiaire : " Tout manquement aux devoirs définis par le (...) code [de déontologie du service public pénitentiaire] expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale, du titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l'administration pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".

15. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable à la date de la décision en litige, désormais codifié à l'article

L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors applicable, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : (...) / Deuxième groupe : (...) / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ".

16. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

17. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il exerçait l'activité de surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Mulhouse en 2015, M. B... a, après avoir donné son numéro de téléphone à un détenu, rencontré ce dernier à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire après sa sortie et reçu de sa part deux téléphones portables. Il a ensuite, à la demande de cet ancien détenu, introduit ces téléphones portables au sein de l'établissement pénitentiaire, en contournant le portique de sécurité, pour les remettre à un autre détenu. Ces faits ont valu à M. B... la condamnation, par un jugement du 9 juillet 2018 du tribunal correctionnel de Mulhouse, à douze mois d'emprisonnement délictuel avec sursis et douze mois d'interdiction d'exercer l'activité de surveillant pénitentiaire, cette peine d'interdiction d'exercer ayant ensuite été réduite à quatre mois par une décision de la cour d'appel de Colmar du 10 janvier 2019. M. B... se prévaut du caractère isolé de ces faits dans sa carrière depuis 2010, de l'absence d'antécédents judiciaires ou disciplinaires, de ses bons états de services, du fait qu'il ait reçu les félicitations de sa hiérarchie pour une intervention auprès d'un détenu dangereux et du fait qu'il a été lauréat du concours de premier surveillant. Toutefois, les obligations déontologiques de loyauté, d'intégrité, d'impartialité, de dignité et de probité " en toute circonstance " assignées par le code de déontologie du service public pénitentiaire au personnel de l'administration pénitentiaire tout comme l'interdiction pour ce dernier d'entretenir avec les personnes détenues des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités du service répondent à des impératifs tenant à la préservation de la sécurité à l'intérieur de l'établissement, à l'égalité de traitement entre les personnes détenues, ainsi qu'à la nécessité de protéger les droits et libertés de la personne détenue, placée, lorsqu'elle est en détention, dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis des personnes concourant au service public pénitentiaire. Dans ces conditions, les faits commis par M. B... constituent une faute délictuelle commise dans l'exercice de ses fonctions de surveillant pénitentiaire et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard, d'une part, aux exigences déontologiques qui incombent en toutes circonstances au personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire et, d'autre part, à la particulière gravité des manquements reprochés à M. B..., qui, dans le cadre de relations avec un ancien détenu qui n'étaient pas justifiées par les nécessités du service, a porté atteinte à la sécurité même de l'établissement pénitentiaire dans lequel il exerçait ses fonctions, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en le révoquant, et ce quand bien même sa manière de servir était appréciée et qu'il aurait été en situation de fragilité psychologique à l'époque des faits, ce dernier fait n'étant, en tout état de cause, pas établi. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction de révocation serait disproportionnée doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01148 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01148
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SCP GUERIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24pa01148 ?
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