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30/06/2022 | FRANCE | N°20PA03975

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2022, 20PA03975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son égard la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1801574 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 2020 et 7 mai 2021, M. B... D..., représenté par Me Laurent, demande à l

a Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801574 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son égard la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1801574 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 2020 et 7 mai 2021, M. B... D..., représenté par Me Laurent, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801574 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 15 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge du garde des sceaux, ministre de la justice, la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement :

- le mémoire produit le 2 juillet 2020 n'a pas été visé et n'a pas été pris en compte par les premiers juges ;

- le rapporteur public n'a pas non plus tenu compte de ce mémoire ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la nécessité d'évoquer la faculté de renvoyer la séance du conseil de discipline ;

- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- la décision est entachée d'un vice de procédure en ce que le droit de solliciter le report de la séance n'est pas mentionné dans la convocation devant le conseil de discipline et qu'il n'a pu bénéficier de ce droit ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'après avoir décidé de ne plus le sanctionner, l'administration ne pouvait, trois ans après les faits, finalement décider de poursuivre la procédure disciplinaire pour les mêmes faits ;

- la sanction est disproportionnée dès lors que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont qu'un incident de parcours ;

- la décision a été prise trois ans après les faits alors qu'entretemps, à l'issue d'une première période de suspension, il a été réintégré dans ses fonctions puis formé à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire à l'issue de sa réussite au concours de 1er surveillant, aucune atteinte n'ayant été portée à l'intérêt du service.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,

- le décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire,

- la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... était surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire. Le 9 juillet 2018, il a été condamné par le tribunal de grande instance de Mulhouse, à douze mois d'emprisonnement délictuel avec sursis et à douze mois d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, pour avoir remis ou fait parvenir à des personnes détenues des sommes d'argent, correspondances, objets ou substances quelconques, jugement ultérieurement infirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 10 janvier 2019 ramenant à quatre mois la durée d'interdiction d'exercer son activité professionnelle. Après avoir recueilli l'avis favorable du conseil de discipline, la garde des sceaux, ministre de la justice a, par un arrêté du 15 octobre 2018, révoqué M. D.... Celui-ci relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 9 du décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire dispose que : " Le personnel de l'administration pénitentiaire doit s'abstenir de tout acte, de tout propos ou de tout écrit qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements et services et doit remplir ses fonctions dans des conditions telles que celles-ci ne puissent préjudicier à la bonne exécution des missions dévolues au service public pénitentiaire ". L'article 19 du même décret dispose que : " Le personnel de l'administration pénitentiaire ne peut occuper les personnes qui lui sont confiées à des fins personnelles, ni accepter d'elles, directement ou indirectement, des dons et avantages de quelque nature que ce soit. / Il ne peut se charger d'aucun message et d'aucune mission, acheter ou vendre aucun produit ou service pour le compte des personnes qui lui sont confiées. / Il ne peut leur remettre ni recevoir d'elles des sommes d'argent, objets ou substances quelconques en dehors des cas prévus par la loi. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration.

4. Si la gravité des faits reprochés à M. D... n'est pas contestée, à savoir l'introduction dans l'enceinte pénitentiaire et en contournant le portique de sécurité, de deux téléphones et leur remise à un détenu, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il s'agit de faits isolés dans la carrière de l'intéressé qui, depuis 2010, fait état de bons états de services, ses responsables ayant relevé, lors des notations des années 2013 à 2017 qu'il est sérieux, investi, disponible et qu'il a su en 2018, alors que les faits ont eu lieu en 2015, de nouveau s'intégrer malgré ses difficultés passées, qu'il a, en particulier cette même année, reçu les félicitations de sa hiérarchie pour une intervention auprès d'un détenu dangereux, et qu'il a été lauréat du concours de premier surveillant. Dans ces conditions, en dépit de la gravité des fautes commises, qui justifiaient une sanction sévère, mais compte tenu de la manière de servir de l'intéressé ainsi que de l'absence d'antécédents judiciaires ou disciplinaires, et alors, d'ailleurs, que la cour d'appel de Colmar a réformé le jugement du tribunal de correctionnel de Mulhouse du 9 janvier 2018 en ramenant la peine d'interdiction d'exercer l'activité de surveillant pénitentiaire à quatre mois au lieu de douze, la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de M. D... doit être regardée comme disproportionnée.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

7. L'annulation d'une décision prononçant la révocation d'un agent implique nécessairement la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction. Par suite, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, en exécution du présent arrêt, de réintégrer M. D... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de la notification de la décision du 15 octobre 2018.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801574 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La décision du 15 octobre 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de réintégrer M. D... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de la notification de la décision du 15 octobre 2018.

Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

J.-F. C...

La présidente,

M. A...La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03975
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;20pa03975 ?
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