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31/01/2025 | FRANCE | N°23PA01021

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 31 janvier 2025, 23PA01021


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 26 mai 2020 par la direction départementale des finances publiques de Seine-Saint-Denis, à la demande du rectorat de Paris, et la décision rejetant le recours qu'il a formé contre ce titre de perception, et, d'autre part, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 972,15 euros mise à sa charge par ce titre.



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r un jugement no 2106556 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 26 mai 2020 par la direction départementale des finances publiques de Seine-Saint-Denis, à la demande du rectorat de Paris, et la décision rejetant le recours qu'il a formé contre ce titre de perception, et, d'autre part, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 972,15 euros mise à sa charge par ce titre.

Par un jugement no 2106556 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour d'annuler le jugement n° 2106556 du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- faute de viser et de mentionner dans ses motifs les dispositions dont il a entendu faire application, le jugement, qui est notamment muet sur les motifs ayant conduit la formation de jugement à opérer une compensation entre la dette détenue par l'administration et la créance publique, ne répond pas aux exigences fixées par les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le tribunal a fait une application inexacte des règles régissant la compensation des créances publiques et des dettes détenues par l'administration, la circonstance que M. B... soit fondé à solliciter de l'administration une indemnité en raison de son éviction irrégulière du service ne permettant pas de compenser les sommes qui lui ont été indument versées et réclamées par le titre de perception émis à son encontre ;

- le raisonnement suivi par les premiers juges est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'à supposer qu'une compensation puisse être opérée dans le cadre du régime prévu par les articles 1347 et suivants du code civil, la créance détenue par M. B... sur l'administration n'est ni certaine, ni exigible, celui-ci n'ayant pas présenté de demande préalable tendant à obtenir une indemnité compensatrice de son éviction illégale, ni de recours devant le juge administratif, et le montant de cette indemnité ne peut être déterminé, ce qui empêche de considérer qu'elle est équivalente au montant du titre exécutoire.

Par ordonnance du 22 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2024.

M. B..., représenté par Me Arvis, a présenté un mémoire, enregistré le 23 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

La ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a présenté un mémoire, enregistré le 7 janvier 2025, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 janvier 2025 :

- le rapport de Mme Milon,

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bourgeois, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur certifié de philosophie enseignant au lycée Montaigne à Paris, a, par un arrêté du ministre de l'éducation nationale du 10 décembre 2018, été exclu temporairement de ses fonctions, à titre disciplinaire, pour une durée de dix-huit mois, assortie d'un sursis de douze mois. L'exécution de cet arrêté a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2018. Statuant au fond par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions présentées par M. B... contre cet arrêté. Par un arrêt n° 19PA02720 du 17 janvier 2022 devenu irrévocable suite à la décision n° 462455 du 22 décembre 2023 par laquelle la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2018, ainsi que cet arrêté. M. B..., qui, suite à l'ordonnance de référé du 24 décembre 2018, avait été réintégré dans ses fonctions, à titre provisoire, a été exclu de ses fonctions du 13 juin 2019 au 25 novembre 2019 après l'intervention du jugement au fond du tribunal administratif de Paris. Un titre de perception a, par la suite, été émis à l'encontre de M. B... le 26 mai 2020, mettant à sa charge une somme de 3 972,15 euros correspondant à un trop perçu de rémunération pour la période du 13 juin 2019 au 25 novembre 2019. Ce titre de perception, ainsi que la décision du directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis rejetant implicitement la contestation formée par M. B... contre ce titre, ont été annulés par un jugement n° 2106556 du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris, qui a en outre déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 3 972,15 euros mise à sa charge par le titre de perception annulé. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, par la requête visée ci-dessus, fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Le jugement attaqué comporte, dans ses visas, la mention, notamment, du livre des procédures fiscales et du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012. Si le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse reproche au jugement de ne pas viser les dispositions du code civil, en particulier celles des articles 1347 et suivants, qui constitueraient le fondement légal de la compensation opérée par le tribunal entre la dette détenue par l'administration sur M. B... et celle détenue par ce dernier sur la première, il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le tribunal aurait entendu faire application de ces dispositions du code civil. Il n'est donc pas établi que le tribunal aurait fait application d'un texte qu'il n'a ni visé, ni mentionné dans les motifs de son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité entachant le jugement au regard de l'article R. 741- 2 du code de justice administrative doit donc être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Le ministre reproche au jugement attaqué, d'une part, de ne pas mentionner dans ses motifs les dispositions du livre des procédures fiscales et du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dont il aurait entendu faire application. Toutefois, si ces textes sont effectivement visés dans le jugement, il ne ressort pas de ses motifs, énoncés aux points 2 à 4, comportant l'exposé des principes mis en œuvre et du raisonnement ayant conduit le tribunal à prononcer l'annulation du titre de perception en litige, que celui-ci aurait entendu faire application de l'un ou l'autre de ces textes. D'autre part, contrairement à ce que soutient le ministre, le tribunal a énoncé, aux points 2 à 4 du jugement, les motifs l'ayant conduit à opérer une compensation entre les dettes et créances publiques dont M. B... était, d'après lui, débiteur et créditeur. L'insuffisance de motivation entachant à cet égard le jugement manque donc en fait et celui-ci ne peut être regardé comme entaché d'irrégularité.

Sur la légalité du titre de perception en litige et de la décision rejetant implicitement la contestation formée par M. B... contre ce titre et sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre de perception en litige :

6. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ". Aux termes de l'article 21 bis de cette loi, alors en vigueur : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) ".

7. Par ailleurs, la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie étant des procédures distinctes et indépendantes, la circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction. En outre, un agent faisant l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions étant privé de rémunération pendant la durée de cette exclusion, il ne saurait, pendant cette période, bénéficier d'un maintien de sa rémunération à raison de son placement en congé de maladie.

8. Si, en application des principes énoncés au point précédent, la circonstance que M. B... a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service ne faisait pas obstacle à l'entrée en vigueur, sur cette période, d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions le privant de son droit à rémunération sur la période d'application de la sanction, il résulte de ce qui a été dit au point 1 du présent arrêt que la sanction d'exclusion temporaire des fonctions prise à l'encontre de M. B..., à titre disciplinaire, le 10 décembre 2018, a été annulée par l'arrêt n° 19PA02720 rendu le 17 janvier 2022 par la Cour, lequel est devenu irrévocable. Cette sanction est donc réputée n'avoir jamais existé. Dès lors, l'absence de service fait sur la période du 13 juin au 25 novembre 2019 ne peut être regardée comme la conséquence de la mise à exécution de cette sanction d'exclusion temporaire des fonctions initialement prise à l'encontre de M. B....

9. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que, par deux arrêtés pris les 30 janvier et 21 février 2020, M. B... a été placé rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service du 11 janvier 2019 au 10 janvier 2020. Dès lors, M. B... avait droit, en dépit de l'absence de service de fait, à l'intégralité de son traitement, en application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. M. B... est donc fondé à soutenir que le titre de perception émis à son encontre le 26 mai 2020, mettant à sa charge la somme de 3 972,15 euros correspondant au prétendu trop-perçu de rémunération pour la période du 13 juin 2019 au 25 novembre 2019, méconnaît les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé le titre de perception émis à l'encontre de M. B... le 26 mai 2020, mettant à sa charge une somme de 3 972,15 euros correspondant à un trop perçu de rémunération pour la période du 13 juin 2019 au 25 novembre 2019, ainsi que la décision rejetant implicitement le recours formé contre ce titre et a prononcé la décharge de l'obligation de payer cette somme.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 31 janvier 2025.

La rapporteure,

A. MILONLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01021
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Audrey MILON
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CABINET ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;23pa01021 ?
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