Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1820265 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Par un arrêt n° 20PA01876 du 15 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par une décision no 456782 du 21 mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur les impositions primitives mises à la charge de M. B... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et a, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, renvoyé l'affaire devant la Cour où elle a été enregistrée sous le n° 24PA01343.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2020, 30 octobre 2020, 20 mai 2021 et 14 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Couhault et Me Dupoux, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013 à raison des bénéfices non commerciaux, ainsi que des majorations correspondantes ;
2°) de réformer le jugement n° 1820265 du tribunal administratif de Paris en date du 28 mai 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les sommes versées à l'organisme Swiss Life à titre de cotisations de mutuelle santé et celles versées au régime social des indépendants au cours des années d'imposition en litige, dont il justifie par les pièces versées au dossier, sont déductibles pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2020 et 18 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet du surplus des conclusions de la requête de M. B....
Il soutient que :
- par les pièces qu'il a produites et qui ont été communiquées à l'administration, M. B... ne justifie ni du montant, ni de la réalité des cotisations au régime social des indépendants dont il demande la déduction pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux ;
- s'agissant des prélèvements de l'organisme Swiss Life, en l'absence de production du contrat ayant généré ces prélèvements, M. B... ne justifie ni de la nature exacte de ces dépenses, ni du lien avec l'exercice de sa profession.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur son activité professionnelle d'agent commercial dans le secteur de l'immobilier et d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, M. B... a été assujetti, notamment, à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu à raison des bénéfices non commerciaux des années 2011 à 2013 et à une cotisation primitive de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2011, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 40 % sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts. Par un jugement du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a, s'agissant de ces impositions et majorations, prononcé un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement partiel accordé en cours d'instance de la cotisation d'impôt sur le revenu mise en recouvrement au titre de l'année 2012 et rejeté le surplus des conclusions à fin de réduction d'impôt de la demande de M. B.... Par un arrêt du 15 juillet 2021, la Cour a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par une décision du 21 mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il s'était prononcé sur les impositions mises à la charge de l'intéressé au titre des bénéfices non commerciaux et, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la Cour.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête (...). Elle contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de la relance, les conclusions de M. B... relatives aux impositions demeurant en litige sont assorties de moyens, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée du défaut de motivation doit dès lors être écartée.
Sur le bien-fondé des conclusions à fin de réduction :
4. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (...) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu. / (...) ". Aux termes de l'article 93 de ce code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ". Aux termes de l'article 154 bis du même code : " I. - Pour la détermination (...) des bénéfices des professions non commerciales, sont admises en déduction du bénéfice imposable les cotisations à des régimes obligatoires, de base ou complémentaires, d'allocations familiales, d'assurance vieillesse (...), invalidité, décès, maladie et maternité. / (...) ".
5. Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il entend déduire de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.
6. En premier lieu, M. B... soutient qu'il s'est acquitté, auprès de l'organisme Swiss Life au cours des années d'imposition en litige, à raison de 77,01 euros par mois en 2011 et de 82,69 euros par mois en 2012 et en 2013, de cotisations de mutuelle santé, déductibles pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux sur le fondement des dispositions précitées des articles 93 et 154 bis du code général des impôts. Toutefois, il se borne à verser au dossier des relevés d'un compte bancaire ouvert à son nom dans les livres de la banque HSBC des mois de janvier à mars 2011, mai 2011 et juin 2011, qui mentionnent un prélèvement mensuel de 77,01 euros libellé " SWISSLIFE PREV ". Par ces seuls documents, M. B... n'établit ni avoir versé d'autres sommes à l'organisme Swiss Life au cours des années en litige, ni que les dépenses alléguées, à supposer qu'elles aient toutes été effectivement acquittées, ont été nécessitées par l'exercice de sa profession, en l'absence en particulier de production du contrat s'y rapportant conclu avec cet organisme.
7. En second lieu, aux termes de l'article 1253 du code civil, alors en vigueur : " Le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter ". Aux termes de l'article 1254 de ce code, alors en vigueur : " Le débiteur d'une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu'il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts ; le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute d'abord sur les intérêts ". Aux termes de l'article 1256 du même code, alors en vigueur : " Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point. / Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement ".
8. D'une part, M. B... justifie, par la production d'un décompte établi le 9 juillet 2023 par la société d'huissiers de justice chargée du recouvrement de cotisations impayées dues au régime social des indépendants, avoir versé à ce titre au cours de l'année 2011 la somme de 1 541 euros. Toutefois, le requérant ne soutenant pas avoir alors précisé une imputation différente, ce paiement doit être regardé comme s'étant imputé, en application des dispositions citées au point 7, sur les majorations de retard dont il était débiteur à la date de son règlement. Cette dépense de 1 541 euros ne peut dès lors être regardée, au sens des dispositions précitées des articles 13 et 93 du code général des impôts, comme ayant été nécessitée par l'exercice de sa profession ou acquittée pour l'acquisition ou la conservation du revenu. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'elle est déductible, sur le fondement de ces dispositions, pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011.
9. D'autre part, M. B... justifie, par la production du décompte du 9 juillet 2023 mentionné au point précédent, avoir versé, au cours de l'année 2012, la somme totale de 39 594,82 euros à la société d'huissiers de justice chargée du recouvrement de cotisations impayées dues au régime social des indépendants. Toutefois, le requérant ne soutenant pas avoir alors précisé une imputation différente, les paiements réalisés au cours de cette année doivent être regardés comme s'étant imputés, en application des dispositions citées au point 7, sur les frais de signification de contrainte et de gestion de dossier, à concurrence d'un montant de 88,07 euros, et sur les majorations de retard dont il était encore alors débiteur, à concurrence de la somme de 2 291 euros. Ces dépenses, d'un montant total de 2 379,07 euros, ne peuvent dès lors être regardées, au sens des dispositions précitées des articles 13 et 93 du code général des impôts, comme ayant été nécessitées par l'exercice de sa profession ou acquittées pour l'acquisition ou la conservation du revenu. Par suite, M. B... est seulement fondé à soutenir que la différence entre la somme totale versée et ces dépenses, soit la somme totale de 37 215,75 euros, qui a été acquittée pour le règlement de cotisations dues au régime social des indépendants et a dès lors été nécessitée par l'exercice de sa profession, est déductible, sur le fondement de ces dispositions, pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012.
10. Enfin, M. B... justifie, par la production du décompte du 9 juillet 2023 mentionné au point 8, avoir versé, au cours de l'année 2013, la somme totale de 44 494,16 euros à la société d'huissiers de justice chargée du recouvrement de cotisations impayées dues au régime social des indépendants. Il résulte de ce décompte que cette somme a été versée, à concurrence de 605 euros et 406,91 euros, pour le règlement de majorations de retard, ainsi que le règlement de frais de gestion et de droits de recouvrement mis à sa charge au cours de l'année 2013. Les dépenses correspondantes, pour un montant total de 1 011,91 euros, ne peuvent dès lors être regardées, au sens des dispositions précitées des articles 13 et 93 du code général des impôts, comme ayant été nécessitées par l'exercice de sa profession ou acquittées pour l'acquisition ou la conservation du revenu. Par suite, M. B... est seulement fondé à soutenir que la différence entre la somme totale versée et ces dépenses, soit la somme totale de 43 482,25 euros, qui a été acquittée pour le règlement de cotisations dues au régime social des indépendants et a dès lors été nécessitée par l'exercice de sa profession, est déductible, sur le fondement de ces dispositions, pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 à concurrence des sommes respectives de 37 215,75 euros et 43 482,25 euros.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. B... au titre des années 2012 et 2013 sont respectivement réduites des sommes de 37 215,75 euros et 43 482,25 euros.
Article 2 : M. B... est déchargé des cotisations primitives d'impôt sur le revenu correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er, ainsi que des majorations s'y rapportant.
Article 3 : Le jugement n° 1820265 du tribunal administratif de Paris en date du 28 mai 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013 à raison des bénéfices non commerciaux, ainsi que des majorations correspondantes, est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 15 novembre 2024.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 24PA01343