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27/09/2024 | FRANCE | N°21PA05115

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 septembre 2024, 21PA05115


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



I- Par une première requête, enregistrée sous le numéro 1905200, M. E... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2011 ;



2°) de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité ;



3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I- Par une première requête, enregistrée sous le numéro 1905200, M. E... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2011 ;

2°) de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905200 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. E....

II- Par deux autres requêtes, enregistrées sous les numéros 2015376 et 2015377, M. E... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités, qui leur ont été réclamés en qualité d'associés de la société civile immobilière (SCI) Immobilière de l'Oise au titre des années 2009 à 2011 sur le fondement de l'article 1857 du code civil ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 2015376, 2015377 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. E... et de Mme C....

Procédures devant la Cour :

I- Par une première requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 21PA05115 les 15 septembre et 12 octobre 2021, le 13 janvier 2022, les 26 mai et 26 septembre 2023, et le 15 avril 2024, M. E..., représenté par Me Planchat, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de désigner un expert informatique en vue de faire remettre les fichiers informatiques saisis au domicile de M. D... et les extractions effectuées par l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) ayant permis d'établir les fiches de synthèse BUP 5090108191 et BUP 5090288548, de vérifier que ces fiches ont été confectionnées à partir de ces fichiers et en conformité avec eux, et de donner un avis sur la fiabilité des données mentionnées dans ces fiches ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont manqué à leur office en n'ordonnant pas, et en ne versant pas au contradictoire, les données informatiques ayant permis l'établissement par l'administration des fiches de synthèse ayant permis l'établissement des redressements en litige ;

- la proposition de rectification du 20 décembre 2013 est insuffisamment motivée, en tant qu'elle vise les redressements issus des revenus tirés de la détention de participations dans, ou de la distribution de bénéfices par, six sociétés dont M. E... est gérant ou associé ;

- les impositions 2003 à 2008, afférentes aux revenus d'avoirs détenus sur des comptes non déclarés ouverts en Suisse, étaient prescrites à la date d'envoi des propositions de rectification ; l'arrêt de la Cour du 29 novembre 2018 n° 17PA00880 est sur ce point revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- s'agissant des revenus d'avoirs sur des comptes à l'étranger, les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne peuvent être invoquées pour prolonger le délai de reprise, l'administration disposant d'éléments suffisants lui permettant d'établir les insuffisances d'imposition en litige avant l'ouverture de l'information judiciaire ; les dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peuvent être invoquées pour prolonger le droit de reprise, l'arrêt de la Cour du 29 novembre 2018 n° 17PA00880 étant revêtu de l'autorité de la chose jugée au titre des années 2008 à 2011 et, pour ces années et l'année 2006, la fiche de synthèse individuelle BUP 5090108191 (profil 3456 BB) ne faisant apparaître aucune variation d'avoirs, et l'administration n'établissant pas son obligation fiscale à raison des avoirs sur les comptes ouverts au nom de la société Thrumbo Management Corp. ;

- s'agissant des autres revenus, non visés par la plainte fiscale, les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne peuvent être invoquées pour prolonger le droit de reprise ;

- les éléments à l'origine des redressements ayant été obtenus dans des conditions illicites tant au regard de l'entraide judiciaire prévue par la convention franco-suisse et des prérogatives légales de l'administration, que des conditions d'exercice par cette dernière du droit de communication, ils ne peuvent être regardés comme probants et n'ont pu dès lors servir de fondement aux impositions en litige ;

- les fiches individuelles établies par l'administration à la suite du retraitement des données transmises par l'autorité judiciaire ne peuvent lui être opposées ;

- la détermination des bases d'imposition a méconnu les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts ; les bases d'imposition ne pouvaient être déterminées à partir de la seule extrapolation des données des comptes litigieux relatives à l'année 2006 ; il ne peut être regardé comme ayant utilisé les comptes en cause au cours des années en litige ; il ne peut être imposé à raison des avoirs sur les comptes détenus par la société Thrumbo Management Corp. ;

- l'application du coefficient de majoration de 1,25, prévue au 2° de l'article 158,7 du code général des impôts, aux revenus distribués taxés sur le fondement des articles 109 et 111 c. du code général des impôts, est contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt ;

- les pénalités appliquées sont dépourvues de fondement et ont été appliquées de manière discriminatoire, au regard des personnes ayant régularisé leur situation quant aux comptes ouverts à l'étranger et non déclarés, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1 du 1er protocole additionnel à cette convention ;

- en raison de leur cumul avec des sanctions de même nature, prononcées par le juge pénal à raison des mêmes faits ayant donné lieu à plainte, les sanctions appliquées ne sauraient excéder le montant le plus élevé des sanctions prononcées à raison de ces deux procédures ; il doit être sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive des tribunaux répressifs.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 février 2022, le 13 septembre 2023, et le 29 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2024.

Un mémoire, enregistré le 15 juillet 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été produit pour M. E... par Me Planchat.

Par ordonnances n° 21PA05115 du 21 octobre 2021, du 16 septembre 2022, et des 29 mai et 21 juin 2024, le président de la 9ème chambre de la Cour a prononcé un non-lieu à transmission des questions prioritaires de constitutionnalité présentées respectivement le 20 septembre 2021, le 29 août 2022, le 27 décembre 2023 et le 12 avril 2024 pour M. E... par Me Planchat.

Par ordonnance n° 23PA00453 du 8 avril 2024, le président de la 9ème chambre de la Cour a rejeté la demande, présentée pour M. E... par Me Planchat, tendant à ce que soit désigné un expert informatique en vue de faire remettre les fichiers informatiques saisis au domicile de M. D... et les extractions effectuées par l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) ayant permis d'établir les fiches de synthèse BUP 5090108191 et BUP 5090288548, soit vérifié que ces fiches ont été confectionnées à partir de ces fichiers et en conformité avec eux, et soit donné un avis sur la fiabilité des données mentionnées dans ces fiches, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

II- Par une seconde requête, enregistrée le 2 janvier 2023 sous le numéro 23PA00022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 avril 2024, M. E... et Mme C..., représentés par Me Planchat, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2015376, 2015377 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés en qualité d'associés de la société civile immobilière (SCI) Immobilière de l'Oise au titre des années 2009 à 2011 sur le fondement de l'article 1857 du code civil ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les éléments à l'origine des redressements ayant été obtenus dans des conditions illicites tant au regard de l'entraide judiciaire prévue par la convention franco-suisse et des prérogatives légales de l'administration, que des conditions d'exercice par cette dernière du droit de communication, ils ne peuvent être regardés comme probants et n'ont pu dès lors servir de fondement aux impositions en litige ; l'administration a en conséquence méconnu l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et commis un détournement de pouvoir ;

- eu égard aux dispositions de l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il convient de s'assurer que la charge fiscale correspondant aux sanctions en litige et à la sanction pour escroquerie fiscale dont il a fait l'objet, en dernier lieu par un arrêt du 22 novembre 2022 de la cour d'appel de Paris n'est pas excessive au regard de la gravité de l'infraction qu'il a commise.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2023 et le 21 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... et Mme C... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2024.

Par ordonnance n° 23PA00022 du 17 juin 2024, le président de la 9ème chambre de la Cour a prononcé un non-lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée le 12 avril 2024 pour M. E... par Me Planchat.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, et, notamment, son article 58 ;

- l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation n° F 13-85.042 du 27 novembre 2013 ;

- l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation n° 424 (pourvoi

T 19-23.230) du 14 avril 2021 ;

- l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023, n° 26604/16, Waldner c/ France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère ;

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Planchat, représentant M. E....

Une note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2024, a été produite pour M. E... par Me Planchat.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. D..., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de l'établissement genevois de la banque. L'autorité judiciaire, après communication par ses homologues suisses de mots-clefs d'exploitation et emport d'un ordinateur de M. D..., a ordonné à l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) de procéder au retraitement des données contenues dans cet ordinateur. Des " profils clients " ont ainsi été établis à raison de comptes détenus par M. E... auprès de cet établissement, en qualité de titulaire de ces comptes, ainsi qu'à raison de comptes ouverts au nom de la société panaméenne Thrumbo Management Corp., dont M. E... est apparu comme ayant-droit économique. Sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, une enquête préliminaire notamment pour blanchiment d'argent ayant été ouverte le 26 juin 2009, le Parquet de Nice a communiqué les données ainsi saisies à l'administration fiscale, qui, après avoir analysé les profils clients transmis, a établi, après rapprochement de l'IRCGN, des " fiches de synthèse " individuelles, référencées BUP 5090108191 et BUP 5090288548, correspondant aux profils de M. E... et de la société Thrumbo Management Corp. Elle a estimé qu'il existait une présomption que M. B... E... soit détenteur de comptes ouverts en Suisse dans les livres de la banque HSBC Private Bank de Genève, soit directement pour cinq comptes bancaires, ouverts en 1997, soit indirectement pour quatre autres comptes ouverts au nom de la société Thrumbo Management Corp., ouverts en 2006. Sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l'administration a déposé plainte pour fraude fiscale le 11 janvier 2011 au titre de l'impôt sur le revenu des années 2006 à 2009 et de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 et 2008 et, le 12 avril 2012, à l'issue d'une nouvelle enquête préliminaire confiée au Parquet national financier, une information judiciaire a été ouverte et M. E... a été mis en examen des faits de fraude fiscale, d'escroquerie en bande organisée, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux représentés par ses droits ou participations dans diverses sociétés, blanchiment, faux et usage de faux et passation d'écritures comptables inexactes dans les sociétés contrôlées. Par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 11 février 2020, frappé d'appel, M. E... a été déclaré coupable de fraude fiscale au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 2006 à 2009, et d'escroquerie et de blanchiment de fraude fiscale pour les années 2003 à 2011. Par un arrêt du 22 novembre 2022, frappé d'un pourvoi en cassation, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours de M. E... tendant à l'annulation de ce jugement. Par arrêt du 4 septembre 2024, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a notamment confirmé les déclarations de culpabilité des chefs de fraude fiscale au titre de l'impôt sur le revenu et cassé et annulé l'arrêt mentionné de la cour d'appel en ses dispositions relatives à la culpabilité des chefs de faux et d'escroquerie et renvoyé la cause devant cette cour. L'administration a également, en premier lieu, engagé au titre des années 2009 et 2010, le 23 mai 2012, un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, en deuxième lieu, au titre des années 2003 à 2008, adressé les 21 décembre 2012 et 25 février 2013 à M. E... des demandes de justification sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, suivies de mises en demeure, et, en dernier lieu, au titre de l'année 2011, engagé un contrôle sur pièces de ses revenus au titre de l'année 2011. Elle a en outre, à plusieurs reprises entre le 9 juillet 2012 et le 23 octobre 2013, exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en application de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales. Par une proposition de rectification en date du 20 décembre 2013, relative aux années d'imposition 2003 à 2008 et 2011, elle a notifié à M. E..., notamment, des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et 151 du code général des impôts, et, par des propositions en date des 21 décembre 2012 et 20 décembre 2013, lui a notifié de tels suppléments d'imposition au titre des années 2009 et 2010 respectivement. L'ensemble de ces suppléments d'imposition a été assorti de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses. L'administration a également redressé M. E... à raison des bénéfices regardés comme distribués par diverses sociétés de capitaux au titre des années 2003 à 2011, les revenus taxés en conséquence ayant été majorés du coefficient de 1,25 prévu au 2° de l'article 158,7 du code général des impôts et les impositions supplémentaires en cause ayant pu donner lieu à l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré. Enfin, par deux avis de mise en recouvrement en date du 19 juin 2019, l'administration a réclamé auprès de M. E... et de Mme C..., en qualité d'associés sur le fondement de l'article 1857 du code civil, les sommes de, respectivement, 192 156,92 et 385,08 euros, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due par la SCI Immobilière de l'Oise pour les périodes d'imposition 2009, 2010 et 2011 dont le bien-fondé a été reconnu en dernier lieu par l'arrêt du 6 avril 2017 n° 15PA01468 de la Cour, devenu définitif après rejet du pourvoi en cassation par arrêt de non-admission du Conseil d'Etat du 7 février 2018 n° 411300. Par les requêtes susvisées, M. E... et Mme C... forment régulièrement appel des jugements du tribunal administratif de Paris n° 1905200 et 2015376, 2015377 des 15 juillet 2021 et 8 novembre 2022, visés ci-dessus, par lesquels leurs demandes en décharge des impositions et pénalités visées ci-dessus ont été rejetées.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 21PA05115 et 23PA00022 ont été présentées par le même requérant, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu en conséquence d'en prononcer la jonction pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la régularité du jugement n° 1905200 attaqué :

3. En premier lieu, si M. E... soutient que les premiers juges ont manqué à leur office en n'ordonnant pas, et en ne versant pas au contradictoire, les données informatiques ayant permis l'établissement par l'administration des fiches de synthèse ayant permis l'établissement des redressements en litige, il résulte de l'instruction que ces redressements se sont fondés sur deux fiches de synthèse de comptes détenus par M. E... auprès de l'agence HSBC de Genève, référencées BUP 5090108191 et 5090288548, élaborées par l'administration à partir du retraitement, effectué par l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), de fichiers informatiques recueillis lors d'une perquisition au domicile de M. D..., ancien salarié de cette agence, intervenue le 19 janvier 2009 sur autorisation du procureur de la République de Nice, ainsi que sur les éléments transmis par l'autorité judiciaire à l'administration en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, ou obtenus par cette dernière de cette autorité à la suite de l'exercice du droit de communication prévu à l'article L. 82 C du même livre des procédures fiscales à plusieurs reprises entre le 9 juillet 2012 et le 23 octobre 2013, à l'occasion d'enquêtes préliminaires ouvertes en 2009 puis 2011 respectivement par le Parquet de Nice puis par le Parquet national financier, notamment pour blanchiment d'argent et fraude fiscale, puis d'une instruction judiciaire ouverte par le Parquet national financier après ouverture d'une information le 12 avril 2012 pour faits de fraude fiscale, d'escroquerie en bande organisée, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, de faux et usage de faux et passation d'écritures comptables inexactes, et de blanchiment. Ces éléments et notamment les fiches de synthèse BUP 5090108191 et 5090288548, mentionnées ci-dessus, ont été versées à la procédure. Par suite, alors qu'aucun élément de l'instruction ne permet de considérer que l'administration aurait détenu ou pu elle-même retraiter les données informatiques en cause indépendamment du retraitement effectué par l'IRCGN, les premiers juges ont pu exercer régulièrement leur office en procédant à l'instruction des éléments figurant au dossier de première instance, sans qu'il soit besoin d'ordonner une instruction complémentaire. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

4. En second lieu, il ressort des écritures du requérant de première instance, contenues dans le mémoire en réplique enregistré le 30 juillet 2020, que celui-ci a entendu soulever le défaut de motivation de la proposition de rectification du 20 décembre 2013, afférente aux impositions des années 2003 à 2008 et 2011, en tant que celle-ci n'avait pas exposé les circonstances de fait au vu desquelles, s'agissant des rehaussements autres que ceux liés aux avoirs à l'étranger, le droit de reprise de l'administration avait été étendu sur le fondement des articles L. 169, L. 188 B et L. 188 C du livre des procédures fiscales. Par suite, en retenant au point 13 de leur jugement n° 1905200 du 15 juillet 2021 que la proposition de rectification en cause " énonce avec précision les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier de l'extension de son droit de reprise pour ce qui concerne les rectifications ayant trait à la minoration par M. E... de la quote-part des revenus fonciers déclarée provenant des SCI Immobilière de l'Oise, Péronne, Garges V et MJL, et à la non-déclaration de revenus distribués par les sociétés SARL 3I, Saint-Christophe et Turgot ", les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen soulevé. Par suite, le moyen soulevé en appel doit être écarté.

En ce qui concerne la requête n° 21PA05115 visée ci-dessus :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

5. Les premiers juges ont retenu que la proposition de rectification du 20 décembre 2013, relative aux années d'imposition 2003 à 2008 et 2011, en tant qu'elle vise les redressements issus des revenus tirés de la détention de participations dans, ou de la distribution de bénéfices par, six sociétés dont M. E... est gérant ou associé, comporte les éléments de fait et de droit, devant être pris en considération en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, et énonce avec précision les motifs de droit et de fait permettant à l'administration de redresser les revenus mentionnés et de faire usage de son droit de reprise prolongé, permettant ainsi au requérant de formuler utilement ses observations. En réitérant ses écritures de première instance sans y apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, M. E... ne remet pas en cause l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de cette proposition de rectification, à laquelle se sont livrés à bon droit les premiers juges au point 13 de leur jugement n° 1905200 du 15 juillet 2021, dans les conditions rappelées au point 4 précédent, dont il convient d'adopter les motifs. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'article 7 de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé être détenu par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour

elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ". Ces dispositions, qui instaurent l'obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l'administration les références de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger, prévoient qu'à défaut d'une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte constituent des revenus imposables, sauf pour le contribuable à apporter la preuve que les sommes en question n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées, ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt. Entre dans le champ de l'obligation déclarative posée par ces dispositions tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger par une personne physique, une association ou une société n'ayant pas la forme commerciale, domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale.

7. Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur le revenu des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ".

Quant à la prescription du droit de reprise :

8. Aux termes de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 5° de l'article L. 228, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le droit de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 188 C du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Il résulte de ces dispositions que des informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par une instance s'il est établi que l'administration fiscale disposait, avant de les recevoir, d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Enfin, aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, (...). La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées ".

9. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'article 58 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " (...) / Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles (...) 1649 A (...) du même code n'ont pas été respectées et concernent un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Ce droit de reprise concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées ". Le a du 1° du I de l'article 58 de la loi de finances rectificative pour 2011, applicable aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2011, a supprimé la condition tenant à ce que l'Etat ou le territoire concerné ait conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.

10. En premier lieu, s'agissant des revenus d'avoirs sur des comptes non déclarés à l'étranger, les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne peuvent être invoquées pour fonder l'allongement du droit de reprise, au regard des effets interruptifs de la proposition de rectification du 20 décembre 2013 mentionnée ci-dessus, pour les années antérieures à 2010, les informations utilisées par l'administration pour fonder les redressements en litige, provenant notamment d'éléments obtenus dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le Parquet de Nice le 26 juin 2009, ne pouvant être regardées comme ayant été révélées par l'instance résultant de l'information judiciaire ouverte le 12 avril 2012 par le Parquet national financier, mentionnée au point 1 du présent arrêt.

11. Toutefois, d'une part, les impositions en litige, s'agissant de la période en cause couvrant les années 2003 à 2011, ont été établies sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et 151 du code général des impôts, à raison de la détention par M. E... de comptes ouverts en Suisse, tant en qualité de détenteur que d'ayant-droit économique, entre 1997 et 2006, n'ayant pas fait l'objet de déclaration en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts. A cet égard, il résulte de ce qui est dit au point 21 du présent arrêt que M. E... doit être regardé, en qualité d'ayant-droit économique, comme ayant utilisé les comptes ouverts au nom de la société Thrumbo Management Corp. et, ainsi, comme étant redevable de l'impôt dû à raison des revenus des avoirs sur ces comptes sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts. En conséquence, à ce titre, les revenus des avoirs figurant sur l'ensemble des comptes mentionnés, déterminés en application des dispositions mentionnées de l'article 151 du code général des impôts, pouvaient faire l'objet d'un droit de reprise de l'administration dans le délai de dix ans à compter de l'année de leur fait générateur, soit, au plus tard, pour l'année 2003, avant le 31 décembre 2013, en application des dispositions précitées du 4ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. M. E... ne saurait, à cet égard, invoquer l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n° 17PA00880 du 29 novembre 2018 de la Cour, devenu définitif, lequel vise non les impositions en cause, mais les amendes pour défaut de déclaration de comptes ouverts à l'étranger. Est également sans incidence la circonstance que, s'agissant de l'année 2006 et des années 2008 à 2011, les comptes en cause ne puissent être réputés avoir été ouverts, utilisés ou clos, faute qu'une opération sur ces comptes ait été établie, dès lors qu'il ressort des profils clients ayant servi à l'élaboration des fiches de synthèse référencées BUP 5090108191 et BUP 5090288548 que des variations ont affecté chaque année la composition de leurs avoirs, traduisant une utilisation active de ces comptes. En toute hypothèse, eu égard à l'objet des dispositions de l'article 1649 A, citées au point 6 du présent arrêt, lorsque l'administration fiscale dispose d'éléments établissant l'utilisation de comptes non déclarés à l'étranger au titre d'une ou plusieurs années, leurs détenteurs ou leurs ayants droit sont présumés, sauf preuve contraire, avoir continué de les utiliser les années suivantes et avoir méconnu, au titre de ces années, l'obligation déclarative prévue par l'article 1649 A du code général des impôts. L'administration fiscale est alors fondée à se prévaloir du délai de reprise spécial de dix ans prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales aux fins d'imposer, le cas échéant, au titre de ces années, tant les transferts réalisés en provenance ou au bénéfice de ces comptes dissimulés que les revenus issus des avoirs y figurant. Il résulte de ce qui précède que l'administration pouvait, en l'espèce, se prévaloir pour l'ensemble des années en litige du délai de reprise de dix ans prévu au 4ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et valablement adresser à M. E... les propositions de rectification en litige des 21 décembre 2012 et 20 décembre 2013, le délai en cause expirant au plus tôt le 31 décembre de cette année.

12. D'autre part, et en tout état de cause, s'agissant de l'impôt sur le revenu des années 2006 à 2009, il résulte de l'instruction que l'administration a engagé une plainte fiscale à l'encontre de M. E... le 11 janvier 2011, soit dans le délai de reprise déterminé au point précédent résultant des dispositions mentionnées. Par suite, sur le fondement de l'article L. 188 B précité, elle était en droit d'exercer son droit de reprise jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, soit dans les deux hypothèses à une date ultérieure à celle des propositions de rectification interruptives de prescription des 21 décembre 2012 et 20 décembre 2013.

13. En second lieu, s'agissant des revenus tirés par M. E... de la détention de droits ou participations dans diverses sociétés entre 2005 et 2011, non visés par la plainte pénale déposée par l'administration le 11 janvier 2011, il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification des 21 décembre 2012 et 20 décembre 2013 mentionnées que, comme les premiers juges l'ont relevé au point 20 de leur jugement, ces revenus ont été identifiés à partir de l'exercice, par l'administration, du droit de communication prévu à l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales à plusieurs reprises entre le 9 juillet 2012 et le 23 octobre 2013, à la suite de l'ouverture, le 12 avril 2012, d'une instruction judiciaire par le Parquet national financier notamment pour faits d'abus de biens sociaux et de faux et usage de faux et passation d'écritures comptables inexactes. Ces revenus devant dès lors être regardés comme ayant été révélés par une instance ouverte en 2012, le droit de reprise de l'administration n'était pas expiré à la date des propositions de rectification en cause, les 21 décembre 2012 et 20 décembre 2013, pour les motifs retenus à bon droit par le Tribunal au point 20 de son jugement qu'il convient d'adopter.

Quant au fondement des impositions :

14. En premier lieu, si M. E... soutient que l'origine des éléments ayant été utilisés pour établir les suppléments d'imposition en litige est entachée d'illégalité portant sur les conditions de leur obtention, eu égard aux conditions dans lesquelles les fichiers de l'établissement de la banque HSBC de Genève ont été obtenus par les autorités judiciaires françaises au regard des stipulations de la convention d'entraide judiciaire franco-suisse, et si, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge, il résulte de l'instruction que, par son arrêt du 27 novembre 2013 visé ci-dessus, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la régularité de la perquisition du 19 janvier 2009 mentionnée au point 1 du présent arrêt, et notamment relevé qu'il n'était pas démontré que l'administration serait intervenue dans la confection des éléments de preuve constitués par les fiches de synthèse mentionnées ci-dessus qu'elle a utilisées, notamment en obtenant directement les fichiers bancaires en cause. Il ressort également de l'arrêt du 14 avril 2021 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu en matière de droits de mutation à titre gratuit, en ses points 32 et 33, que c'est à bon droit que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 23 septembre 2019 reconnaissant la culpabilité du requérant du chef de fraude fiscale en cette matière, a attaché aux fiches de synthèse mentionnées le caractère d'élément de preuve suffisant. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de l'absence de caractère probant des éléments repris dans les fiches de synthèse référencées BUP 5090108191 et BUP 5090288548, établies par l'administration à partir d'éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire et mises au point après rapprochement avec l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), chargé par cette autorité d'exploiter les données recueillies lors de la perquisition du 19 janvier 2009, les impositions en litige, établies notamment à partir de ces éléments, sont dépourvues de fondement.

15. En second lieu, de même, si M. E... invoque l'irrégularité des conditions dans lesquelles l'administration a exercé son droit de communication auprès des autorités judiciaires au stade de l'enquête préliminaire ouverte le 26 juin 2009 par le Parquet de Nice, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les conditions d'exercice de ce droit aient été déclarées irrégulières par une décision du juge compétent devenue définitive.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 ci-dessus que M. E... n'est pas fondé à soutenir que, les impositions en litige ayant été établies sans fondement, l'administration a méconnu l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le principe de sécurité juridique en résultant, ou le principe du contradictoire, ainsi que, en tout état de cause, le principe des droits de la défense et la garantie du procès équitable énoncée à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et entaché ces impositions de détournement de pouvoir.

Quant à l'assiette des impositions :

17. M. E..., qui a été régulièrement taxé d'office sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et des articles 151 et 1649 A du code général des impôts, cités aux points 6 et 7 du présent arrêt, à raison des revenus d'avoirs sur les comptes ouverts auprès de l'établissement bancaire HSBC à Genève, supporte la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste.

18. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires de la loi de finances initiale n° 89-935 pour 1990 dont sont issues les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales. Eu égard à l'objet des dispositions en cause, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d'une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d'autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte.

19. En outre, il résulte des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code que l'obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, ou sur lesquels il dispose d'une procuration, mais également sur les comptes qu'il a utilisés, alors même que ces comptes seraient ouverts auprès ou au nom d'un tiers, ou qu'il n'en serait pas le bénéficiaire économique.

20. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer les revenus d'avoirs imposables, l'administration, qui ne disposait pas des relevés de ces comptes, a retenu la variation, entre le 31 décembre de l'année d'imposition et le 31 décembre de l'année précédente, du solde des neuf comptes apparaissant dans les " profils client " établis dans les conditions mentionnées aux points 1 et 10 du présent arrêt, correspondant à M. E... ou liés à sa personne. Pour chaque compte, cette variation a été déterminée d'office en appliquant la moyenne des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées, prévue à l'article 151 du code général des impôts, le solde de référence étant celui, connu au 31 décembre 2006, apparaissant sur ces profils client. Ainsi qu'il a été dit au point 10, ces profils clients, établis pour les périodes comprises entre novembre 2005 et février 2007, faisaient apparaître des variations affectant chaque mois la composition des avoirs figurant sur ces comptes. Alors même que cette reconstitution des revenus d'avoirs de chaque année impliquait, soit une reconstitution rétroactive pour l'assiette de l'impôt des années 2003 et 2004, soit une projection pour l'assiette de l'impôt des années 2007 à 2011, une telle reconstitution, effectuée au titre d'une taxation d'office, n'apparaît pas dépourvue de fondement juridique ou manifestement erronée en conduisant à des revenus taxables exagérés, l'administration ayant adressé à M. E... des demandes de justification en dates des 21 décembre 2012 et 25 février 2013 auxquelles l'intéressé a répondu, les 18 février et 22 avril 2013, en se bornant à opposer l'absence de détention d'avoirs à l'étranger sur les comptes en cause. Au demeurant, M. E..., qui ne saurait soulever sur ce point l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n° 17PA00880 du 29 novembre 2018 de la Cour, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, n'apporte au soutien de ses conclusions aucun élément de preuve, dont la charge lui incombe, permettant de remettre en cause la détermination des bases d'imposition ainsi effectuée.

21. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, les variations apparaissant sur les profils client correspondant à M. E... ou liés à sa personne, mentionnés au point précédent, traduisent une utilisation active de ces comptes, ouverts soit en 1997, soit en 2006, par M. E... ou par la société Thrumbo Management Corp. dont il est l'ayant-droit économique. En outre, si, pour l'application de l'article 1649 A précité du code général des impôts, un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé pour une année donnée que si l'utilisateur du compte a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur ce compte, eu égard à l'objet de ces dispositions, qui visent à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, lorsque l'administration fiscale dispose d'éléments établissant l'utilisation de comptes non déclarés à l'étranger au titre d'une ou plusieurs années, leurs détenteurs ou leurs ayants-droits sont présumés, sauf preuve contraire, avoir continué de les utiliser les années suivantes et avoir méconnu, au titre de ces années, l'obligation déclarative prévue par l'article 1649 A du code général des impôts. Par suite, M. E..., qui n'apporte aucun élément dont la preuve lui incombe de nature à établir une absence d'utilisation de ces comptes au cours des années en litige, doit être regardé comme ayant réalisé un revenu taxable à raison des revenus des avoirs sur les comptes en cause au cours des années en litige.

22. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait déterminer les avoirs taxés en litige sans méconnaître les dispositions des articles 151 et 1649 A du code général des impôts.

23. En dernier lieu, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers taxés au titre des années 2009 à 2011 à raison de bénéfices regardés comme distribués par la SARL 3I, détenue par M. E..., majorés du coefficient de 1,25 prévu au 2° de l'article 158,7 du code général des impôts, le requérant ne peut utilement se borner à invoquer l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023, Waldner c/ France, visé ci-dessus, pour soutenir que ce coefficient s'applique à des revenus dont la perception n'a pas été démontrée, dès lors que les impositions en litige résultent de l'application de dispositions distinctes du code général des impôts et qu'elles ont été établies à raison de revenus dont l'appréhension a été établie. En outre, M. E... ne peut utilement soutenir que l'application de ce coefficient méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt sans présenter de mémoire distinct portant question prioritaire de constitutionnalité, le mémoire distinct par ailleurs présenté à cette fin ayant donné lieu à l'ordonnance de non-lieu à transmission du président de la 9ème chambre de la Cour en date du 29 mai 2024, visée ci-dessus.

S'agissant des pénalités :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ".

25. D'une part, si M. E... soutient, sans développer sur ce point d'argumentation spécifique, que les pénalités pour manœuvres frauduleuses, dont l'administration a assorti les suppléments d'imposition en litige, sont dépourvues de fondement, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 14 à 23 que les moyens tirés de l'absence de fondement des impositions auxquelles s'appliquent les pénalités en litige doivent être écartés. Si, en outre, il soutient que ces pénalités lui ont été appliquées dans des conditions établissant une discrimination au regard des personnes ayant régularisé leur situation quant aux comptes qu'elles détiennent à l'étranger et n'ont pas été déclarés, contrairement aux dispositions combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1 du 1er protocole additionnel à cette convention, il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 29 à 31 de leur jugement. Enfin, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 16, relatif au principal des impositions en litige, que faute d'établir l'illicéité des conditions dans lesquelles les informations ayant fondé les pénalités en cause ont été obtenues, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les pénalités en cause méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le principe de sécurité juridique en résultant, ou le principe du contradictoire, ainsi que le principe des droits de la défense et la garantie du procès équitable énoncée à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou qu'elles sont entachées ces impositions de détournement de pouvoir.

26. D'autre part, si, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 11 février 2020, confirmé en appel puis partiellement en cassation, dans les conditions mentionnées au point 1 du présent arrêt, M. E... a été déclaré coupable notamment du chef de fraude fiscale au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 2006 à 2009, les sanctions ainsi infligées à M. E... sont de nature différente et ont trait à des faits distincts de ceux ayant motivé l'application des sanctions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les sanctions en litige doivent être plafonnées doit être écarté, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention de la décision définitive des tribunaux répressifs.

En ce qui concerne la requête n° 23PA00022 visée ci-dessus :

27. En premier lieu, M. E... et Mme C... soutiennent que les éléments à l'origine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause, due en qualité d'associés de la SCI Immobilière de l'Oise sur le fondement de l'article 1857 du code civil, ont été obtenus dans des conditions illicites tant au regard de l'entraide judiciaire prévue par la convention

franco-suisse et des prérogatives légales de l'administration, que des conditions d'exercice par cette dernière du droit de communication, et que, par suite, ils ne peuvent être regardés comme probants et n'ont pu dès lors servir de fondement aux impositions en litige. Il en résulte selon eux une méconnaissance de la garantie des droits prévue à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et un détournement de pouvoir. Toutefois, ces moyens doivent être écartés pour les motifs retenus aux points 14 et 15 ci-dessus. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments qu'a utilisés l'administration pour fonder les impositions en litige aient pour origine les fiches de synthèses mentionnées au point 14 du présent arrêt.

28. En second lieu, aux termes de l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ".

29. Si, par un arrêt en date du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a reconnu M. E... coupable notamment du délit d'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée et a notamment prononcé une amende de 800 000 euros, et si le présent litige porte sur les pénalités dues par la SCI Immobilière de l'Oise au paiement desquelles M. E... a été condamné à titre solidaire, à raison de taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort par l'utilisation de factures fictives, les pénalités en cause portent sur deux personnes juridiques distinctes et ont été appliquées à raison de faits distincts. Par suite, M. E... ne peut utilement soutenir que le cumul de ces pénalités doit être pris en compte pour apprécier leur caractère excessif au regard de la gravité de l'infraction commise.

Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert :

30. Ces conclusions, au demeurant nouvelles en appel et dès lors irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées pour les motifs retenus au point 14 du présent arrêt.

31. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des requêtes de M. E... et de Mme C... aux fins de décharge d'imposition, ainsi que celles tendant à la désignation d'un expert, ne peuvent qu'être rejetées. Par suite, leurs conclusions présentées au titre des frais d'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos 21PA05115 et 23PA00022 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... C... et au ministre chargé de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARRERELe président assesseur

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre chargé de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 21PA05115, 23PA00022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05115
Date de la décision : 27/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-27;21pa05115 ?
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