La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2024 | FRANCE | N°22PA04610

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 juin 2024, 22PA04610


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 et de leur accorder le bénéfice du sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.



Par un jugement n° 1709453 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la de

mande des époux A... D....



Par un arrêt n° 20PA02599 du 23 décembre 2021, la cour admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 et de leur accorder le bénéfice du sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1709453 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande des époux A... D....

Par un arrêt n° 20PA02599 du 23 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Melun, réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. et Mme A... D... au titre des années 2015 et 2016, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à respectivement 21 604 euros et 5 012 euros et prononcé la décharge des époux A... D... des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 en conséquence de cette réduction de base imposable.

Par une décision n° 461703 du 18 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 septembre et 9 décembre 2020 et le 1er janvier 2023, M. et Mme A... D..., représentés par Me Ladreit de Lacharrière, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1709453 du 8 juillet 2020 ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, à hauteur de la différence entre les sommes initialement déclarées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et celles résultant de leur réclamation et de leur télédéclaration rectificative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme A... D... soutiennent que :

- au titre de la procédure d'imposition des revenus de 2016, l'administration aurait dû émettre un nouvel avis d'imposition dès lors qu'ils avaient procédé, dans le délai imparti jusqu'au 19 décembre 2017, à la correction de leur déclaration d'impôt ;

- au titre de l'année 2016, l'administration les a privés de garantie en ne leur adressant pas une proposition de rectification en méconnaissance des articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; ils ont ainsi été privés de la possibilité de présenter des observations sur les rectifications envisagées ; la méconnaissance de ces dispositions ne saurait être ni neutralisée, dès lors qu'est en cause une garantie substantielle, ni compensée par la motivation de la décision rejetant leur réclamation préalable ; la neutralisation retenue par le tribunal n'est pas fondée en droit ;

- le tribunal a renversé la charge de la preuve ; la preuve de l'insuffisance des revenus déclarés pesait sur l'administration, laquelle ne rapporte pas la preuve de la minoration du dernier montant des rémunérations déclarées en 2016 soit 5 012 euros ;

- ils ont produit des éléments de nature à établir que les sommes reçues constituent des remboursements des sommes prêtées et non des rémunérations ; la décision du Conseil d'Etat ne remet pas en cause cette distinction entre intérêts perçus et sommes remboursant le capital prêté à concurrence du montant initialement investi ; les intérêts perçus sont en l'espèce inférieurs aux montants investis ;

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 novembre 2020 et 29 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la convention fiscale franco-espagnole signée le 10 octobre 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de M. A... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... D..., après avoir déposé leurs déclarations de revenus dans le délai imparti, respectivement, au titre des années 2015 et 2016, se sont efforcés à obtenir, le 8 juin 2017, la prise en compte de la télécorrection de la déclaration de leurs revenus de l'année 2016, consistant à ramener le montant des revenus de capitaux mobiliers, initialement déclarés pour un montant de 692 069 euros, à celui de 5 012 euros. Ils ont en outre, le 26 juillet 2017, saisi l'administration d'une réclamation préalable tendant à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2015 par la prise en compte d'une déclaration rectificative réduisant le montant des revenus de capitaux mobiliers initialement déclarés à hauteur de 191 104 euros à la somme de 21 604 euros, cette demande étant motivée par le fait que M. et Mme A... D... s'estimaient avoir été victimes d'une escroquerie du type " Pyramide de Ponzi ", découverte au cours de l'année 2017. L'administration fiscale, s'estimant saisie de deux réclamations présentées au titre, respectivement, de l'imposition des revenus des années 2015 et 2016, les a rejetées par une décision du 4 octobre 2017. Par jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de M. et Mme A... D... aux fins de réduction de leur base imposable et de décharge partielle des cotisations d'impôts sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis, respectivement, au titre des années 2015 et 2016. Par décision n° 461703 du 18 octobre 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 20PA02599 du 23 décembre 2021 par lequel la Cour de céans, saisie par M. et Mme A... D..., avait annulé ce jugement et réduit leur base imposable à hauteur des montants demandés, et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les époux A... D... ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué leur aurait à tort fait supporter la charge de la preuve de ce que l'imposition à laquelle ils ont été soumis n'était pas due.

Sur l'imposition des revenus de l'année 2016 :

3. Aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (...) ". Dans un communiqué du 19 juillet 2017 publié sur le site impots.gouv.fr, l'administration a indiqué que le service de correction en ligne de la déclaration des revenus de 2016 serait ouvert du 1er août au 19 décembre 2017. Selon les indications portées sur ce site, " L'accès à ce service est réservé aux seuls usagers ayant déclaré leurs revenus en ligne sur impots.gouv.fr (...) / Les intéressés peuvent se connecter au service via la page d'accueil du site impôts.gouv.fr (rubrique " corriger ma déclaration en ligne de 2017 ") ou à partir de leur espace particulier (identification avec le numéro fiscal et mot de passe créé lors des précédents accès aux services en ligne). Les corrections peuvent porter sur les informations relatives aux revenus (...) / Suite aux modifications déclarées, le contribuable reçoit un nouvel avis d'impôt l'informant du montant définitif de l'impôt à payer. Si le contribuable bénéficie d'un dégrèvement (diminution du montant de l'impôt) et que l'impôt a déjà été payé, le trop-perçu est remboursé ".

4. Aux termes de l'article 175 A du code général des impôts : " Le service des impôts peut rectifier les déclarations en se conformant à la procédure prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales ". L'article L. 55 du livre des procédures fiscales dispose que : " (...) lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ". Et aux termes de l'article L. 57 du même code : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Le respect de ces dispositions constitue une garantie substantielle offerte au contribuable dont la situation relève de la procédure contradictoire.

5. M et Mme A... D... ont souscrit par voie de tédéclaration sur leur espace particulier ouvert sur le site impôts.gouv.fr, le 22 mai 2017, dans le délai expirant le 6 juin 2017 fixé en application de l'article 175 du code général des impôts, leur déclaration de revenus de l'année 2016 par laquelle ils ont déclaré, notamment 692 069 euros de revenus de capitaux mobiliers. Le 8 juin 2017, souhaitant ramener ce montant à 5 012 euros, ils se sont connectés de nouveau sur leur espace particulier, ce qui a généré un accusé de réception mentionnant le dépôt d'une déclaration le 8 juin 2017 à 10 h 04, après l'expiration du délai imparti, sans que leur déclaration soit modifiée. Un avis d'imposition établi le 20 juillet 2017 sur la base de la tédéclaration du 22 mai 2017, mentionnant des revenus de capitaux mobiliers de 692 069 euros, leur a ainsi été adressé. Le 22 août 2017, M. et Mme A... D..., entendant bénéficier de la possibilité de corriger leur déclaration des revenus de 2016 annoncée par le communiqué du 19 juillet 2017 publié sur le site impots.gouv.fr, ont signalé sur leur espace particulier ouvert sur ce site leur intention de procéder à la télédéclaration rectificative de leurs revenus de l'année 2016 en ramenant de 692 069 euros à 5 012 euros leurs revenus de capitaux mobiliers. L'administration fiscale, estimant que cette démarche constituait une réclamation, l'a rejetée par un courrier daté du 4 octobre 2017 au motif que M. et Mme A... D... ne démontraient pas le caractère non imposable des sommes correspondant à la réduction en cause. Le 21 novembre 2017, M et Mme A... D... ont entendu procéder à la rectification de leur télédéclaration selon les modalités fixées dans le communiqué du 19 juillet 2017 de l'administration fiscale publié sur le site impots.gouv.fr, sans toutefois parvenir à ce que l'inscription, sur l'annexe 2047 relative aux revenus de capitaux mobiliers, du montant rectifié de 5 012 euros, puisse donner lieu à la validation de cette annexe et à l'accès aux étapes 3 et 4 nécessaires pour finaliser la correction en ligne par une signature électronique, le logiciel signalant une " anomalie " et revenant sans cesse en boucle sur l'étape 2, comme cela ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi à cette occasion.

6. En premier lieu, le communiqué de l'administration fiscale publié sur le site officiel impots.gouv.fr, mentionné au point 3, avait pour objet et pour effet de permettre aux contribuables ayant effectué la télédéclaration de leurs revenus dans le délai imparti de procéder à la télérectification de cette déclaration à tout moment au cours de la période du 1er aout au 19 décembre 2017. Ces indications, dépourvues d'ambiguïté, ne comportaient aucune mention susceptible de traduire une intention de l'administration de subordonner la possibilité de procéder à la télérectification de la déclaration d'un contribuable à la condition qu'elle ne conduise pas à une réduction des revenus déclarés ou, de façon générale, à une quelconque condition concernant la portée de la rectification.

7. Par suite, le ministre n'est pas fondé à justifier l'absence d'enregistrement de la télérectification de la déclaration des contribuables par son allégation, dépourvue de fondement, selon laquelle l'intégration automatique d'une télécorrection aux éléments initialement déclarés ne serait pas possible lorsque la correction consiste à modifier à la baisse les montants déclarés et que les modifications demandées nécessitent une analyse du service. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales permettraient à l'administration fiscale de demander des documents justificatifs au contribuable avant d'enregistrer la télérectification de sa déclaration, et, par suite, ne peut pas utilement se prévaloir de la circonstance que M. et Mme D... n'auraient pas apporté de réponse satisfaisante à la demande qui leur avait été adressée, sur le fondement de ces dispositions, de produire des justificatifs quant au bien-fondé de la rectification à la baisse à laquelle ils entendaient procéder.

8. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que M. et Mme A... D... n'auraient pas satisfait aux conditions auxquelles les indications du 19 juillet 2017 publiées sur le site impots.gouv.fr subordonnaient la possibilité de procéder à la télérectification de la déclaration du contribuable. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, et n'est pas d'avantage allégué par l'administration fiscale, que l'impossibilité dans laquelle M. et Mme A... D... se sont trouvés de finaliser la procédure de rectification de leur déclaration, le 21 novembre 2017, serait imputable à une erreur ou une maladresse de leur part dans l'exploitation du logiciel de télédéclaration.

9. Il suit de là que M et Mme A... D..., compte tenu des diligences qu'ils ont accomplies pour procéder à la télérectification de leur déclaration conformément aux modalités publiées sur le site impots.gouv.fr, sur lesquelles l'administration n'oppose aucune critique utile, et quand bien même aucune télérectification de la déclaration des contribuable n'a été enregistrée sur l'espace particulier des requérants ouvert sur le site impot.gouv.fr, sont fondés à soutenir qu'en s'abstenant de leur adresser un nouvel avis d'imposition établi sur la base du montant de 5 012 euros correspondant à la rectification demandée, ainsi que le prévoyaient pourtant expressément les indications publiées sur le site impot.gouv.fr, et en s'abstenant également, en conséquence, de leur adresser une proposition de rectification pour porter ce montant à celui de de 692 069 euros initialement déclaré, l'administration fiscale a procédé à une rectification de leurs revenus en méconnaissance des dispositions, rappelées au point 4, des articles L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de ce qui précède que l'assiette des cotisations de M. et Mme A... D... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des revenus de l'année 2016, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, doit être fixée à 5 012 euros.

Sur l'imposition des revenus de l'année 2015 :

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :

11. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

12. D'une part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : - a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; - b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'ils ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; - c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention signée le 10 octobre 1995 entre les gouvernements français et espagnol en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette convention : " 1. Les intérêts provenant d'un État contractant et payés à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État. / 2. Toutefois, ces intérêts sont aussi imposables dans l'État contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les intérêts en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 pour cent du montant brut des intérêts (...). / 4. Le terme " intérêts " employé dans le présent article désigné les revenus des créances de toute nature, assorties ou non de garanties hypothécaires ou d'une clause de participation aux bénéfices du débiteur (...) ". Aux termes de l'article 24 de la même convention : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : a) Les revenus qui proviennent d'Espagne, et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet Etat (...), sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France (...). Dans ce cas, l'impôt espagnol n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : (...) pour les revenus visés (...) au paragraphe 2 de l'article 11 (...), au montant de l'impôt payé en Espagne (...) "

14. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par les époux A... D..., que leur domicile fiscal se trouvait en France au cours de l'année 2015. En conséquence, et en application des stipulations rappelées au point précédent, les revenus, qualifiés de " bénéfices ", versés par la société de droit espagnol Publiolimpia SL en rémunération des capitaux investis par les époux A... D... étaient imposables en France et en principe également Espagne, l'imposition établie dans ce pays ne pouvant alors excéder 10% du montant brut des revenus perçus. Si une imposition effective de ces revenus par les autorités espagnoles, le cas échéant, ouvrait droit à un crédit d'impôts d'un même montant imputable sur l'impôt français, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué par les époux A... D..., qu'ils auraient effectivement été imposés sur ces revenus par les autorités espagnoles. Dans ces conditions, les stipulations de la convention franco-espagnoles ne faisaient pas obstacle à l'imposition en litige.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

15. Aux termes de l'article 124 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article (...) les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 (...) ". L'article 125 du même code dispose que : " Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages, primes de remboursement ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124. / L'impôt est dû par le seul fait, soit du paiement des intérêts, de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte ".

16. Il résulte de l'instruction que les époux A... D... ont déclaré la somme de 191 104 euros au titre de revenus perçus en 2015 en rémunération des prêts participatifs, consentis auprès de la société de droit espagnol Publiolimpia SL, dans l'objectif de permettre la réalisation de campagnes de publicité pour de grandes marques commerciales. Pour demander la réduction de la base de l'imposition en litige, les époux A... D..., qui supportent la charge d'en démontrer l'exagération dès lors qu'ils ont été imposés conformément à leur déclaration, font valoir que les campagnes de publicité faisant l'objet de ces prêts n'ont en réalité pas été menées, les sommes investies par eux n'ayant servi qu'à attirer de nouveaux investisseurs dans le cadre d'une opération de cavalerie financière, et ajoutent que la somme qu'ils ont déclarée comme étant constitutive d'intérêts serait inférieure au montant du capital investi pour l'année en cause, lequel ne leur aurait jamais été intégralement remboursé, de sorte que, selon eux, la somme de 191 104 euros devrait être qualifiée de remboursement partiel du capital prêté, non imposable à l'impôt sur les revenus.

17. Toutefois, il résulte de l'instruction que les intérêts en litige perçus au cours de l'année 2015 ont été payés aux contribuables en rémunération de prêts distincts les uns des autres, les montants perçus par les époux A... D... au cours de l'année 2015 correspondant exactement aux montants des intérêts stipulés, de manière distincte du capital investi, dans les contrats de prêt participatif. Il résulte en outre des stipulations de ces contrats que leur échéance, confirmée par le " solde de tout compte " de chaque prêt stipulé à l'occasion de la souscription ultérieure de tout contrat ultérieur, entrainait l'extinction du prêt, l'emprunteur étant réputé avoir remis au prêteur au plus tard le jour de l'échéance convenue à la souscription du prêt la somme prêtée en plus des bénéfices rapportés. La circonstance que les intérêts perçus par les époux A... D... aient, pour certains d'entre eux, immédiatement été réinvestis dans de nouveaux prêts conclus en 2015 qui n'auraient jamais été remboursés est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige dès lors que celle-ci est due, en application des dispositions précitées de l'article 125 du code général des impôts, par le seul fait du paiement des intérêts ou de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte. Dans ces conditions, les époux A... D... ne sont pas fondés à demander la réduction de l'imposition à laquelle ils ont été soumis au titre de leurs revenus de l'année 2015.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les époux A... D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs conclusions à fins de réduction des cotisations d'impôt sur le revenu, et de contributions sociales, réclamées au titre de leurs revenus de l'année 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M et Mme A... D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'assiette des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de M. et Mme A... D..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, est fixée à 5 012 euros au titre des revenus de l'année 2016.

Article 2 : M. et Mme A... D... sont déchargés des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réduction de base fixée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1709453 du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. et Mme A... D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête d'appel de M. et Mme A... D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 28 juin 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04610 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04610
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : LADREIT DE LACHARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;22pa04610 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award