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25/03/2024 | FRANCE | N°22PA02484

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 25 mars 2024, 22PA02484


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 29 février 2020 par laquelle la maire de Paris a refusé de requalifier en contrat à durée indéterminée ou déterminée son engagement pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et, pour la période ayant couru jusqu'à l'introduction de la requête, d'enjoindre à la ville de Paris de procéder à la requalification de son contrat pour la période du 2 novembre 2010 au 1e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 29 février 2020 par laquelle la maire de Paris a refusé de requalifier en contrat à durée indéterminée ou déterminée son engagement pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et, pour la période ayant couru jusqu'à l'introduction de la requête, d'enjoindre à la ville de Paris de procéder à la requalification de son contrat pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 106 700 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par jugement n° 2006870/2-2 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 29 février 2020 de la ville de Paris en tant qu'elle refuse une requalification des vacations effectuées par Mme A... en contrats à durée déterminée pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016, a enjoint à la ville de Paris de procéder à la requalification de l'engagement de Mme A... en tant qu'agent contractuelle sous contrat à durée déterminée pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016 et a condamné la ville de Paris à lui verser 2 000 euros en indemnisation de son préjudice moral, la somme correspondant à la différence entre la somme qu'elle a perçue et celle qu'elle aurait perçue si elle avait été recrutée sous contrats à durée déterminée successifs entre le 2 novembre 2010 et le 14 novembre 2016, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et le 7 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Lerat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006870/2-2 du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Paris en tant que la ville de Paris n'a été condamnée à lui verser qu'une somme limitée à 2 000 euros ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 104 700 euros en indemnisation des préjudices subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa carrière avec intérêts de droit à compter du 30 décembre 2019, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation ;

3°) de dire que la somme de 2 000 euros que la ville de Paris a été condamnée à lui verser par les premiers juges porte intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite du 29 février 2020 par laquelle la maire de Paris a refusé de requalifier en contrat à durée indéterminée ou déterminée son engagement pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et pour la période ayant couru jusqu'à l'introduction de la requête à savoir le 30 avril 2020 ne sont pas tardives ;

- le préjudice moral dont elle se prévaut est étayé et elle établit que la fin des fonctions qu'elle occupait au sein du foyer Mélingue a eu lieu dans des conditions abruptes ;

- la responsabilité de la ville de Paris est engagée pour la promesse non tenue qu'elle a faite, le 23 janvier 2018, d'étudier favorablement l'augmentation de la durée de son temps de travail et le retard dans la gestion de son dossier dès lors que ce n'est que le 23 octobre 2018 que la ville de Paris l'a recontactée pour évoquer l'augmentation de sa durée de travail, ce qui constitue une négligence fautive à l'origine de difficultés financières très importantes ;

- elle a été victime d'un licenciement illégal dès lors qu'elle aurait dû se voir proposer, s'agissant de du poste qu'elle a occupé au foyer Mélingue, un contrat à durée indéterminée à compter du 14 novembre 2016 de sorte que la décision du 30 novembre 2017 qui renouvelle son contrat pour trois mois seulement constitue une décision illégale de licenciement, laquelle a d'ailleurs été annulée par le tribunal administratif de Paris, engageant ainsi la responsabilité de la ville de Paris ;

- elle est fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant de l'absence de paiement des heures de travail effectuées mais non rémunérées du 21 au 31 décembre 2017 et du 1er au 13 février 2018 et du défaut de possibilité de bénéficier des congés payés correspondant à 84,08 heures de congés soit 86, 11 heures au 13 février 2018, soit 1,435 mois de salaire ;

- la responsabilité de la ville de Paris est engagée du fait des erreurs commises dans la régularisation financière qui est intervenue suite à sa reconstitution de carrière ;

- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence du fait du maintien en position de vacataire pendant 8 années et des conditions abruptes dans lesquelles a pris fin sa relation de travail au sein du foyer Mélingue dans lequel elle exerçait ses fonctions de psychologue qui peuvent être évalués à la somme de 20 000 euros compte tenu des témoignages qu'elle produit ;

- elle a subi un préjudice financier au titre de la perte de chance sérieuse de bénéficier d'une rémunération en tant qu'agent contractuel du fait de son maintien en qualité de vacataire et du manque à gagner au niveau des primes, qui peut être évalué à la somme de 50 000 euros ;

- elle a subi un préjudice lié aux congés annuels non pris qui peut être estimé à 10 000 euros ;

- elle a subi un préjudice financier du fait de l'absence de perception de l'indemnité de licenciement à hauteur de 2 700 euros ;

- dès lors qu'elle justifie avoir adressé à la ville de Paris une demande préalable indemnitaire réceptionnée le 30 décembre 2019, elle est fondée à solliciter que la somme de 2 000 euros que la ville de Paris a été condamnée à lui verser par les premiers juges porte intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la demande indemnitaire préalable.

Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 8 novembre 2022, la ville de Paris, représentée par Me Foussard-Froger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006870/2-2 du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas relevé d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 février 2020 qui étaient tardives puisque dirigées contre une décision purement confirmative, ainsi que l'irrecevabilité des conclusions accessoires aux fins d'injonction ;

- le préjudice moral dont se prévaut Mme A... n'est pas étayé et la fin des fonctions qu'elle occupait n'a pas eu lieu dans des conditions abruptes ;

- la ville de Paris ne lui a pas fait une promesse formelle de lui accorder une augmentation de la durée de son temps de travail et Mme A... a refusé les offres lui ont été faites de sorte qu'aucune indemnisation ne peut lui être allouée à ce titre ;

- Mme A..., qui n'a pas fait l'objet d'une mesure de licenciement, ne peut solliciter une indemnisation à ce titre ;

- dès lors que les heures de travail effectuées par Mme A... au sein du foyer Mélingue ont été intégralement réglées, elle ne peut solliciter aucune indemnisation sur ce fondement ;

- la régularisation financière de sa situation au titre de la reconstitution de sa carrière à compter du 14 novembre 2016 relève de l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 20PA00277 du 5 novembre 2021 et, en tout état de cause, elle n'établit pas qu'elle n'aurait pas perçu l'intégralité des sommes qui lui sont dues ;

- à titre subsidiaire, la somme de 2 000 euros qui a été allouée à Mme A... au titre de son préjudice moral a été justement évaluée ;

- le préjudice financier dont se prévaut Mme A... au titre, d'une part, des congés annuels non pris et, d'autre part, correspondant à la différence de rémunération résultant de la requalification de son engagement en contrat à durée déterminée pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016 n'est pas justifié ;

- Mme A... n'avait pas sollicité le paiement des intérêts de retard dans sa requête de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me Lerat, avocat de Mme B... A...

- et les observations de Me Connil, avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 26 octobre 2010, Mme A... a été recrutée pour une durée de travail de 60 heures mensuelles par le département de Paris en qualité de psychologue vacataire à compter du 2 novembre 2010 au sein du foyer Mélingue, établissement public local des services départementaux de l'aide à l'enfance, en charge de l'accueil d'urgence des enfants. Son emploi était régi par la loi du 9 janvier 1986, relative à la fonction publique hospitalière. Ce contrat a fait l'objet de renouvellements successifs d'une durée d'un an jusqu'à celui du 14 novembre 2016 puis pour une durée de trois mois du 30 novembre 2017 au 1er février 2018. Toutefois, Mme A... a, en parallèle, été recrutée comme agent contractuelle du département de Paris à compter du 15 mai 2011 à temps incomplet de 50 % puis de 60 % pour exercer les fonctions de psychologue au sein du service de l'aide sociale à l'enfance, contrat régi par la fonction publique territoriale.

2. Parallèlement, Mme A... a été recrutée par le département de Paris à compter du 16 mai 2011 en qualité de psychologue contractuelle au sein du service de l'aide sociale à l'enfance en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée de trois ans, à temps partiel représentant 50 % d'un temps plein, puis 60 % à compter du 16 mai 2014. Le 2 mai 2017, son contrat de travail a été transformé en contrat à durée indéterminée à temps partiel à 60 % à effet au 16 mai 2017.

3. Mme B... A... a formé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour demander l'annulation du contrat à durée indéterminé conclu le 2 mai 2017 avec le département de Paris, en tant qu'il a été conclu à temps partiel, ainsi que des décisions de la même autorité, en date du 14 novembre 2016 puis du 30 novembre 2017, renouvelant son recrutement en qualité de vacataire au sein du foyer Mélingue ainsi que le prononcé de mesures d'injonction correspondantes. Le tribunal a considéré, d'une part, que Mme A..., qui totalisait six années d'emploi contractuel à temps partiel avait ainsi droit, en application des dispositions de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, à obtenir un contrat à durée indéterminée pour son emploi au foyer Mélingue à compter du 14 novembre 2016. D'autre part, il a jugé que Mme A... avait également droit, en vertu des dispositions de la loi du 26 janvier 1984, à un contrat à durée indéterminée au sein de la fonction publique territoriale à compter de mai 2017, compte tenu de ses six années de service. Ainsi, par jugement nos 1712321, 1800153/2-3 du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2019, partiellement réformé s'agissant de l'injonction par un arrêt n° 20PA00277 du 5 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, les décisions du 14 novembre 2016, en tant qu'elle recrute Mme A... comme vacataire à temps partiel et non comme contractuelle à temps partiel, et du 30 novembre 2017 du département de Paris procédant à son recrutement en qualité de vacataire, pour une durée de trois mois, ont été annulées, d'autre part, le contrat à durée indéterminée signé le 2 mai 2017 a été annulé en tant qu'il ne procède pas à l'engagement à temps plein de Mme A... en qualité de psychologue contractuelle. Il a été ainsi enjoint à la ville de Paris par la cour de céans de reconstituer la carrière de Mme A... en tant qu'agent contractuelle à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 novembre 2016 et à temps plein à compter du 2 mai 2017 au titre de ses différentes activités, pour 40 % au titre de son activité au sein de l'établissement " Mélingue ", et de 60 % au sein du service de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris.

4. Par un courrier du 27 décembre 2019 reçu le 30 décembre suivant, Mme A... a sollicité auprès de la ville de Paris la requalification de son engagement pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et pour la période ayant couru jusqu'à ce jour et le versement d'une somme de 106 700 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur sa demande le 29 février 2020.

5. Par jugement n° 2006870/2-2 du 28 mars 2022, dont Mme A... et la ville de Paris relèvent tous deux appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite du 29 février 2020 en tant que la ville de Paris a refusé la requalification des vacations effectuées par Mme A... en contrats à durée déterminée pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016, a enjoint à la ville de Paris de procéder à la requalification de l'engagement de Mme A... en tant qu'agent contractuel sous contrat à durée déterminée pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016 et a condamné la ville de Paris à lui verser 2 000 euros en indemnisation de son préjudice moral, la somme correspondant à la différence entre la somme qu'elle a perçue et celle qu'elle aurait perçue si elle avait été recrutée sous contrats à durée déterminée successifs entre le 2 novembre 2010 et le 14 novembre 2016, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. A supposer qu'en soutenant que le tribunal, en ne relevant pas d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 février 2020, qui étaient tardives, a rendu son jugement à l'issue d'une procédure irrégulière, la ville de Paris ait entendu soulever un moyen tiré de l'irrégularité du jugement, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'irrecevabilité de la demande de première instance doit être examinée dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel et ressortit donc du bien-fondé du jugement.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sur la recevabilité de la demande de Mme A... :

7. La ville de Paris fait valoir que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision implicite du 29 février 2020 en tant qu'elle refuse de procéder à la requalification de son engagement en qualité de vacataire en agent contractuel en contrats à durée déterminée, pour la période du 2 novembre 2010 au 14 novembre 2016, sont irrecevables dès lors qu'elles sont tardives. Elle soutient que Mme A... n'a jamais contesté, d'une part, les différentes décisions par lesquelles la Ville de Paris a renouvelé chaque année son recrutement en qualité de psychologue vacataire au foyer Mélingue, du 2 novembre 2010 jusqu'au contrat du 14 novembre 2016 et, d'autre part, les décisions par lesquelles la Ville de Paris l'a recrutée à temps partiel, en qualité de psychologue contractuel au service de l'aide sociale à l'enfance, renouvelées chaque année, du 16 mai 2011 jusqu'au 2 mai 2017 et qu'elle disposait, à chacune de ces décisions de renouvellement annuel, d'un délai de deux mois pour les contester si elle s'y estimait fondée et qu'à défaut, ces décisions sont devenues définitives. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par son courrier du 27 décembre 2019 reçu le 30 décembre suivant, Mme A... doit être regardée comme sollicitant de la ville de Paris l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis suite à l'illégalité des décisions successives l'ayant maintenu dans la situation de vacataire au lieu de celle d'agent contractuelle pour la période du 2 novembre 2010 au 1er février 2018 et pour la période ayant couru jusqu'au jour de sa demande, la requalification de son contrat intervenant dans ce cadre. Par suite, la requête de première instance de Mme A..., par laquelle Mme A... ne demande pas l'annulation des contrats successifs qu'elle a signés mais l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de leur inexacte qualification, et qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 30 avril 2020, soit dans les deux mois suivants le rejet de sa réclamation par la décision implicite du 29 février 2020, n'est pas tardive.

Sur la responsabilité de la ville de Paris :

Sur le maintien en position de vacataire de Mme A... :

8. Mme A... se prévaut de l'illégalité de son maintien en position de vacataire pendant huit années pour l'exercice de son activité de psychologue au sein du foyer Mélingue. Il ressort notamment du jugement nos 1712321, 1800153/2-3 du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2019 confirmé sur ces points par l'arrêt n°20PA00277 du 5 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris devenu définitif que Mme A... a été recrutée à tort en qualité de vacataire pour exercer ses fonctions au sein du foyer Mélingue alors qu'elle pouvait prétendre au bénéfice du statut d'agent contractuel puis bénéficier après avoir totalisé six années d'emploi contractuel à temps partiel, en application des dispositions précitées de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, d'un contrat à durée indéterminée pour son emploi au foyer Mélingue à compter du 14 novembre 2016. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait sollicité la régularisation de sa situation avant le courrier du 27 décembre 2019 reçu le 30 décembre suivant, qu'elle a adressé en ce sens à la ville de Paris, de sorte qu'aucun retard fautif ne peut être imputée à la Ville de Paris pour ce motif. Néanmoins le maintien de l'intéressée dans cette situation irrégulière pendant près de 8 années est constitutif d'une illégalité engageant la responsabilité de la ville de Paris lui ouvrant droit à indemnisation.

Sur la fin de sa relation de travail au sein du foyer Mélingue :

9. Mme A... se prévaut des circonstances dans lesquelles a pris fin sa relation de travail au sein du foyer Mélingue dans lequel elle exerçait depuis le 2 novembre 2010 en qualité de psychologue vacataire sous contrat d'un an successivement renouvelé jusqu'à celui du 14 novembre 2016 puis pour une durée de trois mois du 30 novembre 2017 au 1er février 2018. Or, l'intéressée produit des pièces permettant d'établir que ce renouvellement de 3 mois lui a été imposé dans un contexte de tension avec le directeur du foyer concerné contre lequel elle avait d'ailleurs sollicité vainement une demande de protection fonctionnelle après avoir été prise à partie lors de la réunion du 11 octobre 2017 et qu'il lui avait été notamment reproché les différents contentieux qu'elle a engagés devant les juridictions administratives pour faire valoir ses droits. Elle peut ainsi être regardée comme établissant le caractère abrupt de la fin de son contrat auprès de cet établissement dans lequel elle exerçait ses fonctions depuis près de sept années.

Sur l'augmentation de la durée de son temps de travail :

10. Mme A... soutient que la responsabilité de la ville de Paris est engagée pour n'avoir tenu que tardivement la promesse qu'elle lui avait faite, par courrier du 23 janvier 2018, d'étudier favorablement l'augmentation de sa durée du temps de travail. Toutefois, à supposer même que ce courrier puisse être regardé comme constituant une promesse de l'administration, il ressort des pièces du dossier que la Ville de Paris a pris contact avec Mme A... le 23 octobre 2018 pour évoquer l'augmentation de sa durée de travail et qu'elle lui a soumis une proposition de contrat à temps complet le 25 octobre 2018, suivie d'une deuxième proposition le 7 décembre 2018 et d'une troisième en février 2020. Ce délai de traitement ne peut être regardé comme étant anormalement long. Par suite, et alors que Mme A... a refusé les deux premières propositions, aucune faute n'a été commise par la ville de Paris à ce titre de nature à engager sa responsabilité. En tout état de cause, si Mme A... soutient avoir subi, tout au long de la période pendant laquelle elle n'a travaillé qu'à 60 %, des préjudices distincts du préjudice financier dont la réparation va être assurée par l'exécution de l'arrêt n° 20PA00277 du 5 novembre 2021, par lequel la cour a ordonné à la ville de Paris de reconstituer sa carrière en tant qu'agent contractuel à durée indéterminée à temps plein à compter du 2 mai 2017, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle a produit au dossier de l'instance. En effet, elle n'apporte aucun élément établissant ses allégations selon lesquelles a dû contracter un emprunt et a été contrainte de vivre dans un logement en mauvais état à défaut de pouvoir entreprendre les travaux nécessaires.

Sur le licenciement illégal dont Mme A... s'estime victime par la décision du 30 novembre 2017 :

11. Il ressort des pièces du dossier que par la décision du 30 novembre 2017, le contrat de travail dont Mme A... bénéficiait au sein du foyer Mélingue en qualité de psychologue vacataire a été renouvelé pour une durée de trois mois du 30 novembre 2017 au 1er février 2018. Même si ainsi qu'il a été dit, elle pouvait dans cet emploi prétendre au bénéfice du statut d'agent contractuel puis bénéficier après avoir totalisé six années d'emploi contractuel à temps partiel d'un contrat à durée indéterminée à compter du 14 novembre 2016, la décision du 30 novembre 2007 ne peut être requalifiée comme un licenciement alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, par son arrêt n° 20PA00277 du 5 novembre 2021, la cour a ordonné à la ville de Paris de reconstituer la carrière de Mme A... en tant qu'agent contractuel à durée indéterminée à temps plein à compter du 2 mai 2017. Cette dernière, qui n'a donc pas été licenciée, n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité en réparation du préjudice résultant pour elle de l'absence de versement de l'indemnité de licenciement à hauteur de 2 700 euros.

Sur l'absence de paiement des heures de travail :

12. Mme A... soutient que les heures de travail qu'elle a effectuées au sein du foyer Mélingue du 21 au 31 décembre 2017 et du 1er au 13 février 2018 ne lui ont pas été rémunérées. S'il ressort du bulletin de salaire du mois de janvier 2018 de l'intéressée mentionnant une somme en face de la rubrique " Vac psychologue " que la vacation qu'elle a effectuée en tant que psychologue au cours du mois de décembre 2017 lui a bien été rémunérée, en revanche cette même rubrique attestant de la rémunération pour celle effectuée au cours du mois de février 2018 n'apparaît ni sur ses bulletins de paye de février, mars ou avril 2018 ni sur les bulletins de paye ultérieurs. Si la ville de Paris conteste cette absence de rémunération pour les heures de travail effectuées par Mme A... au sein du foyer précité du 1er au 13 février 2018, elle se borne à se prévaloir des états horaires correspondant et des bulletins de paye concernés lesquels ne mentionnent ainsi qu'il a été dit aucune rémunération au titre de la vacation psychologue pour le mois de février 2018. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à solliciter le versement de la rémunération correspondant à cette vacation.

Sur l'absence de bénéfice des congés payés :

13. Si Mme A... soutient qu'elle n'a pas bénéficié de congés payés correspondant à 84,08 heures soit 86,11 heures au 13 février 2018 équivalent à 1,435 mois de salaire ce qui serait de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de cette prétention.

Sur les erreurs commises dans la régularisation financière suite à sa reconstitution de carrière :

14. Mme A... soutient que la responsabilité de la ville de Paris est engagée du fait des erreurs commises dans la régularisation financière qui est intervenue suite à sa reconstitution de carrière. Toutefois, la reconstitution de sa carrière est intervenue en exécution de l'arrêt n° 20PA00277 du 5 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris qui a enjoint à la ville de Paris de reconstituer la carrière de Mme A... en tant qu'agent contractuelle à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 novembre 2016 et à temps plein à compter du 2 mai 2017 au titre de ses différentes activités, pour 40 % au titre de son activité au sein de l'établissement " Mélingue ", et de 60 % au sein du service de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris. Par suite, comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, Mme A... ne peut se prévaloir d'une faute commise lors de cette régularisation financière liée à une difficulté d'exécution d'une décision juridictionnelle pour laquelle une procédure spécifique doit être suivie pour solliciter l'engagement de la responsabilité de la ville de Paris à ce titre.

Sur les préjudices :

15. En premier lieu, compte tenu des illégalités fautives résultant du maintien illégal en position de vacataire de Mme A... et des conditions abruptes de la fin de sa relation travail au sein du foyer Mélingue, Mme A... est fondée à solliciter l'engagement de la responsabilité de la ville de Paris à ce titre. Il sera fait une juste évaluation du préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence en résultant en portant la somme qui lui a été allouée à ce titre par les premiers juges à 5 000 euros.

16. En deuxième lieu, si Mme A... soutient qu'elle a subi un préjudice financier lié à l'absence de bénéfice d'une rémunération en tant qu'agent contractuel du fait de son maintien en qualité de vacataire et du manque à gagner au niveau des primes qui peut être évalué à la somme de 50 000 euros, l'indemnisation de ce préjudice financier au titre de la période à compter 14 novembre 2016 ne peut lui être alloué dès lors que la reconstitution de sa carrière est intervenue en exécution de l'arrêt n° 20PA00277 du 5 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris à compter de cette date. En revanche, Mme A... est fondée à solliciter pour la période antérieure l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de son recrutement et de son maintien illégal en qualité de vacataire au cours de la période du 2 novembre 2010 au 13 novembre 2016. Par suite, la ville de Paris est condamnée à verser à Mme A... la somme qu'elle déterminera correspondant à la différence entre les rémunérations perçues par l'intéressée en qualité de vacataire et celle qu'elle aurait perçue si elle avait bénéficié au cours de cette période de la qualité d'agent contractuel.

17. En dernier lieu, si Mme A... soutient qu'elle a subi un préjudice financier du fait de l'absence de paiement des heures de travail effectuées au sein du foyer Mélingue du 21 au 31 décembre 2017 et du 1er au 13 février 2018 correspondant à la somme de 2 000 euros, il ressort de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt qu'elle établit seulement que les heures de travail qu'elle a effectuées du 1er au 13 février 2018 n'ont pas été réglées. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant qui doit lui être alloué à ce titre, Mme A... est renvoyée devant la Ville de Paris pour le calcul de cette somme et sa liquidation.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander à ce que la ville de Paris soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et les sommes que la ville de Paris déterminera correspondant, d'une part, à la différence entre les rémunérations perçues par l'intéressée en qualité de vacataire et celle qu'elle aurait perçue si elle avait bénéficié au cours de la période du 2 novembre 2010 au 13 novembre 2016 de la qualité d'agent contractuel et, d'autre part, à la rémunération des heures de travail que Mme A... a effectuées du 1er au 13 février 2018 au sein du foyer Mélingue. Par suite, le jugement attaqué devra être réformé en ce sens et les conclusions en appel incident de la ville de Paris rejetées.

Sur les intérêts :

19. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa ".

20. En tout état de cause sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions tendant à ce la cour dise que la somme de 2 000 euros que la Ville de Paris a été condamnée à lui verser par les premiers juges porte intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, les sommes que la ville de Paris a été condamnée à verser à Mme A... en vertu du point 17 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de réception de sa demande préalable d'indemnisation.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de condamner la Ville de Paris, par application des mêmes dispositions, à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La ville de Paris est condamnée à verser à Mme A... la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ainsi que les sommes que la Ville de Paris déterminera correspondant, d'une part, à la différence entre les rémunérations perçues par l'intéressée en qualité de vacataire et celles qu'elles auraient perçues si elle avait bénéficié au cours de la période du 2 novembre 2010 au 13 novembre 2016 de la qualité d'agent contractuel et, d'autre part, à la rémunération des heures de travail que Mme A... a effectuées du 1er au 13 février 2018 au sein du foyer Mélingue. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019.

Article 2 : Le jugement n° 2006870/2-2 du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Paris est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La ville de Paris est condamnée à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions en appel incident de la ville de Paris sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

C. Vrignon-Villalba

La greffière,

N. CoutyLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02484
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-25;22pa02484 ?
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