Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le contrat à durée indéterminé conclu le 2 mai 2017 avec le département de Paris, en tant qu'il a été conclu à temps partiel, ainsi que les décisions de la même autorité, en dates du 14 novembre 2016 puis du 30 novembre 2017, renouvelant son recrutement en qualité de vacataire au sein du foyer Mélingue. Elle a demandé, en outre, le prononcé de mesures d'injonction correspondantes.
Par un jugement n° 1712321 et n° 1800153 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 14 novembre 2016 et 30 novembre 2017 et le contrat conclu le 2 mai 2017 et a enjoint à la Ville de Paris de reconstituer la carrière de Mme A... en tant qu'agent contractuelle à durée indéterminée à temps partiel pour la période du 14 novembre 2016 au 16 mai 2017, puis à temps complet à compter du 17 mai 2017.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 janvier et 27 juillet 2020, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, avocats au Conseil d'Etat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712321 et n° 1800153 du 28 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris dans ses articles 1 et 3, ainsi que son article 2, en tant que
celui-ci annule le contrat conclu le 2 mai 2017 dans la mesure où il ne procède pas à son recrutement à temps complet, et de reformer l'article 4 dudit jugement, en tant qu'il fait relever de la fonction publique territoriale l'activité professionnelle exercée par Mme A... au foyer Mélingue ;
2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement, en ses articles 1er et 3, d'irrégularité pour erreur dans l'interprétation de ses écritures conduisant à une erreur de droit ; elle demande, dans l'hypothèse où la Cour confirmerait l'annulation des deux décisions en cause, qu'une substitution de motifs soit effectuée ;
- le tribunal a commis, en ses articles 2 et 4, une erreur de droit en retenant que, dès lors que l'employeur unique de Mme A... était le département de Paris, elle relevait de la fonction publique territoriale pour l'ensemble de ses services alors que les emplois dans les établissements sociaux et médico-sociaux relevant des services de l'aide sociale à l'enfance de la Ville de Paris sont régis par la loi du 9 janvier 1986, relative à la fonction publique hospitalière.
Par mémoires enregistrés le 8 juillet 2020 et le 16 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Lerat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable en tant qu'elle ne tend pas à l'annulation du jugement entrepris, et que la Ville de Paris ne justifie pas d'un intérêt à faire appel, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, et, à titre infiniment subsidiaire, à l'annulation des décisions des 14 novembre 2016 et 30 novembre 2017 et à l'annulation du contrat à durée indéterminée du 2 mai 2017 en tant qu'il ne procède pas à son recrutement à temps plein, et à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable et que les moyens de l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 ;
- le décret n° 92-853 du 28 août 1992
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
- le décret n° 2013-121 du 6 février 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- les observations de Me Lewy, pour la Ville de Paris ;
- les observations de Me Lerat, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par le département de Paris le 26 octobre 2010 en qualité de psychologue vacataire au foyer Mélingue, en charge de l'accueil d'urgence des enfants, pour une durée de travail de 60 heures mensuelles. Ce contrat a fait l'objet de renouvellements annuels, en dernier lieu par un contrat du 14 novembre 2016. Le 30 novembre 2017, un nouveau renouvellement a porté sur une durée de trois mois à compter du 1er novembre 2017. Mme A... a été recrutée, parallèlement, à compter du 16 mai 2011, par le même département de Paris, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'un an, à temps partiel, en qualité de psychologue de classe normale contractuelle au service de l'aide sociale à l'enfance du département, contrat renouvelé régulièrement jusqu'au 2 mai 2017, date à laquelle elle a vu son contrat transformé en contrat à durée indéterminée à temps partiel à effet du 16 mai 2017. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Paris, par jugement du 28 novembre 2019, a annulé la décision du 14 novembre 2016, ainsi que la décision du 30 novembre 2017, en tant qu'elles la recrutent en qualité de vacataire à temps partiel à raison de son service au foyer Mélingue. Le même jugement a annulé également le contrat à durée indéterminée mentionné du 2 mai 2017, en tant qu'il a été conclu à temps partiel et non à temps plein, et enjoint à la Ville de Paris de reconstituer la carrière de Mme A..., en tant qu'agent contractuel à durée indéterminée à temps partiel (40 %) pour la période du 14 novembre 2016 au 16 mai 2017 et à temps plein à compter du 17 mai 2017. La Ville de Paris demande l'annulation du jugement du 28 novembre 2019.
Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme A... :
2. La Ville de Paris demande l'annulation des différents éléments du dispositif du jugement du 28 novembre 2019, notamment ses articles 1 et 3 puis 2, ainsi que les mesures d'injonctions figurant à l'article 4. En outre, elle n'est pas dépourvue d'un intérêt à demander l'annulation des articles 1er et 3 du jugement, en tant qu'ils impliquent le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à temps plein. Dans ces conditions, sa requête est recevable. Les fins de non-recevoir opposées par Mme A... doivent être écartées.
Sur le bien-fondé des décisions attaquées :
3. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La Ville de Paris ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation pour demander l'annulation des articles 2 et 4 du jugement entrepris.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 : " Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. /Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans./ Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée./ La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. ". Aux termes de l'article 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ".
5. Mme A..., psychologue, a été recrutée le 2 novembre 2010 par le département de Paris pour être affectée au foyer Mélingue, établissement local des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance dénué de la personnalité morale. Son emploi était régi par la loi du 9 janvier 1986, relative à la fonction publique hospitalière, en vertu de l'article 2 de ladite loi. Il a été renouvelé par contrats successifs d'une durée d'un an jusqu'à celui du 14 novembre 2016 puis pour une durée de trois mois du 30 novembre 2017au 1er février 2018. Toutefois, Mme A... a, en parallèle, été recrutée comme agent contractuelle du département de Paris à compter du 15 mai 2011 à temps incomplet de 50 % puis de 60 % pour exercer les fonctions de psychologue au sein du service de l'aide sociale à l'enfance, contrat régi par la fonction publique territoriale.
6. Mme A..., qui totalisait six années d'emploi contractuel à temps partiel avait ainsi droit, en application des dispositions précitées de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, à obtenir un contrat à durée indéterminée pour son emploi au foyer Mélingue à compter du 14 novembre 2016. Ainsi, la décision de renouvellement de son contrat pour une durée d'un an, en date du 14 novembre 2016, ainsi que la décision du 30 novembre 2017 portant renouvellement de celui-ci pour une durée de trois mois, sont entachées d'illégalité.
7. Mme A... avait également droit, en vertu des dispositions de la loi du 26 janvier 1984, à un contrat à durée indéterminée au sein de la fonction publique territoriale à compter de mai 2017, compte tenu de ses six années de service. Dans ces conditions, le département de Paris, employeur unique de l'intéressée, ainsi que la Ville de Paris le fait valoir, devait lui proposer à compter du 2 mai 2017, un contrat unique correspondant à un temps plein. La coexistence de statuts juridiques distincts ne faisait obstacle, ni à l'unicité de contrat, ni à ce que Mme A... bénéficiât d'indemnités et de garanties différentes, en proportion de sa quotité de travail, ni à ce qu'elle fût représentée dans les organes représentatifs respectifs, dans les mêmes conditions que lorsqu'elle travaillait sous couvert de deux contrats distincts.
8. La présente décision implique nécessairement que la Ville de Paris reconstitue la carrière de Mme A... en tant qu'agent contractuelle à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 novembre 2016 et à temps plein à compter du 2 mai 2017 au titre de ses différentes activités.
9. Il résulte de ce qui précède que la Ville de Paris est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris, par l'article 4 de son jugement, a enjoint à la Ville de Paris de reconstituer la carrière de Mme A..., en tant qu'agent contractuelle à temps plein à compter du 17 mai 2017 au titre de la fonction publique territoriale.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la Ville de Paris et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement du 28 novembre 2019 est réformé, en tant qu'il enjoint à la Ville de Paris de reconstituer le contrat de travail de Mme A... à durée indéterminée à temps plein à compter du 17 mai 2017 au titre de la fonction publique territoriale et non pas pour 40 % au titre de la fonction publique hospitalière et 60 % au titre de la fonction publique territoriale.
Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris sont rejetées pour le surplus.
Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la maire de la Ville de Paris et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERELa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00277 2