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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA02302

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA02302


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Formaeco a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 20 janvier 2021 de la Caisse des dépôts et consignations relative au paiement de ses frais pédagogiques et à la prise en charge des formations qu'elle dispense.



Par une ordonnance n° 2101456 du 19 juillet 2021, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

ur :



Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21PA04175 les 22 juillet et 10 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Formaeco a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 20 janvier 2021 de la Caisse des dépôts et consignations relative au paiement de ses frais pédagogiques et à la prise en charge des formations qu'elle dispense.

Par une ordonnance n° 2101456 du 19 juillet 2021, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21PA04175 les 22 juillet et 10 décembre 2021, la société Formaeco, représentée par la SCP CGCB et Associés, a demandé à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2101456 du 19 juillet 2021 par laquelle la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre de la Caisse des dépôts et consignations du 20 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la lettre de la Caisse des dépôts et consignations du 20 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- sa requête est recevable, la décision de la Caisse des dépôts et consignations du 20 janvier 2021 lui faisant grief à la fois en ce qu'elle suspend d'office le paiement des frais pédagogiques des formations déjà acceptées, et en ce qu'elle indique que la caisse rejettera à l'avenir toutes les nouvelles demandes de financement des formations qu'elle assure ;

- en l'absence de texte donnant compétence à la Caisse des dépôts et consignations pour prendre une telle décision, cette décision est entachée d'incompétence, d'erreur de droit et de détournement de pouvoir ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sans procédure contradictoire préalable, en violation des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts, aucun manquement ne pouvant lui être imputé ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 1621-8 du code général des collectivités territoriales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8, 10 et 22 novembre 2021, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par la SCP UGGC avocats, agissant par Me Dal Farra, a conclu au rejet de la requête et à ce soit mis à la charge de la société Formaeco le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait à titre principal que la requête est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

L'affaire a été inscrite à une audience le 10 janvier 2022.

Une note en délibéré a été présentée par la société Formaeco le 10 janvier 2022.

Par un arrêt n° 21PA04175 du 31 janvier 2022, la cour a rejeté l'appel de la société Formaeco dirigé contre cette ordonnance.

Par une décision n° 462789 du 12 mai 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par la société Formaeco, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour. L'affaire ainsi renvoyée y a été enregistrée sous le n° 23PA02302.

Par un mémoire en défense enregistrés le 30 juin 2023, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par la SCP UGGC Avocats agissant par Me Dal Farra, persiste dans ses conclusions aux fins de rejet de la requête de la société Formaeco, par les mêmes moyens, et demande que soit mis à la charge de la société Formaeco, le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 ;

- le décret n° 2021-596 du 14 mai 2021 ;

- le décret n° 2021-1708 du 17 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arnauld, pour la société Formaeco.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 20 janvier 2021, la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du fonds pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux prévu à l'article L. 1621-3 du code général des collectivités territoriales, a informé la société Formaeco que, compte tenu des pratiques frauduleuses récurrentes que les investigations conduites sur ses demandes de paiements au titre de ce droit à la formation avaient mises en évidence, ayant donné lieu à un signalement au procureur de la République, elle suspendait le paiement des frais pédagogiques que son organisme avait présentés ou présenterait au titre de ces formations et qu'en conséquence, elle ne pourrait davantage donner une suite favorable aux demandes de prises en charge de financement pour les formations assurées par celui-ci. Par une ordonnance du 19 juillet 2021, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'annulation de cette lettre du 20 janvier 2021 présentée par la société Formaeco. Par un arrêt n° 21PA04175 du 31 janvier 2022, la cour a rejeté l'appel formé par la société Formaeco contre cette ordonnance. Par une décision n° 462789 du 12 mai 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par la société Formaeco, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Ainsi que le Conseil d'Etat l'a jugé dans sa décision n° 464308 du 12 mai 2023, la lettre du 20 janvier 2021 dans laquelle la Caisse des dépôts et consignations fait état de sa décision, d'une part, de suspendre tout paiement, en cours ou à venir, des frais pédagogiques présentés par la société Formaeco et, d'autre part, de refuser la prise en charge des formations assurées par cette société, constitue une décision faisant grief dont la société Formaeco est recevable à demander l'annulation.

3. En vertu des dispositions de l'article L. 2123-12-1 du code général des collectivités territoriales, les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Aux termes de l'article L. 1621-3 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, en vigueur du 22 janvier au 19 juin 2021 : " Un fonds est créé pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux, prévu aux articles L. 2123-12-1, (...) du présent code (...). / (...) La Caisse des dépôts et consignations assure la gestion administrative, technique et financière de ce fonds et instruit les demandes de formation présentées par les élus, selon les modalités prévues par une convention de mandat entre l'Agence de services et de paiement et la Caisse des dépôts et consignations. (...). ". Selon l'article R. 1621-8 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er août 2020 au 17 mai 2021 : " Le gestionnaire du fonds de financement et de gestion du droit individuel à la formation des élus locaux mentionné à l'article L. 1621-3 instruit les demandes de formation présentées par les élus locaux pouvant bénéficier du droit individuel à la formation, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Il tient à jour le nombre d'heures acquises par l'élu local. / Le gestionnaire du fonds mentionné à l'article L. 1621-3 vérifie : / 1° que la formation faisant l'objet de la demande de mise en œuvre du droit individuel à la formation s'inscrit dans les listes de formations éligibles telles que définies aux articles R. 2123-22-1-A, (...) ; / 2° que son coût horaire ne dépasse pas le coût maximal défini par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. ". Aux termes de l'article R. 1621-9 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er août 2020 au 17 mai 2021 : " Les frais pédagogiques de l'organisme de formation auprès duquel l'élu local réalise la formation sont pris en charge par le gestionnaire du fonds mentionné à l'article L. 1621-3, après vérification du service fait et dans la limite du coût horaire maximal fixé dans les conditions prévues par l'article R. 1621-8. / Les frais de déplacement et de séjour engagés par les élus locaux dans le cadre d'une formation financée par le fonds sont pris en charge par le gestionnaire du fonds mentionné à l'article L. 1621-3 sur présentation d'un état de frais par l'élu local. " Aux termes de l'article R. 1621-10 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022 : " Les décisions de refus de financement de formation prises par le gestionnaire du fonds de financement et de gestion du droit individuel à la formation des élus locaux mentionné à l'article L. 1621-3 sont motivées. ". Et aux termes de l'article R. 1621-11 du même code, dans sa rédaction applicable du 6 avril 2017 au 1er janvier 2022 : " Un recours gracieux contre les décisions peut être formé auprès du gestionnaire du fonds mentionné à l'article L. 1621-3. Les recours contentieux formés contre les décisions de refus sont portés devant le tribunal administratif de Paris (...) ".

4. Par ailleurs, l'article 12 de l'ordonnance du 20 janvier 2021 a introduit dans le code général des collectivités territoriales de nouvelles dispositions, codifiées à l'article L. 1221-3 ainsi créé, qui permettent au ministre de l'intérieur de suspendre, pour une durée maximale de quatre mois, l'agrément d'un organisme à titre conservatoire après mise en demeure non suivie d'effet lorsqu'il constate : " l'une des situations suivantes : / -le titulaire de l'agrément ne respecte pas l'ensemble des obligations qui lui incombent au titre de la détention de l'agrément ; / -il ne remplit plus les critères fixés pour l'obtention de l'agrément ; / -il a commis des actes susceptibles de faire peser un doute sérieux sur la régularité de sa gouvernance ou de sa gestion, ou sur la réalité ou la qualité de ses prestations de formation. ".

5. Enfin, si l'article R. 1621-8-1 du code général des collectivités locales introduit par le décret du 17 décembre 2021 permet à présent à la Caisse des dépôts et consignations de suspendre le paiement d'une prestation lorsqu'elle constate un manquement d'un organisme de formation, ces dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2022 et ne trouvaient pas à s'appliquer à la date de la décision attaquée.

6. Il en résulte qu'à la date de la décision litigieuse, aucune disposition légale ou réglementaire n'autorisait la Caisse des dépôts et consignations à suspendre tout paiement, en cours ou à venir, des frais pédagogiques présentés par la société Formaeco ni, à plus forte raison, à refuser la prise en charge des formations assurées par cette société, au motif que la société se serait livrée à des pratiques frauduleuses récurrentes et que les justificatifs de paiement qu'elle a fournis devraient en conséquence être considérés, sans examen au cas par cas, comme n'ayant pas de caractère probant.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Formaeco est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Formaeco, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la Caisse des dépôts et consignations une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

9. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Formaeco et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2101456 du 19 juillet 2021 de la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris et la décision du 20 janvier 2021 de la Caisse des dépôts et consignations sont annulées.

Article 2 : La Caisse des dépôts et consignations versera à la société Formaeco une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Caisse des dépôts et consignations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Formaeco et à la Caisse des dépôts et consignations.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA02302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02302
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa02302 ?
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