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05/07/2023 | FRANCE | N°23PA01309

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 23PA01309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national durant trente-six mois.

Par un jugement n° 2113427/5-2 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 24 juin 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de de

ux mois.

Par un arrêt n° 21PA05616 du 18 janvier 2022, la cour administrative d'ap...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national durant trente-six mois.

Par un jugement n° 2113427/5-2 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 24 juin 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois.

Par un arrêt n° 21PA05616 du 18 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de police, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du

30 septembre 2021 et a rejeté les demandes de première instance de M. A....

Par une décision n° 462221 du 29 mars 2023, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 janvier 2022 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 octobre 2021 et 13 juin 2023, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 septembre 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. A....

Il soutient que :

- la demande de première instance de M. A... dirigée contre son arrêté du 24 juin 2021 devait être rejetée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de M. A... dirigée contre ses décisions du 23 juin 2021, lesquelles ont été abrogées par son arrêté du lendemain ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence de M. A... sur le territoire national constituait une menace grave pour l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 19 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Zanatta, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Par un courrier du 30 novembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que son arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité, relevée d'office, des conclusions présentées le

24 juin 2021 à 16 h 24 devant le tribunal administratif de Paris par M. A... contre les arrêtés du préfet de police du 23 juin 2021, ces arrêtés ayant été abrogés par l'arrêté du préfet de police du 24 juin 2021, notifié le jour même à 13 h 28.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien et maltais né le 30 décembre 1999, déclare être entré en France en juin 2021 et a été interpellé le 22 juin 2021 par les services de police puis placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance, pour des faits de violences volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail inférieure à huit jours en réunion par auteur ivre. Par deux arrêtés du 23 juin 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national durant trente-six mois. Par un arrêté du 24 juin 2021, le préfet de police, après avoir été informé que l'intéressé, ressortissant algérien, était aussi de nationalité maltaise, a abrogé ses décisions du 23 juin 2021, a constaté la caducité du droit au séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Le préfet de police demande à la cour d'annuler le jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ce dernier arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. A... :

2. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. ". Aux termes de l'article

R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II.- Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code. ".

3. Le préfet de police soutient que M. A... n'a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021 que dans un mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 2021, au-delà du délai de quarante-huit heures prévu à l'article R. 776-2 précité du code de justice administrative, tandis que sa demande présentée le 24 juin 2021 à 16 h 24 était dirigée contre " la décision portant obligation de quitter le territoire, refus d'un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de renvoi, l'interdiction de retour sur le territoire français assortie d'un signalement aux fins de non-admission ", et était accompagnée d'un fichier intitulé " mesures contestées " contenant les deux arrêtés du préfet de police du 23 juin 2021.

4. Il ressort cependant des pièces du dossier de première instance que M. A... a entendu contester les mesures prises à son encontre l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de circuler sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, et que son recours pour excès de pouvoir, introduit alors qu'il était placé en rétention, l'a été quelques heures après la notification qui lui a été faite de l'arrêté du

24 juin 2021 abrogeant celui pris la veille et reprenant les mêmes mesures tout en tirant les conséquences de sa nationalité maltaise. Les écritures présentées devant le tribunal administratif de Paris par l'intéressé devaient dès lors être regardées, ainsi que l'a retenu le jugement attaqué, comme dirigées contre le dernier arrêté pris à son encontre, qui, seul, produisait des effets, ce qu'a confirmé le mémoire enregistré le 14 septembre 2021. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que le premier juge aurait dû rejeter comme irrecevables les conclusions de M. A... dirigées contre son arrêté du 24 juin 2021 et constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses décisions du 23 juin 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". En application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

6. L'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de police est motivé par le comportement personnel de M. A..., interpellé le 22 juin 2021 par les services de police pour violences volontaires en réunion par auteur ivre ayant entraîné une interruption temporaire de travail inférieure ou égale à huit jours. Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme l'a relevé le premier juge, que l'intéressé, de nationalités algérienne et maltaise, résidant habituellement en Algérie et séjournant en France en juin 2021 pour des vacances en famille, a contesté les faits qui lui ont été imputés, dont il est constant par ailleurs qu'ils n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales. Si M. A... n'établit pas la date de sa dernière entrée sur le territoire français ni la durée de son séjour en France, il justifie avoir étudié à Paris au cours de l'année 2018-2019 et a produit le titre de propriété de l'appartement qu'y possèdent ses parents au 87 avenue Raymond Poincaré, dans le seizième arrondissement de Paris, dans lequel il est hébergé. Au regard de l'ensemble de ces circonstances, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que, pour répréhensibles que soient les faits ayant donné lieu à l'interpellation du requérant, l'arrêté du 24 juin 2021 avait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du

24 juin 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. A... les frais liés à l'instance[LI1].

D É C I D E :

Article 1 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A..., tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police, à M.C...i A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[LI1]NB : à discuter. Nous n'en avions pas parlé au délibéré.

N° 23PA01309

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01309
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ZANATTA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;23pa01309 ?
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