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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA04866

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 juin 2023, 22PA04866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 446 euros qu'elle aurait dû percevoir au titre des indemnités forfaitaires d'éducation.

Par un jugement n° 1706467/6 du 5 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA00037 du 23 septembre 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que Mme B... a formé contre ce jugement.

Par une décision n° 458629 du 10 novembr

e 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 446 euros qu'elle aurait dû percevoir au titre des indemnités forfaitaires d'éducation.

Par un jugement n° 1706467/6 du 5 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20PA00037 du 23 septembre 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que Mme B... a formé contre ce jugement.

Par une décision n° 458629 du 10 novembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22PA04866, les 6 janvier 2020, 30 janvier et 3 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Eloi Ledesert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 446 euros correspondant aux indemnités forfaitaires d'éducation qu'elle aurait dû percevoir sur la période du 1er septembre 2011 au 30 août 2017 augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant de la faute qui a été commise par l'administration dans la gestion de sa carrière ; elle a droit au versement de l'indemnité forfaitaire d'éducation ;

- sa demande ne porte que sur la période courant du mois de janvier 2012 au mois d'août 2017, période non atteinte par la prescription dès lors que ses premières demandes de versement ont été adressées à sa hiérarchie les 8 janvier, 14 juin et 23 septembre 2016.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 février 2020, 6 janvier, 20 février et 11 mai 2023, le recteur de l'académie de Créteil conclut au non-lieu à statuer au titre de l'indemnité réclamée pour la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2012 et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- la créance portant sur la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2012 est prescrite en application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 février 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 15 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 70-738 du 12 août 1970 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n° 91-468 du 14 mai 1991 ;

- le décret n° 2007-632 du 27 avril 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Ledesert, représentant Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., professeure certifiée d'éducation physique et sportive, a été victime de trois accidents du travail à la suite desquels elle a été d'abord été placée en mi-temps partiels thérapeutiques avant d'être déclarée définitivement inapte à ses fonctions à compter du 1er septembre 2009. Elle a alors été reclassée et affectée, à compter du 1er septembre 2011, au sein du collège Henri IV de Meaux pour y exercer les fonctions de conseiller principal d'éducation qu'elle a assurées jusqu'au 1er septembre 2017, date de son admission à la retraite. Par des courriers du 8 janvier et 14 juin 2016, adressés par la voie hiérarchique au rectorat, et du 10 avril 2017 envoyé au rectorat qui l'a reçu le 12 avril suivant, elle a sollicité le versement de l'indemnité forfaitaire d'éducation bénéficiant aux conseillers principaux d'éducation. Sa demande ayant été implicitement rejetée par la rectrice de l'académie de Créteil, Mme B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser 6 446 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire attribuée aux conseillers principaux d'éducation dont elle estime avoir été indûment privée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2017. Par jugement n° 1706467/6 du 5 novembre 2019, dont elle relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur l'exception de non-lieu à statuer invoquée en défense :

2. Par une décision non datée, le recteur de l'académie de Créteil a alloué à Mme B... la somme totale de 4 619,16 euros, qui correspondrait à l'indemnité forfaitaire brute attribuée aux conseillers principaux d'éducation pour la période du 1er février 2013 au 31 août 2017. Toutefois, l'état liquidatif joint à la décision fait état d'un versement au titre de la période de septembre 2013 à août 2017. Si le recteur justifie du paiement de cette somme, correspondant à 4 178,94 euros nets en avril 2023, les informations contradictoires portées sur ces documents ne permettent pas déterminer la période au titre de laquelle cette somme a été versée. L'exception de non-lieu à statuer relative à la demande portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2017 doit ainsi être écartée.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

3. Aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". Il suit de là que la prescription quadriennale, opposée pour la première fois en appel pour la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2012, n'est pas recevable.

Sur la demande de Mme B... :

4. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. (...) ".

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 12 août 1970 relatif au statut particulier des conseillers principaux d'éducation : " Les conseillers principaux d'éducation forment un corps classé dans la catégorie A prévue à l'article 29 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Ses membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'éducation. " Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Sous l'autorité du chef d'établissement et éventuellement de son adjoint, les conseillers principaux d'éducation exercent leurs responsabilités éducatives dans l'organisation et l'animation de la vie scolaire, organisent le service et contrôlent les activités des personnels chargés des tâches de surveillance. / Ils sont associés aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation. En collaboration avec les personnels enseignants et d'orientation, ils contribuent à conseiller les élèves dans le choix de leur projet d'orientation ".

6. Aux termes, enfin, de l'article 1er du décret du 14 mai 1991 instituant une indemnité forfaitaire en faveur des conseillers principaux et des conseillers d'éducation relevant du ministre chargé de l'éducation, et des personnels non titulaires exerçant les mêmes fonctions : " Une indemnité forfaitaire non soumise à retenues pour pension est allouée à compter du 1er septembre 1990 aux conseillers principaux relevant du ministre chargé de l'éducation et exerçant les fonctions définies à l'article 4 du décret du 12 août 1970 modifié susvisé, ainsi qu'aux personnels non titulaires exerçant les mêmes fonctions ".

7. Il résulte des dispositions du décret du 14 mai 1991 citées au point précédent que l'indemnité forfaitaire prévue par ce décret doit être versée aux conseillers principaux d'éducation ainsi qu'aux agents non titularisés dans ce corps qui exercent les mêmes fonctions. Le critère d'éligibilité au versement de cette indemnité est ainsi l'exercice des fonctions, indépendamment de la titularisation dans le corps des conseillers principaux d'éducation. Ce versement ne peut par suite être regardé, pour ce qui concerne les personnels titulaires, comme réservé aux membres du corps des conseillers principaux d'éducation.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., agent titulaire du corps des professeurs d'éducation physique et sportive, a exercé les fonctions de conseiller principal d'éducation du 1er janvier 2012 au 31 août 2017. Elle est donc en droit de bénéficier de l'indemnité forfaitaire attribuée aux conseillers principaux d'éducation qu'elle sollicite sur cette période, sous déduction de la somme déjà versée à ce titre, mentionnée au point 2. du présent arrêt.

9. Mme B... est également fondée à demander le versement des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 janvier 2016, date de réception de la demande d'indemnisation ainsi que la capitalisation de ces intérêts, à compter du 8 janvier 2017 date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... est fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité forfaitaire attribuée aux conseillers principaux d'éducation pour la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2017, sous déduction de la somme déjà versée, ainsi que les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 janvier 2016, date de réception de la demande d'indemnisation ainsi que la capitalisation de ces intérêts, à compter du 8 janvier 2017. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706467/6 du 5 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme B... la somme correspondant à l'indemnité forfaitaire attribuée aux conseillers principaux au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2017, sous déduction de la somme de 4 178, 94 euros nets versée à la date du présent arrêt. Cette somme portera intérêt à compter du 8 janvier 2016. Les intérêts perçus sur la période précitée seront capitalisés à compter du 8 janvier 2017, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

Signé

E. TOPIN

Le président,

Signé

I. BROTONSLe greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04866
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LEDESERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa04866 ?
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