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15/05/2023 | FRANCE | N°21PA05943

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 mai 2023, 21PA05943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0502466 du 30 mai 2007, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel de l'Académie française du 16 septembre 2002 prononçant le licenciement pour motif économique de M. A... B.... Par un arrêt n° 07PA02480 du 18 mars 2009, la Cour a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation de ce jugement. Par un arrêt n° 12PA00768 du 18 février 2013, la Cour a rejeté la requête en tierce opposition formée par

l'Institut de France contre l'arrêt du 18 mars 2009. Par un arrêt n° 18PA01194 du 24...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0502466 du 30 mai 2007, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel de l'Académie française du 16 septembre 2002 prononçant le licenciement pour motif économique de M. A... B.... Par un arrêt n° 07PA02480 du 18 mars 2009, la Cour a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation de ce jugement. Par un arrêt n° 12PA00768 du 18 février 2013, la Cour a rejeté la requête en tierce opposition formée par l'Institut de France contre l'arrêt du 18 mars 2009. Par un arrêt n° 18PA01194 du 24 octobre 2018, la Cour a fait droit à la demande d'exécution de l'arrêt n° 07PA02480 en enjoignant à l'Institut de France de procéder à la régularisation de la situation juridique de M. B... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par des lettres enregistrées les 13 janvier, 7 mai et 12 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Violette, a demandé à la Cour, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt susvisé du 24 octobre 2018.

Par une ordonnance n° 21PA05943 en date du 18 novembre 2021, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle pour prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt du 24 octobre 2018.

Par des mémoires enregistrés les 18 et 30 novembre 2021, 31 mars, 30 juin 2022 et 5 avril 2023, M. B... demande à la Cour :

1°) d'enjoindre à l'Institut de France de reconstituer sa carrière sur la période du 16 septembre 2002 au 4 février 2019 en procédant, d'une part au titre de ses droits à pension de retraite, au versement de la part salariale et de la part patronale des cotisations auprès de la caisse de retraite des agents publics contractuels et, d'autre part, au titre de son droit à la formation professionnelle, au versement sur son compte de formation des crédits d'heures dont il aurait dû bénéficier, ceci dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Institut de France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il doit être considéré comme agent public contractuel de l'Institut de France durant ses années d'éviction illégale, quand bien même aucun salaire ne lui aurait été versé ;

- ses droits sociaux au titre de la retraite ainsi que ses droits à la formation professionnelle sur la période du 16 septembre 2002 au 4 février 2019, en sa qualité d'agent public contractuel, n'ont pas été reconstitués malgré l'annulation définitive de son licenciement ;

- les revenus qu'il aurait éventuellement perçus dans le secteur privé durant sa période d'éviction sont sans lien avec le présent litige qui porte sur la régularisation de sa situation d'agent public contractuel, de sorte qu'il ne lui revient pas d'apporter la preuve de l'absence de toute rémunération perçue durant cette période ;

- il y a lieu d'assortir l'injonction d'une astreinte en raison de la mauvaise volonté manifeste de l'Institut de France, la précédente injonction adressée le 24 octobre 2018 n'ayant pas été exécutée malgré de nombreux courriers qu'il a adressés en ce sens.

Par des mémoires et des pièces enregistrées les 25 mars, 16 juin, 13 septembre 2022 et 5 avril 2023, l'Institut de France, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit ordonné, avant dire droit, une expertise contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ;

- le décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité dans la fonction publique et à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Violette, avocat de M. B..., et de Me Nogaret, avocat de l'Institut de France.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".

Sur le cadre du litige et les conclusions tendant au prononcé d'injonctions :

2. Par son arrêt n° 18PA01194 du 24 octobre 2018, la Cour a fait droit à la demande d'exécution de l'arrêt n° 07PA02480 en enjoignant à l'Institut de France de procéder à la régularisation de la situation juridique de M. B... dans un délai de trois mois, y compris en ce qui concerne ses droits sociaux, à la suite de l'annulation de la décision du 16 septembre 2002 prononçant son licenciement et a mis à la charge de l'Institut de France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. En premier lieu, l'annulation d'une décision prononçant le licenciement d'un agent public contractuel implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, notamment de ses droits à pension de retraite qu'il aurait acquis en l'absence de son éviction illégale et, par suite, le versement par la personne publique des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à la personne publique concernée de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale. A ce titre, la circonstance que l'agent ait cotisé, durant son éviction, auprès d'une caisse de retraite affiliée ou non au régime général de la sécurité sociale est sans incidence sur l'obligation qui incombe à la personne publique de procéder à la pleine reconstitution de ses droits à pension de retraite. Aucune règle ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l'agent puisse recevoir, par le bénéfice de la reconstitution de ses droits, une pension de retraite totale qui serait constituée de l'addition de sa pension relative au régime particulier des agents publics contractuels ainsi que de sa pension relative au régime général de la sécurité sociale, sous réserve d'avoir effectivement cotisé auprès de ce dernier.

4. Il résulte de l'instruction, d'une part, que l'Institut de France n'a pas procédé au versement des cotisations salariales et patronales correspondant à la période d'éviction illégale de M. B... et, d'autre part, que ce dernier n'a perçu aucune indemnité destinée à réparer ce préjudice matériel. Il suit de là que la circonstance que M. B... aurait perçu une rémunération durant son éviction illégale au titre de ses fonctions de dirigeant d'entreprise ou qu'il aurait bénéficié de l'assurance vieillesse des parents au foyer est sans incidence sur l'obligation qui incombe à l'Institut de France de reconstituer ses droits à pension de retraite. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à l'Institut de France, au titre de la reconstitution de la carrière de M. B..., de verser à la caisse de retraite des agents publics contractuels, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la part salariale et la part patronale des cotisations relatives aux droits à pension de retraite que M. B... aurait acquis en l'absence de son éviction illégale, soit du 16 septembre 2002 au 4 février 2019.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. B... était employé auprès de l'Institut de France en qualité d'agent public contractuel d'un établissement public de l'Etat n'ayant pas le caractère industriel et commercial. Conformément aux dispositions de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ainsi que de celles du décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité dans la fonction publique et à la formation professionnelle tout au long de la vie, M. B... aurait dû acquérir des crédits d'heures de formation sur son compte de formation professionnelle jusqu'au 4 février 2019, date à laquelle l'Institut de France lui a proposé son reclassement. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'Institut de France, au titre de la reconstitution de la carrière de M. B..., de verser sur son compte de formation professionnelle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le crédit d'heures correspondant à ses droits à la formation professionnelle.

Sur le prononcé d'une astreinte :

6. Il résulte de l'instruction que malgré l'annulation définitive du licenciement de M. B..., la tierce opposition de l'Institut de France ayant été rejetée le 18 février 2013, et un premier arrêt en exécution en date du 24 octobre 2018 de la Cour enjoignant à l'Institut de France de régulariser pleinement la situation de l'intéressé, y compris en reconstituant ses droits sociaux, cette obligation qui incombe à l'Institut de France n'a toujours pas été exécutée. Il y a lieu, dès lors, d'assortir les injonctions prononcées aux point 4 et 5 du présent arrêt d'une astreinte d'un montant de 200 euros par jour de retard.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Institut de France le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint à l'Institut de France, au titre de la reconstitution de carrière de M. B..., d'une part, de verser à la caisse de retraite des agents publics contractuels la part salariale et la part patronale des cotisations relatives aux droits à pension de retraite qu'il aurait acquis en l'absence de son éviction illégale, soit du 16 septembre 2002 au 4 février 2019, et d'autre part, de verser sur son compte de formation professionnelle le crédit d'heures correspondant à ses droits à la formation professionnelle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Article 2 : L'Institut de France versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Institut de France.

Copie en sera adressée à l'Académie française.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05943
Date de la décision : 15/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VIOLETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-15;21pa05943 ?
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