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29/06/2022 | FRANCE | N°20PA03996

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 juin 2022, 20PA03996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société WB Ambassador a demandé au Tribunal administratif de Paris de rétablir son déficit reportable déclaré au 1er janvier 2010, à concurrence de 657 000 euros, de rétablir son déficit déclaré au titre des exercices 2010 et 2011, à concurrence respectivement de 954 000 euros et de 903 000 euros, et de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en ce qu'elle p

rocède de la réintégration de la somme de 1 088 753 euros dans son bénéfice imposable...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société WB Ambassador a demandé au Tribunal administratif de Paris de rétablir son déficit reportable déclaré au 1er janvier 2010, à concurrence de 657 000 euros, de rétablir son déficit déclaré au titre des exercices 2010 et 2011, à concurrence respectivement de 954 000 euros et de 903 000 euros, et de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en ce qu'elle procède de la réintégration de la somme de 1 088 753 euros dans son bénéfice imposable de cet exercice.

Par un jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA03018 du 31 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société WB Ambassador tendant à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance.

Par une décision n° 428522 du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par la société WB Ambassador, annulé l'arrêt de la Cour du 31 décembre 2018 et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 septembre 2017, 11 février 2018, 6 août 2018, 5 octobre 2018 et 2 août 2021, la société WB Ambassador, représentée par Me Rachid Arras, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rétablir son déficit reportable déclaré au 1er janvier 2010, à concurrence de 657 000 euros, de rétablir son déficit déclaré au titre des exercices 2010 et 2011, à concurrence respectivement de 954 000 euros et de 903 000 euros, et de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en ce qu'elle procède de la réintégration de la somme de 1 088 753 euros dans son bénéfice imposable de cet exercice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'administration n'a pas respecté les obligations d'information préalable à la mise en recouvrement prescrites à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- elle justifie que le taux d'intérêt de 7 % du prêt souscrit auprès de la société Barkelay correspond au taux du marché, conformément au 3° du 1 de l'article 39 et de l'article 212 du code général des impôts, en se fondant sur une étude de prix de transfert fondée sur trois méthodes distinctes, confirmée par deux experts judiciaires ;

- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée 4 H 8-07 du 31 décembre 2007 reprise au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-IS-BASE-35-20-10.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 décembre 2017, 20 juillet 2018, 21 septembre 2018, 24 octobre 2018 et 18 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société WB Ambassador ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Un mémoire a été présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 10 janvier 2022, après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Arras, avocat de la société WB Ambassador.

Considérant ce qui suit :

1. La société WB Ambassador, qui est détenue en totalité par la société luxembourgeoise Barkelay et est membre d'une intégration fiscale au sens de l'article 223 A du code général des impôts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des propositions de rectification des 20 décembre 2013 et 20 janvier 2014 lui ont été notifiées. Au terme de la procédure, après avoir informé la société WB Ambassador des rehaussements maintenus au titre de l'impôt sur les sociétés en sa qualité de société intégrante par un courrier du 12 août 2015, l'administration a remis en cause le report en avant du déficit déclaré au 1er janvier 2010, rectifié les déficits déclarés au titre des exercices 2010 et 2011 et l'a assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, assortie des intérêts de retard, au titre de l'exercice 2012, procédant de la réintégration des intérêts excédentaires versés à une société étrangère pour des montants respectifs de 657 000 euros, 954 000 euros, 903 000 euros et 1 088 753 euros. Par un jugement du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société WB Ambassador tendant au rétablissement de ces déficits et à la décharge, en droits et intérêts de retard, de l'imposition mise en recouvrement. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour du 31 décembre 2018. Par une décision du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Ce taux ne saurait, eu égard à la différence de nature entre un emprunt auprès d'un établissement ou organisme financier et un financement par émission obligataire, être celui que cette entreprise aurait elle-même été susceptible de servir à des souscripteurs si elle avait fait le choix, pour se financer, de procéder à l'émission d'obligations plutôt que de souscrire un prêt. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen. A ce titre, pour évaluer ce taux, elle peut le cas échéant tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

4. La société WB Ambassador, détenue à 100 % par la société de droit luxembourgeois Barkelay, a acquis le 31 octobre 2008 auprès de la société C... l'intégralité des titres de la société B..., qui détient en pleine propriété les murs et le fonds de commerce de l'établissement hôtelier que la société WB Ambassador exploite en location gérance, en vertu d'une convention signée le même jour, sous l'enseigne F..., au G.... En vue de financer cette acquisition, elle a contracté deux emprunts, d'une part, auprès des banques A... et E... et, d'autre part, de la société holding Barkelay pour un montant de 30 000 000 euros, rémunéré au taux d'intérêt annuel de 7 %. Par ailleurs, dans le cadre de l'opération d'achat des titres, la société WB Ambassador s'est engagée à payer le solde d'un prêt que la société B... avait accordé à la société C..., soit une somme de 14 565 281 euros rémunérée au même taux. A compter du 1er janvier 2009, la société WB Ambassador a constitué avec la société B... un groupe au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts dont elle a pris la tête. L'administration a estimé que les intérêts versés à raison de ces emprunts étaient soumis au plafonnement prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, en application du I de l'article 212 du même code, dès lors qu'ils étaient afférents à des sommes mises à disposition de la société WB Ambassador par des entreprises liées au sens du 12 de l'article 39 dudit code. Constatant que le taux de 7 % était supérieur à la limite prévue au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, ressortant à 6,21 % en 2008, 4,81 % en 2009, 3,82 % en 2010, 3,99 % en 2011 et 3,39 % en 2012, l'administration a réintégré aux résultats de la société WB Ambassador la fraction excédentaire des intérêts par rapport au taux de référence. Au titre du prêt souscrit auprès de la société Barkelay en litige, l'administration a par conséquent réduit les déficits reportés au 1er janvier 2010, issus des exercices prescrits 2008 et 2009 pour un montant total de 657 000 euros, réduit les déficits reportables déclarés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 pour des montants respectifs de 954 000 euros et 903 000 euros et procédé à une rectification d'un montant de 1 088 753 euros au titre de l'exercice 2012 qui a donné lieu à la mise en recouvrement d'une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés.

5. Pour justifier que le taux de 7 % rémunérant le prêt que lui a consenti la société Barkelay était le même que celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société WB Ambassador a produit une étude réalisée par le cabinet Ernst et Young en 2015, qui utilise comme terme de comparaison l'opération de financement interne correspondant au prêt à taux variable d'une durée de cinq ans d'un montant de 68 051 629 euros souscrit auprès des banques en vue de financer l'acquisition des titres de la société B..., qui a été complété par l'emprunt d'une durée de sept ans au taux fixe de 7 % en litige, le taux variable étant de 6,88 % au 27 octobre 2008, date du début de la semaine où l'accord de prêt final a eu lieu. Afin de déterminer le profit de risque financier de l'emprunt souscrit auprès de la société Barkelay, la société WB Ambassador a converti le taux variable en euros du prêt bancaire en un taux fixe en dollars et a eu recours à la base de données de la société Bloomberg pour analyser les opérations de financement réalisées à des dates contemporaines sur la base d'un prêt d'une durée de cinq ans pour aboutir à un taux fixe effectif à la date de conclusion du prêt de 6,27 %. Les courbes de taux issues de cette base de données n'incluant pas de faculté de remboursement anticipé, l'étude a calculé le coût d'une telle faculté, en retenant la durée de cinq ans du prêt bancaire et une notation A- correspondant au taux précité à partir des courbes de la base de données, en vue de rechercher le niveau du taux d'intérêt observé sur la courbe de taux de référence à la date du 27 octobre 2008 et de déterminer un taux de volatilité à court terme correspondant à la moyenne sur trois ans des variations journalières observées sur les obligations à court terme notées A-, dont il est résulté un coût de 0,67 %. Elle en conclut que le taux d'intérêt de référence pour la détermination du profil de risque en ressort à 5,60 %, soit le taux de départ diminué du coût de l'option de remboursement anticipé. La société WB Ambassador a ensuite comparé ce taux avec ceux résultant des courbes de taux disponibles pour la période du 1er au 31 octobre 2008 et pour un emprunt d'une durée de cinq ans, durée de l'emprunt auprès des banques, permettant d'identifier une note de crédit comprise entre A et A-. Après avoir retenu la notation la plus élevée, l'étude a procédé à des ajustements pour déterminer le profil de risque de l'emprunt souscrit auprès de la société Barkelay. Elle a ainsi tenu compte de l'existence d'une convention de subordination conclue avec les banques, le remboursement du prêt intra-groupe ne pouvant intervenir avant le remboursement des prêts bancaires et induisant ainsi un risque supplémentaire justifiant une dégradation d'un cran, ainsi que des préconisations de l'agence de notation Standard et Poors prévoyant une dégradation d'un cran supplémentaire dans le cas où la dette totale de l'emprunteur dépasse 50 % des actifs, aboutissant à une note de crédit BBB+. La société WB Ambassador a alors procédé à des ajustements pour tenir compte des modalités différentes de détermination du taux d'intérêt, en convertissant le taux variable bancaire en un taux fixe en euros, à partir des courbes de taux résultant de la base de données de la société Bloomberg sur le marché des transactions obligataires, pour en conclure que, pour un emprunt d'une durée de cinq ans, le taux variable demandé par les banques aurait correspondu à un taux fixe de 5,87 %. Les ajustements ont également eu pour objet de tenir compte de la différence de profil de risque, la prime de risque supplémentaire étant déterminée en calculant la différence entre le montant du taux d'intérêt pour un emprunt à taux fixe d'une durée de cinq ans consenti à des emprunteurs justifiant de notes de crédit A et BBB+, pour aboutir à une différence de 0,71 %, et de la différence de durée des emprunts, le supplément de rémunération étant calculé en comparant dans les bases de données les taux d'intérêt moyens obtenus pour des emprunts de durées de cinq et sept ans avec une note de crédit BBB+, pour aboutir à une différence de 0,37 %. Après prise en compte de ces éléments, la société WB Ambassador a ainsi déterminé un taux d'intérêt de pleine concurrence total qui aurait été demandé par un établissement financier pour un financement aux termes équivalents de 6,95 %, correspondant au coût d'un financement pour un emprunt à taux fixe d'une durée de cinq ans, majoré de la prime de risque liée à la subordination du prêt au prêt bancaire et de la rémunération complémentaire liée à la durée supplémentaire de deux années. Par ailleurs, la même étude présente notamment une analyse complémentaire tirée de la comparaison des conditions financières du prêt obtenu de la société Barkelay avec le taux d'intérêt moyen de marché, à partir de l'utilisation de la base de données de la société Bloomberg, notamment la courbe de taux notée BBB+ en euros sur sept ans, qui aboutit à un taux médian de 7,31 % ou de 6,90 % sans ajustement tenant compte de l'option de remboursement anticipé.

6. La société WB Ambassador a également produit une expertise réalisée en janvier 2018 qui confirme, sur le principe, la méthode du comparable interne pour déterminer la note de crédit du prêt souscrit auprès de la société Barkelay. Si l'expert expose des désaccords sur certains points, en ce qui concerne la surévaluation du coût de la faculté de remboursement anticipé du prêt, qu'il qualifie de négligeable, et de la notation A du prêt auprès des banques, qu'il estime surévaluée, et en ce qui concerne la sous-évaluation des effets de l'absence de garantie et de la subordination, les caractéristiques du prêt souscrit auprès de la société Barkelay nécessitant une dégradation de trois crans, il ne remet pas en cause les ajustements réalisés dans leur principe. Après prise en compte de ces correctifs, l'expert conclut à un taux de 8,14 %. S'agissant de l'analyse complémentaire menée par le cabinet Ernst et Young, non plus sur la base du prêt bancaire mais sur celle du taux d'intérêt moyen de marché, l'expert, se fondant sur le taux des emprunts obligatoires à sept ans en euros pour une notation BBB à la fin du mois d'octobre 2008, réduit pour tenir compte de la subordination, aboutit à un taux de 8,72 %.

7. Contrairement à ce que soutient le ministre, qui ne conteste plus la pertinence de la prise en compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises comparables en vue de justifier le taux d'intérêt en litige, les documents précédemment décrits, fondés sur des éléments de fait à la date de la mise en place du prêt souscrit par la société WB Ambassador auprès de la société Barkelay et précisément documentés, ne sauraient être écartés au seul motif qu'ils n'ont pas été établis à l'occasion de la conclusion de ce prêt. Par ailleurs, peut être admis comme mode de preuve la comparaison d'un emprunt bancaire assorti d'un taux variable avec un emprunt intragroupe à taux fixe, subordonné au premier, les deux emprunts étant d'une durée différente, moyennant des ajustements pour tenir compte de la différence de structure et de durée des emprunts ainsi que du caractère subordonné du prêt intragroupe, pour autant que ces ajustements soient suffisamment fiables et documentés. A cet égard, si le ministre fait valoir que les emprunts comparés sont d'un montant différent, il ne résulte pas de l'instruction que cette différence aurait, compte tenu de son ampleur, un impact au regard de la capacité de remboursement de la société WB Ambassador et de son profil de risque. Si le ministre fait également valoir que la durée des emprunts comparés n'est pas la même et que les divers ajustements auxquels a procédé la société WB Ambassador excluent la comparabilité des emprunts, il n'apporte aucun élément précis de contestation des différents ajustements précédemment décrits, qui sont documentés. Enfin, si le ministre fait valoir que les garanties attachées aux prêts ne sont pas les mêmes, dès lors que la société Barkelay détient la société WB Ambassador en totalité, il ne saurait présumer que l'appartenance à un groupe de sociétés puisse avoir, à elle seule, un effet sur l'appréciation du risque de défaut et n'apporte en l'espèce aucun élément précis de nature à établir que l'appartenance au groupe aurait une incidence sur la solvabilité et le risque de crédit de la requérante.

8. Dans ces conditions, par les seuls éléments mentionnés aux points 5 et 6, la société WB Ambassador établit que le taux de 7 % appliqué au prêt souscrit auprès de la société Barkelay n'excédait pas le taux de marché qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société WB Ambassador est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ce jugement doit dès lors être annulé et la société WB Ambassador est fondée à demander le rétablissement de son déficit reportable déclaré au 1er janvier 2010, à concurrence de 657 000 euros, le rétablissement de son déficit déclaré au titre des exercices 2010 et 2011, à concurrence respectivement de 954 000 euros et de 903 000 euros, et la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en ce qu'elle procède de la réintégration de la somme de 1 088 753 euros dans son bénéfice imposable de cet exercice.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais que la société WB Ambassador a exposés, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le déficit reportable déclaré par la société WB Ambassador au 1er janvier 2010, à concurrence de 657 000 euros, et le déficit déclaré au titre des exercices 2010 et 2011, à concurrence respectivement de 954 000 euros et de 903 000 euros, sont rétablis.

Article 3 : La société WB Ambassador est déchargée, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 en ce qu'elle procède de la réintégration de la somme de 1 088 753 euros dans son bénéfice imposable de cet exercice.

Article 4 : L'Etat versera à la société WB Ambassador la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société WB Ambassador et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESMELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03996
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : ARRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;20pa03996 ?
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