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31/12/2018 | FRANCE | N°17PA03018

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 décembre 2018, 17PA03018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS WB Ambassador a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012, l'annulation de la remise en cause du déficit reporté en avant au titre de l'exercice clos au 1er janvier 2010, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS WB Ambassador a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012, l'annulation de la remise en cause du déficit reporté en avant au titre de l'exercice clos au 1er janvier 2010, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 septembre 2017, 11 février, 6 août et 5 octobre 2018, la SAS WB Ambassador, représentée par Me Arras, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607683/2-2 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée et l'annulation de la remise en cause du déficit reporté en avant au titre de l'exercice clos au 1er janvier 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- elle justifie que le taux d'intérêt correspond au taux du marché, conformément aux dispositions combinées du 3° de l'article 39-1 et de l'article 212-I du code général des impôts ; elle a réalisé une étude de prix de transfert fondée sur trois méthodes distinctes et complémentaires et basée sur les principes et les méthodes préconisées par le Guide des prix de transferts établi par l'OCDE ; que deux experts judiciaires ont validité la méthodologie retenue pour justifier de la pertinence du taux de 7 % appliqué au prêt consenti par la Sarl Barkelay ;

- les modalités de preuve sont libres ; le caractère normal du taux d'intérêt est apprécié de manière objective en comparant le taux d'intérêt obtenu sur le prêt consenti par la société liée avec les conditions financières que la société aurait pu obtenir d'un tiers dans des conditions similaires ;

- le service a méconnu la doctrine administrative publiée sous la référence 4 H 8-07 du 31 décembre 2007 reprise au BOI sous la référence BOI-IS-BASE-35-20-10 dans sa version publiée au 29 mars 2013 ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la notion de risque entre des sociétés appartenant à un même groupe est limitée par rapport au risque d'insolvabilité dans le cadre d'un prêt bancaire ;

- elle n'est pas tenue de présenter une offre de prêt contemporaine de la mise en place du financement obtenu de la société mère.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 décembre 2017, 20 juillet et 21 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 septembre 2018 la clôture de l'instruction a été reportée au 10 octobre 2018.

Un mémoire a été produit par le ministre de l'action et des comptes publics le 24 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stoltz-Valette,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Arras, avocat de la SAS WB Ambassador et de M.A..., représentant le ministre de l'action et des comptes publics.

1. Considérant que la SAS WB Ambassador, qui a été créée le 3 juin 2008, est intégralement détenue par la Sarl Barkelay, société de droit luxembourgeois, et est membre d'une intégration fiscale au sens de l'article 223 A du code général des impôts ; qu'elle a acquis le 31 octobre 2008 l'intégralité du capital et des droits de vote de la société A. Hôtel, qui détient en pleine propriété les murs et le fonds de commerce de l'Hôtel Ambassador, situé 16 boulevard Haussmann à Paris, et qui, par une convention datée du même jour, lui en a confié la location gérance ; qu'en vue de financer cette acquisition, la SAS WB Ambassador a contracté deux emprunts auprès respectivement des banques Calyon et Aareal Bank AG ainsi que de la Sarl Barkelay, société holding, et a repris une dette contractée par la SAS Concorde envers la société A. Hôtel ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, des rectifications ont été notifiées à la SAS WB Ambassador en matière d'impôt sur les sociétés, à raison de la réintégration dans ses résultats, sur le fondement du I de l'article 212 du code général des impôts, de la quote-part jugée excessive des intérêts versés en rémunération du prêt consenti sur 7 ans à cette entreprise, le 31 octobre 2008, par la société luxembourgeoise Sarl Barkelay ainsi que ceux versés en rémunération du prêt consenti par la société A. Hôtel ; que la SAS WB Ambassador relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des intérêts correspondants, et à l'annulation de la remise du déficit reporté en avant au titre de l'exercice clos au 1er janvier 2010 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ; qu'il ressort des motifs du jugement attaqué, et notamment de ses points 2, 3 et 4, que le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a, après avoir cité les textes applicables, suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a jugé que les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés étaient fondés ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) " ; qu'en vertu du 12 de l'article 39 du code général des impôts des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ; que, pour l'application du I de l'article 212 du code général des impôts, il appartient en cas de litige à une entreprise ayant déduit des intérêts versés à une entreprise liée et dont le taux est supérieur à la limite prévue par le premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 de prouver qu'elle aurait pu obtenir le même taux d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ;

4. Considérant que pour apprécier la limite de déductibilité des intérêts servis par la société requérante à sa société mère les services fiscaux ont retenu les taux de référence de 6,21 %, 4,81 %, 3,82 %, 3,99 % et 3,39 % appliqués respectivement au titre des exercices clos en 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 et qui correspondent à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour les entreprises dont l'exercice comptable coïncide avec les années litigieuses ; qu'à l'issue des opérations de contrôle le service a considéré que les intérêts d'emprunt afférents au prêt intra-groupe consenti par la Sarl Barkelay sur les exercices 2008 à 2012, rémunérés au taux de 7 %, à la SAS WB Ambassador ainsi que ceux versés en rémunération du prêt consenti par la société A. Hôtel excédaient la limite mentionnée à l'article 212 du code général des impôts ; qu'il a ainsi réintégré au bénéfice imposable de la société la fraction qu'il a considérée comme excédentaire des intérêts déductibles ; que, pour justifier que les taux de 7 % étaient les mêmes que ceux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société requérante a produit une étude réalisée par le cabinet Ernst et Young en 2015, dont l'analyse a été réalisée conformément aux lignes directrices décrites dans les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert et aux règles de prix de transfert applicables en France ; qu'au stade de la procédure devant la Cour, la société a soumis cette étude de prix de transfert à deux experts judiciaires qui, après avoir émis certaines réserves, ont confirmé la pertinence de la méthodologie suivie et des résultats obtenus au regard des éléments économiques et financiers retenus ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'appartenance de la SAS WB Ambassador au groupe Barkelay non plus que son entière détention par la Sarl Barkelay ne sauraient à elles seules faire présumer une garantie des emprunts à l'origine du litige par le groupe, et partant, entraîner une minoration des taux d'emprunt litigieux ; qu'en outre l'administration n'est pas fondée à exiger de l'entreprise la production d'une offre de prêt contemporaine aux opérations pour justifier de la pertinence du taux d'intérêt pratiqué ni d'une étude ou d'un rapport contemporain à la mise en place du prêt ; que la SAS WB Ambassador a utilisé la méthode dite du prix comparable sur le marché libre et s'est à cette fin référée à la base de données financières publiées par la société Bloomberg ; que l'étude de prix de transfert réalisée par le cabinet Ernst et Young est basée sur trois approches distinctes ; que la première méthode a consisté à utiliser une opération de financement interne comme terme de comparaison ; que la société s'est ainsi référée à l'emprunt qu'elle a souscrit auprès des banques concomitamment au prêt consenti par la société Barkelay et a opéré des ajustements afin de tenir compte des points de divergence ; qu'elle a ainsi déterminé le profil de risque financier de l'emprunt souscrit auprès de la société Barkelay, en tenant notamment compte de la note de crédit dont aurait pu bénéficier le prêt intra-groupe ; que la deuxième méthode a consisté à comparer le taux litigieux de 7 % avec le taux d'intérêt moyen du marché, à partir notamment de l'utilisation de la base de données de la société Bloomberg et en tenant compte des opérations dont les caractéristiques sont similaires au prêt consenti par la Sarl Barkelay ; que la troisième méthode a consisté à comparer les conditions financières du prêt intra-groupe avec celles obtenues spécifiquement par des entreprises du secteur hôtelier ; que si les trois approches proposées par l'étude menée par le cabinet Ernst et Young et complétée par les deux expertises réalisées en janvier et février 2018 conduisent à des résultats permettant de constater que le taux d'intérêt de 7 % se situe dans la fourchette des taux d'intérêt de pleine concurrence, il est constant que les méthodes mises en oeuvre par la société se fondent sur des comparables de taux issus de marchés financiers obligataires ; que, pour apprécier la pertinence du taux appliqué au prêt consenti par une entreprise liée, l'emprunteur doit démontrer que ce taux est conforme à celui qu'il aurait pu obtenir non sur les marchés financiers mais auprès d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ; qu'en l'espèce, la société requérante, qui ne propose aucune autre méthode fondée exclusivement sur une comparaison avec des taux d'intérêts obtenus auprès d'établissements ou d'organismes financiers indépendants, n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait réintégrer à ses bénéfices imposables la fraction excédentaire des intérêts déductibles régulièrement calculés par les services fiscaux ;

En ce qui concerne l'application de l'interprétation administrative de la loi :

5. Considérant que la SAS WB Ambassador ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale publiée sous la référence 4 H 8-07 du 31 décembre 2007 et reprise au BOI sous la référence BOI-IS-BASE-35-20-10 qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui vient d'être retenue ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS WB Ambassador n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS WB Ambassador est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS WB Ambassador et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03018
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : ARRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-31;17pa03018 ?
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