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19/04/2022 | FRANCE | N°21PA06341

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 avril 2022, 21PA06341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B... pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 de l'inspecteur du travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société C

afé de Flore.

Par un arrêt n° 18PA02660 du 20 juin 2019, la Cour administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B... pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 de l'inspecteur du travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Café de Flore.

Par un arrêt n° 18PA02660 du 20 juin 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Par une décision n° 433754 du 8 décembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du

20 juin 2019 de la Cour administrative d'appel de Paris et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2018 et des mémoires enregistrés le 3 avril 2019 et le 6 mai 2019, M. B..., représenté par Me Peraldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018 du tribunal administratif de

Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Café de Flore devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la société Café de Flore le versement de la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer dès lors que, d'une part, la société Café de Flore n'ayant pas contesté la décision confirmative du ministre du travail du

16 novembre 2017 prise sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 était devenue définitive et, d'autre part, cette dernière décision était en outre purement confirmative de la décision définitive du 15 février 2017 ;

- pour ce dernier motif, la demande de la société Café de Flore était irrecevable et le tribunal a méconnu son office en ne relevant pas d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société Café de Flore pour tardiveté ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que les faits n'étaient pas prescrits ;

- les conclusions d'appel incident présentées par la société Café de Flore sont irrecevables dès lors, d'une part, que le jugement attaqué a fait intégralement droit à sa demande de première instance et, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation des décisions implicites rejetant ses recours administratifs formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 sont nouvelles en appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, un mémoire enregistré le 9 mai 2019 et un mémoire de reprise d'instance après cassation enregistré le 14 janvier 2022, la société Café de Flore, représentée par Me Vier-Cazier, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'annuler les décisions implicites rejetant ses recours administratifs formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrecevabilité de sa demande de première instance, de ce que les premiers juges auraient dû prononcer un non-lieu à statuer sur sa demande et de ce que la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 serait purement confirmative de celle du

15 février 2017 sont irrecevables, faute d'avoir été soulevés en première instance ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par lettre du 3 mai 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions présentées par la société Café de Flore tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles l'inspecteur du travail et le ministre du travail ont rejeté ses recours gracieux et hiérarchique formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par la société Café de Flore devant le tribunal administratif et renvoie à ses écritures de première instance.

La société Café de Flore a produit un mémoire récapitulatif enregistré le 5 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vier-Cazier, représentant la société Café de Flore.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été engagé par la société Café de Flore par un contrat à durée indéterminée le 1er août 2008 en qualité de garçon de café et détenait à la date des faits litigieux, les mandats de délégué syndical CGT et de représentant syndical au comité d'entreprise depuis le 15 mai 2014. Son employeur a demandé l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire, lui reprochant, d'une part, d'avoir quitté son poste lors du service de midi le 17 octobre 2016, d'autre part, d'avoir rédigé avec un autre salarié, le 18 octobre 2016, un courrier " comportant des accusations graves de faits de harcèlement et de violence de la part du chef de cuisine et en insinuant que la direction aurait manqué à ses obligations en matière de sécurité et de santé des salariés " et avoir le même jour affiché ce courrier sur le tableau d'affichage sans avoir " au préalable alerté " la direction alors que les faits dénoncés se sont révélés " inconsistants et mensongers " et, enfin, d'avoir le

11 novembre 2016 volontairement subtilisé la somme de 43 euros correspondant au prix d'une bouteille de vin servie et payée par les clients mais qui n'avait pas été enregistrée et de ne pas avoir encaissé l'ensemble des consommations des clients qu'il avait servis alors qu'un incident électrique avait contraint à la fermeture de l'établissement. Par une décision du 21 décembre 2016, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... en raison de l'irrégularité de la procédure suivie par l'employeur. La société Café de Flore a présenté nouvelle demande d'autorisation de licenciement, fondée sur les mêmes griefs qui a été rejetée par une décision du

15 février 2017 de l'inspecteur du travail qui a estimé que si deux des trois premiers griefs reprochés à M. B... étaient établis et fautifs, le quatrième devait être regardé comme la dénonciation de faits de harcèlement moral, laquelle ne peut légalement, en application des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, fonder une mesure de licenciement. La décision du 15 février 2017 a été contestée par la société Café de Flore devant le tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa requête comme tardive par un jugement définitif n° 1710071/ 3-3 du 12 juin 2018. La société a alors saisi l'administration d'une troisième demande d'autorisation de licenciement, fondée sur les deux seuls griefs que l'inspecteur du travail avait estimé établis et fautifs dans sa décision du 15 février 2017. Par une décision du 19 avril 2017, l'inspecteur du travail a rejeté cette nouvelle demande, au motif que les faits reprochés au salarié, survenus le 11 novembre 2016, devaient être regardés comme prescrits. La société Café de Flore a formé un recours hiérarchique reçu le 12 mai 2017 et un recours gracieux reçu le 17 mai 2017. Par une décision explicite du 16 novembre 2017 le ministre a confirmé sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique au motif que l'inspecteur du travail s'était déjà prononcé sur les deux griefs par une décision de refus le 15 février 2017 devenue définitive. La société Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B..., d'autre part, d'autoriser ce licenciement. Par un jugement

n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 en estimant que les faits étaient prescrits au moment de l'engagement de la troisième procédure le 12 février 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Café de Flore.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B..., la circonstance que la société Café de Flore n'ait pas attaqué la décision du ministre du travail du 16 novembre 2017 prise sur recours hiérarchique, ne rend pas sans objet le recours contentieux qu'elle a formé contre la décision initiale de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. M. B... soutient, en premier lieu, que la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 étant purement confirmative de la décision définitive du 15 février 2017, la demande de la société Café de Flore était irrecevable et que le tribunal a méconnu son office en ne relevant pas d'office la tardiveté de la demande de la société Café de Flore pour tardiveté. Toutefois, si la décision du 19 avril 2017 avait le même objet que la demande rejetée par la décision du 15 février 2017, elle n'était pas fondée sur la même cause juridique dès lors que l'employeur n'invoquait plus que deux des griefs initiaux de sa demande de licenciement. Par suite, la décision litigieuse ne constitue pas une décision confirmative de la précédente décision de rejet.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ". Il résulte de ces dispositions que l'engagement des poursuites disciplinaires par l'envoi au salarié de la lettre le convoquant à l'entretien préalable interrompt le délai de prescription de deux mois qu'elles prévoient.

5. Il ressort de la décision litigieuse du 19 avril 2017 que l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement formée par la société Café de Flore au motif que les faits reprochés, survenus le 11 novembre 2016, devaient être regardés comme prescrits au moment de l'engagement de la troisième procédure le 21 février 2017, date de la lettre de convocation à l'entretien préalable. Les faits reprochés à M. B..., qui datent du 11 novembre 2016, n'étaient cependant pas prescrits à la date de l'engagement de la première procédure le 5 décembre 2016. La date d'entretien préalable du 12 décembre 2016 a ouvert un nouveau délai de deux mois pour poursuivre les faits et ce délai n'était pas expiré le 23 décembre 2016, date de l'engagement de la deuxième procédure pour un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu le 6 janvier 2017. Ainsi, la prescription a été prorogée jusqu'au 6 mars 2017 et, à la date du 21 février 2017 à laquelle la société Café de Flore a engagé la troisième procédure de licenciement pour faute de M. B... en le convoquant pour un entretien préalable au licenciement du 3 mars 2017, les faits n'étaient pas prescrits et c'est à tort que l'inspecteur du travail s'est fondé sur ce motif pour rejeter la demande de licenciement.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement.

Sur les conclusions incidentes de la société café de Flore tendant à l'annulation des décisions implicites rejetant ses recours administratifs :

7. Si la société Café de Flore demande l'annulation de la décision implicite de l'inspecteur du travail de rejet de son recours gracieux et de la décision implicite du ministre du travail de rejet de son recours hiérarchique, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne formule, en tout état de cause, aucune critique de ces décisions pas plus que de la décision du 16 novembre 2017 du ministre du travail qui s'est substituée à sa décision implicite de rejet. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que la société Café de Flore, qui n'est pas, à titre principal, la partie perdante, verse à la M. B... la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner ce dernier à verser à la société Café de Flore la somme qu'elle demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de la société Café de Flore et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Café de Flore.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

La présidente-rapporteure,

M. C...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYER

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA06341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06341
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PERALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-19;21pa06341 ?
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