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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA02660

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2019, 18PA02660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A...B...pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 de l'inspecteur du travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Caf

é de Flore.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A...B...pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 de l'inspecteur du travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Café de Flore.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Café de Flore devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société Café de Flore le versement de la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer dès lors que, d'une part, la société Café de Flore n'ayant pas contesté la décision confirmative du ministre du travail du

16 novembre 2017 prise sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 était devenue définitive et, d'autre part, cette dernière décision était en outre purement confirmative de la décision définitive du 15 février 2017 ;

- pour ce dernier motif, la demande de la société Café de Flore était irrecevable et le tribunal a méconnu son office en ne relevant pas d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société Café de Flore pour tardiveté ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que les faits n'étaient pas prescrits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, la société Café de Flore, représentée par Me Vier-Cazier, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'annuler les décisions implicites rejetant ses recours administratifs formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 ;

2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrecevabilité de sa demande de première instance, de ce que les premiers juges auraient dû prononcer un non-lieu à statuer sur sa demande et de ce que la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 serait purement confirmative de celle du

15 février 2017 sont irrecevables, faute d'avoir été soulevés en première instance ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 3 avril 2019, M. B... maintient ses conclusions et ses moyens.

Il demande, en outre, à la Cour de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la société Café de Flore.

Il soutient, en outre, que :

- les conclusions d'appel incident présentées par la société Café de Flore sont irrecevables dès lors, d'une part, que le jugement attaqué a fait intégralement droit à sa demande de première instance et, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation des décisions implicites rejetant ses recours administratifs formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 sont nouvelles en appel.

Par une ordonnance du 3 avril 2019, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 14 mars 2019, a été reportée au 18 avril 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions présentées par la société Café de Flore tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles l'inspecteur du travail et le ministre du travail

ont rejeté ses recours gracieux et hiérarchique formés contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour présenté pour M. B... par Me C...a été enregistré le 6 mai 2019.

Un mémoire présenté pour la société Café de Flore par Me Vier-Cazier a été enregistré le 9 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Vier-Cazier, avocat de la société Café de Flore.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a été engagé par la société Café de Flore par un contrat à durée indéterminée le 1er août 2008 en qualité de garçon de café. Il exerçait les fonctions de délégué syndical CGT ainsi que celles de représentant syndical au comité d'entreprise depuis le 15 mai 2014. Le 5 décembre 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement. La société Café de Flore lui reprochait, d'une part, d'avoir quitté son poste lors du service de midi le 17 octobre 2016, d'autre part, d'avoir rédigé avec un autre salarié, le 18 octobre 2016, un courrier " comportant des accusations graves de faits de harcèlement et de violence de la part du chef de cuisine et en insinuant que la direction aurait manqué à ses obligations en matière de sécurité et de santé des salariés " et avoir le même jour affiché ce courrier sur le tableau d'affichage sans avoir " au préalable alerté " la direction alors que les faits dénoncés se sont révélés " inconsistants et mensongers " et, enfin, d'avoir le

11 novembre 2016 volontairement subtilisé la somme de 43 euros correspondant au prix d'une bouteille de vin servie et payée par les clients mais qui n'avait pas été enregistrée et de ne pas avoir encaissé l'ensemble des consommations des clients qu'il avait servis alors qu'un incident électrique avait contraint à la fermeture de l'établissement. Le comité d'entreprise a émis un avis favorable à la mesure de licenciement envisagé. Par une décision du 21 décembre 2016, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... en raison de l'irrégularité de la procédure suivie par l'employeur, le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail n'ayant pas été respecté.

2. La société Café de Flore a repris la procédure de licenciement de M. B...en se fondant sur les mêmes faits. Par une décision du 15 février 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement du salarié. Il a estimé que seuls les faits commis par M. B... le

11 novembre 2016 revêtaient un caractère fautif d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement mais que le grief invoqué par l'employeur portant sur une dénonciation par le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas établie, d'agissements de harcèlement moral faisait obstacle à ce que l'autorisation de licenciement soit accordée, le licenciement d'un salarié dans de telles conditions étant réputé nul en application de la jurisprudence de la Cour de cassation. Le 20 juin 2017, la société Café de Flore a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 1710071/3-3 du 12 juin 2018, devenu définitif, le tribunal a rejeté cette demande comme étant tardive et, par suite, irrecevable.

3. La société Café de Flore a, de nouveau, engagé une procédure de licenciement de M. B... en se fondant sur les seuls faits qualifiés par l'inspecteur du travail de fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier la mesure de licenciement, soit les faits commis par le salarié le 11 novembre 2016. M. B...a ainsi été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 mars 2017. Par un courrier en date du 20 mars 2017 dont les termes sont dénués de toute ambigüité, la société Café de Flore a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M.B.... Par une décision en date du 19 avril 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée au double motif que la décision en date du

15 février 2017 présentait " le caractère de la chose jugée puisque non contestée dans les délais légaux " et que " l'étude de la troisième demande d'autorisation de licenciement ne faisait pas état de faits nouveaux et qu'ainsi les faits reprochés survenus le 11 novembre 2016 devaient être regardés comme prescrits au moment de l'engagement de la troisième procédure soit le

12 février 2017 date de la lettre de convocation à l'entretien préalable ". La société Café de Flore a formé, le 16 mai 2017, un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. Elle a également formé un recours hiérarchique le 12 mai 2017. Par une décision du 16 novembre 2017, le ministre du travail a confirmé sa décision implicite de rejet née le 13 septembre 2017. Par un jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a, à la demande de la société, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 avril 2017. M. B...relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Une deuxième décision dont l'objet est le même que la première revêt un caractère confirmatif, dès lors que ne s'est produit entre temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.

5. La demande d'autorisation de licencier M. B...pour motif disciplinaire en date du 20 mars 2017 présentée par la société Café de Flore avait le même objet que sa demande du

11 janvier 2017 sur laquelle l'inspecteur du travail s'est prononcé par sa décision du

15 février 2017. Si la société Café de Flore fait valoir que l'intéressé a persisté dans son comportement dès lors qu'il n'a pas restitué la somme correspondant au prix de la bouteille non encaissé, cet élément ne constitue pas un fait nouveau qui ferait obstacle à ce que le nouveau refus opposé le 19 avril 2017 par l'inspecteur du travail ne soit pas regardé comme confirmatif du refus opposé le 15 février 2017. Par ailleurs, la circonstance que l'inspecteur du travail a effectué, avant de rendre sa décision, une nouvelle enquête contradictoire ne révèle pas en elle-même un changement de circonstances de droit ou de fait. Ainsi, en l'absence de circonstance de droit ou de fait nouvelle, la décision du 19 avril 2017 revêt un caractère confirmatif. Par suite,

M.B..., qui pouvait soulever ce moyen pour la première fois en appel, est fondé à soutenir que la demande de la société Café de Flore présentée devant le tribunal et dirigée contre cette décision confirmative de refus était irrecevable.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 avril 2017 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé à la société Café de Flore l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées tant en première instance qu'en appel par la société Café de Flore.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Café de Flore demande au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Café de Flore la somme demandée par M. B...au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1717385/3-3 du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de la société Café de Flore présentée devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la société Café de Flore et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02660
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : JURALEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa02660 ?
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