La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2019 | FRANCE | N°18PA02590

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 avril 2019, 18PA02590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le ministre de la défense lui a infligé la sanction du déplacement d'office.

Par un jugement nos 1511327, 1520624 du 9 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 16PA02628 du 6 juin 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 22 décembre 2014

du ministre de la défense.

Par la décision n° 412795 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le ministre de la défense lui a infligé la sanction du déplacement d'office.

Par un jugement nos 1511327, 1520624 du 9 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 16PA02628 du 6 juin 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 22 décembre 2014 du ministre de la défense.

Par la décision n° 412795 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour le ministre de la défense, a annulé l'arrêt n° 16PA02628 du 6 juin 2017 de la Cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 août 2016, le 20 avril 2017 et le 4 mars 2019, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1511327, 1520624 du 9 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le ministre de la défense lui a infligé la sanction du déplacement d'office.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît le principe de la présomption d'innocence et l'administration n'établit pas la réalité des faits reprochés ;

- l'arrêté, qui n'avait pas la nature d'une décision conservatoire, à la différence de la suspension, n'est fondé que sur les seuls éléments de la procédure pénale et, plus précisément, sur le placement sous contrôle judiciaire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 mars 2017 et le 24 avril 2017, le ministre de la défense, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alors attaché principal d'administration de la défense, et chef du bureau régional interarmées du logement militaire (BRILOM) de Brest de 2001 à 2006, a été mis en examen le 5 mars 2014 pour les chefs de trafic d'influence passif et prise illégale d'intérêt et placé sous contrôle judiciaire. Le ministre de la défense, par une décision du 7 mars 2014, l'a suspendu de ses fonctions à compter du 13 mars suivant, puis, par un arrêté du 22 décembre 2014, a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office. M. B... a demandé l'annulation de cette sanction à la fois au Tribunal administratif de nantes et à celui de rennes, lesquels ont chacun renvoyé l'affaire au Tribunal administratif de Paris, lequel, par un jugement du 9 juin 2016, a rejeté ses deux demandes. Par un arrêt du 6 juin 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 22 décembre 2014. Par une décision du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Il ressort des termes de la sanction prise à l'encontre de M. B... qu'il lui était reproché d'avoir " manqué à la déontologie des fonctionnaires et avoir porté atteinte à l'image du ministère ". Ces griefs sont expliqués dans la lettre, signée par l'autorité signataire de la sanction, lui notifiant cette mesure et selon laquelle, après avis favorable de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, il lui était reproché d'une part " un manquement à la déontologie des fonctionnaires en ayant fait en sorte que sa hiérarchie ne puisse contrôler les taux d'occupation des logements pris à bail par la défense nationale alors qu'il était propriétaire de l'un de ces logements " et d'autre part " d'avoir porté atteinte à l'image du ministère, les faits ayant été rendus publics par la presse qui identifie explicitement le bureau de logement interarmées et fait état de mise en examen en son sein en évoquant de manière précise le montage réalisé ". M. B..., qui a seulement reconnu, devant le conseil de discipline, avoir acquis un appartement dans le cadre de la défiscalisation tout en soulignant que rien ne l'interdisait, conteste de façon constante la matérialité des faits ainsi retenus à son encontre et soutient que l'administration n'en établit pas la matérialité et l'a sanctionné au mépris du respect de la présomption d'innocence.

3. Il appartient à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire d'établir la réalité des griefs qu'elle retient pour fonder la sanction qu'elle inflige à l'un de ses agents. Pour ce faire, elle peut s'appuyer soit sur ses propres investigations, soit se prévaloir de l'autorité qui s'attache aux constatations matérielles de faits retenue par le juge répressif. Dans le cas où une enquête pénale est ouverte à l'encontre de l'agent, et même lorsque celui-ci est mis en examen, elle ne saurait en revanche se fonder sur les seuls indices graves et concordants relevés par un juge d'instruction pour en déduire que les faits reprochés et leur imputabilité à l'agent sont établis.

4. Pour établir la matérialité des griefs retenus à l'encontre de M. B..., le ministre ne saurait donc se borner à soutenir d'une part qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne s'oppose à la prise en compte d'une enquête pénale dans le cadre d'une procédure disciplinaire et d'autre part que M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la réalité des faits qui lui sont reprochés. Si le ministre fait également valoir que M. B... a été placé sous contrôle judiciaire à la suite de sa mise en examen et qu'en vertu de l'article 80-1 du code pénal, la mise en examen implique que des indices graves et concordants rendent vraisemblable que l'intéressé ait pu participer à la commission des infractions, cette circonstance, si elle pouvait légalement fonder une mesure à caractère conservatoire, telle la suspension prononcée à l'encontre de M. B... le 7 mars 2014, ne permettait pas légalement de déduire, comme le fait le ministre, que l'enquête pénale et l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 5 mars 2014 permettaient de révéler la réalité des faits reprochés à l'intéressé.

5. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier disciplinaire de M. B..., produit à la demande de la Cour, et dans lequel ne figurent, s'agissant des pièces transmises par l'autorité judiciaire, que des ordonnances du juge d'instruction, que l'intéressé ait fait l'objet d'une décision du juge pénal sur la commission des infractions pour lesquelles il a été mis en examen. Il n'est d'ailleurs pas contesté que la procédure pénale n'a toujours pas abouti. Enfin, il ressort du rapport de saisine du conseil de discipline, daté du 24 novembre 2014, que la sanction du déplacement d'office était proposée " compte tenu de l'ordonnance du tribunal de grande instance de Brest du 5 mars 2014 ". Si cette ordonnance plaçant M. B... sous contrôle judiciaire lui faisait interdiction d'exercer des fonctions au sein du ministère de la défense dans les domaines de la gestion immobilière et de la gestion financière, et pouvait donc fonder une nouvelle affectation de l'intéressé d'office dans l'intérêt du service, ainsi d'ailleurs que le demandait la " note express " du 29 octobre 2014, elle ne pouvait fonder l'adoption d'une sanction tant que la matérialité des griefs ne serait pas établie, soit par les propres investigations de l'administration soit par l'autorité qui s'attache aux constatations matérielles de faits retenue par le juge répressif.

6. Dans ces conditions, l'administration n'établit pas que M. B... se soit effectivement rendu coupable du " manquement à la déontologie des fonctionnaires en ayant fait en sorte que sa hiérarchie ne puisse contrôler les taux d'occupation des logements pris à bail par la défense nationale alors qu'il était propriétaire de l'un de ces logements " retenu à son encontre. Par ailleurs, s'il est incontestable, et d'ailleurs non contesté par M. B..., que l'article de presse produit par l'administration a pu nuire à l'image du ministère, cette circonstance ne pouvait être imputée à M. B... tant que la matérialité des faits qui lui étaient reprochés n'était pas établie.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, M. B... est fondé à soutenir que l'administration n'établit pas la matérialité des griefs qu'elle a retenus à son encontre et l'a sanctionné au mépris du respect de la présomption d'innocence. C'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes, qui n'étaient pas tardives, en l'absence de preuve de notification d'une mention complète des délais de recours contre la décision de sanction.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1511327, 1520624 du 9 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le ministre de la défense a infligé à M. B... la sanction du déplacement d'office sont annulés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er avril 2019.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,

M. JULLIARDLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18PA02590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02590
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SCP NOBILET - LAMBALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-01;18pa02590 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award