Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la résiliation des lots n° 3 à 11 du marché relatif à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, passés par la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, notifiés le 19 juillet 2013.
Par un jugement n° 1313156/7-3 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14PA03348 du 14 mars 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " contre ce jugement.
Par une décision n° 399865 du 26 janvier 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 14 mars 2016 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux lots n° 3 et 6 à 11 du marché en litige et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, des mémoires enregistrés les 13 février 2015 et 5 avril 2018, ainsi que des mémoires récapitulatifs enregistrés les 22 octobre 2018, 19 novembre 2018, 10 janvier 2019 et 21 janvier 2019, le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice ", représenté par la SCP Gaborit Rücker et Associés, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 juin 2014 ;
2°) de résilier les lots n° 3 et 6 à 11 du marché relatif à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux émis par les comptables de la direction des finances publiques ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et du GIE " Groupement des poursuites extérieures " la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en sa qualité de candidat évincé, il dispose d'un intérêt à agir pour remettre en cause la validité du contrat ; sa requête ne méconnaît pas l'article R. 431-2 du code de justice administrative contrairement à ce que soutient le GIE " Groupement des poursuites extérieures " (GPE) ;
- par une décision du 14 mars 2016, le Conseil d'Etat a jugé que les membres du GIE GPE ne pouvaient pas, en tant que membres de sociétés professionnelles, légalement effectuer à titre individuel les prestations objet des lots n° 3 et 6 à 11 du marché litigieux et a cassé l'arrêt n° 14PA03348 du 14 mars 2016 de la Cour à laquelle il a renvoyé l'affaire ; qu'en conséquence la Cour ne peut que prononcer la résiliation du marché relatif à ces lots ;
- les contrats ont été signés pour le compte du GIE GPE par une personne n'ayant pas la qualité de représentant légal d'une structure d'exercice titulaire d'un office d'huissier de justice et, à ce titre, membre régulier du GIE ;
- le GIE GPE a méconnu le règlement de la consultation en exerçant la profession réglementée d'huissier de justice par l'encaissement de fonds ou l'endossement de chèques à l'ordre du GPE ; cette violation est d'une particulière gravité et justifie la résiliation du marché ;
- la circonstance que les contrats ont pris fin ne prive pas d'objet ses demandes.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 octobre 2014, 30 mars 2015, 9 novembre 2018 et 29 novembre 2018, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " du versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2018, le Groupement des poursuites extérieures (GPE), représenté par Me A...conclut au rejet de la requête et à la condamnation du GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " (GPHJ) à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le GIE GPHJ ne peut se prévaloir de la qualité de candidat évincé au sens de la jurisprudence puisqu'il n'a agi que pour le compte de ses membres et ne dispose d'aucun droit propre à remettre en cause la validité du marché, à supposer même qu'il ait reçu mandat de ses membres ;
- la demande est dépourvue d'objet dès lors que le marché a été entièrement exécuté.
Par un courrier adressé le 14 janvier 2019, la Cour a demandé aux parties si l'annulation du contrat en litige emporterait des conséquences de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général.
Par deux mémoires enregistrés les 18 janvier 2019 et 25 janvier 2019, la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris a fait valoir que l'annulation du contrat remettrait en cause la validité des actions en recouvrement diligentées pour son compte par les offices d'huissiers de justice membres du GIE GPE ouvrant droit à une multiplicité de recours de la part des contrevenants s'étant acquitté de leurs dettes auprès de ces huissiers.
Par un mémoire enregistré le 21 janvier 2019, le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice ", représenté par la SCP Gaborit Rücker et Associés fait valoir qu'aucune atteinte excessive à l'intérêt général par risque de recours ne saurait être invoqué par l'administration dès lors que l'infraction étant reconnue par le paiement de l'amende, aucune action en répétition ne peut être envisagée et que compte tenu de la date des recouvrements, à supposer que les contrevenants aient intérêt à agir, l'action serait éteinte dans la majorité des cas par acquisition de la prescription.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- le décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ;
- le décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " et Me A...pour le GIE " Groupement des poursuites extérieures ".
Considérant ce qui suit :
1. Le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " demande à la Cour l'annulation du jugement du 5 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la résiliation des lots n° 3 et 6 à 11 du marché relatif à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux émis par les comptables de la direction des finances publiques.
2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.
3. D'une part, aux termes du I de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 : " Lorsque le comptable du Trésor public est autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires à procéder au recouvrement forcé d'une créance ou d'une condamnation pécuniaire, il peut, préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, demander à un huissier de justice d'obtenir du débiteur ou du condamné qu'il s'acquitte entre ses mains du montant de sa dette ou de sa condamnation pécuniaire. (...) " et aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers : " Les huissiers de justice peuvent (...) procéder au recouvrement amiable (...) de toutes créances. ". Enfin, aux termes de l'article L. 251-2 du code de commerce : " Les personnes exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé peuvent constituer un groupement d'intérêt économique ou y participer ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 46 du décret du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles : " Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'huissier de justice et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral ". En vertu de l'article 38 du décret du 30 décembre 1992 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " Un huissier de justice associé, exerçant au sein d'une société d'exercice libéral, ne peut exercer la profession d'huissier de justice à titre individuel ou en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme ".
5. Par une décision n° 399865 du 26 janvier 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que si les membres d'un groupement d'intérêt économique (GIE) qui se porte candidat à l'obtention d'une commande publique pour le compte de ses membres, dans le cadre de l'article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, peuvent être des personnes physiques ou morales dès lors qu'elles sont titulaires d'offices d'huissier de justice, il résulte des dispositions précitées de l'article 46 du décret du 31 décembre 1969, qu'un huissier associé dans une société civile professionnelle ou une société d'exercice libéral ne peut pas être membre d'un GIE en vue d'exercer une activité de recouvrement à titre individuel.
6. Il résulte de l'instruction d'une part que le GIE " Groupement des poursuites extérieures " a indiqué, dans le formulaire de candidature, qu'il agissait pour le compte de ses membres et a mentionné, à la rubrique " identification des membres du groupement " de ce formulaire, les noms de dix personnes physiques associées de structures d'exercice ayant leur résidence dans le ressort de chacun des tribunaux de grande instance d'Ile-de-France et d'autre part que les mandats donnés au président du GIE pour faire acte de candidature, fournis à l'appui de la demande, ont été signés par ces mêmes personnes. Par suite, le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " est fondé à soutenir que les membres du GIE " Groupement des poursuites extérieures " ne pouvaient légalement effectuer à titre individuel les prestations faisant l'objet des lots n° 3 et 6 à 11 du marché en litige et que ce vice entache d'irrégularité la passation de ces contrats. Toutefois eu égard à la circonstance que le GIE " Groupement des poursuites extérieures " a également indiqué, dans la liste jointe à sa candidature intitulée " liste des membres assurant les prestations de recouvrement " que ces prestations seraient assurées par les six sociétés civiles professionnelles (SCP) et les trois sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) auxquelles ces personnes étaient associées, cette irrégularité n'était pas de nature à entraîner la résiliation du marché en cause, dont il est au demeurant constant que les prestations sont entièrement exécutées à la date du présent arrêt.
7. Par ailleurs, la qualité du signataire des contrats litigieux agissant en tant que mandataire désigné du GIE " Groupement des poursuites extérieures " est, en tout état de cause, sans incidence sur la validité desdits contrats.
8. Enfin, la circonstance que le GIE Groupement des poursuites extérieures aurait méconnu le règlement de la consultation en encaissant des fonds ou endossant des chèques à son ordre, qui est relative aux modalités d'exécution du marché, est sans incidence sur la validité de celui-ci.
9. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête, que le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la résiliation des lots n° 3 et 6 à 11 du marché en litige, seules conclusions renvoyées à la Cour par le Conseil d'Etat.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions susvisées présentées par le GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " à l'encontre de l'Etat et du GIE " Groupement des poursuites extérieures ", qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions susvisées présentées par le GIE " Groupement des poursuites extérieures " et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du GIE requérant au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du GIE " Groupement des poursuites extérieures " tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GIE " Groupement périphérique des huissiers de justice ", à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et au GIE " Groupement des poursuites extérieures ".
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 mars 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. HEERS Le greffier,
C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00372