Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice a demandé au Tribunal administratif de Paris de résilier les marchés publics relatifs à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, passés par la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, correspondant aux lots n°s 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 10 et 11 de la consultation, notifiés le 19 juillet 2013.
Par un jugement n° 1313156/7-3 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice, représenté par la SCP Gaborit Rücker et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 juin 2014 ;
2°) de résilier les marchés publics relatifs à l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, passés par la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, correspondant aux lots n°s 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 10 et 11 de la consultation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la composition du GIE Groupement des poursuites extérieures, à qui plusieurs lots ont été attribués, était irrégulière au regard du règlement de la consultation ; le règlement prévoit en effet que les GIE ne peuvent se porter candidats que pour le compte de leurs membres ; le GIE Groupement des poursuites extérieures ne pouvait légalement exécuter le marché ; en effet, il n'est constitué que de trois membres qui ne sont pas personnellement titulaires d'offices d'huissiers de justice et qui, en toute hypothèse, n'exerceraient que dans trois départements ;
- le pouvoir adjudicateur a donné à la note méthodologique jointe à l'offre une valeur lui permettant d'apprécier la qualité de l'offre ;
- si le règlement de la consultation prévoit l'intervention de la " commission des marchés ", le pouvoir adjudicateur n'a jamais été en mesure de préciser dans quelles conditions cette commission, non prévue légalement, a pu être décisionnaire ou émettre un avis dans le choix des offres ; l'imprécision du règlement de consultation est susceptible de constituer un manquement au principe d'égalité de traitement et de transparence des procédures ;
- le GIE Groupement des poursuites extérieures fonctionne comme une structure d'exercice d'huissier de justice en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2014, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du GIE Groupement périphérique des huissiers de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique enregistré le 13 février 2015, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens.
Par un nouveau mémoire enregistré le 30 mars 2015, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris reprend les conclusions de son précédent mémoire.
Par ordonnance du 17 février 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- le décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris en application de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice.
1. Considérant qu'en mars 2013, la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a engagé, selon une procédure adaptée, une consultation en vue de l'attribution de onze lots correspondant chacun à un secteur territorial et ayant pour objet l'intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, en application de l'article 128 de la loi
n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ; que le 14 mai 2013, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice s'est porté candidat pour l'attribution de neuf des onze lots, numérotés 3 à 11 ; que, le 23 mai 2013, le directeur régional des finances publiques l'a informé du rejet de l'ensemble de ses offres ; que saisi le 6 juin 2013 d'une demande présentée par le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ; que le 19 juillet 2013, le directeur régional a notifié les lots attribués aux candidats retenus, le lot n°3 et les lots n°s 6 à 11 étant attribués au GIE Groupement des poursuites extérieures, et les lots n° 4 et n° 5 à un groupement constitué de plusieurs huissiers de justice, la SELARL HJ Melun, MeA..., Me C...et Me B... ; que le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice a alors formé devant le Tribunal administratif de Paris un recours contestant la validité des marchés correspondant aux lots n°s 3 à 11 de la consultation et demandant leur résiliation ; que par un jugement du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ; que le GIE Groupement périphérique des poursuites extérieures fait appel de ce jugement ;
2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
3. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;
4. Considérant, en premier lieu, que le GIE requérant soutient que le GIE Groupement des poursuites extérieures ne pouvait, compte-tenu de sa composition, régulièrement présenter une candidature ; que selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers : " Les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire. Les huissiers de justice peuvent en outre procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances et, dans les lieux où il n'est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels [...]. " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 29 février 1956 relatif au statut des huissiers : " Les actes prévus aux alinéas 1er et 2 de l'article premier de l'ordonnance du 2 novembre 1945 [...] sont faits concurremment par les huissiers de justice dans le ressort du tribunal de grande instance de leur résidence [...] " ; que si les groupements d'intérêt économique (GIE), constitués entre plusieurs personnes physiques ou morales titulaires d'offices d'huissier de justice, ne peuvent eux-mêmes procéder au recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive, ils peuvent se porter candidat à l'obtention d'une commande publique pour le compte de leurs membres, dans le cadre de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, dès lors que seuls ces derniers exécutent les prestations objet du contrat et à la condition de préciser dans l'acte de candidature quels sont les huissiers membres du groupement qui s'engagent ainsi à exécuter les prestations dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 et le décret n° 56-222 du 29 février 1956, notamment celles relatives à la compétence territoriale des huissiers de justice ; qu'en l'espèce, l'article 6 du règlement de la consultation prévoit que : " Les offres sont présentées par des huissiers de justice exerçant leur profession à titre individuel ou sous la forme de structures d'exercice (association, société civile professionnelle, société d'exercice libéral ou société en participation, autres). Les groupements d'huissiers (SCM, société civile de moyens, groupements d'intérêt économique, autres) ainsi que les groupements d'opérateurs économiques (article 51 du code des marchés publics) sont habilités à postuler. / Il est rappelé que les SCM ou les GIE, constitués entre plusieurs personnes physiques ou morales titulaires d'office de justice ne peuvent eux-mêmes procéder au recouvrement amiable préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive. Toutefois ils peuvent se porter candidats à l'obtention d'une commande publique pour le compte de leurs membres dans le cadre de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 dès lors que seuls les huissiers de justice membres exécutent les prestations, objet du contrat. / À cet égard la lettre de candidature (...) des SCM, GIE, groupements d'opérateurs économiques ou de tout autre groupement doit identifier nommément les personnes physiques ou morales habilitées à exercer la profession d'huissier de justice qui seront chargées de procéder au recouvrement amiable des amendes et produits locaux, personnes qui doivent notamment exercer la mission de recouvrement amiable dans le respect des règles afférentes à la compétence territoriale posées par le décret n° 56-22 du 29 février 1956 pris en application de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le GIE Groupement des poursuites extérieures a indiqué, dans le formulaire de candidature, qu'il agissait pour le compte de ses membres et a mentionné, dans la rubrique " identification des membres du groupement " de ce formulaire, les noms de dix personnes physiques ; que les mandats donnés au président du GIE pour faire acte de candidature, fournis à l'appui de la demande, ont été signés par ces mêmes personnes ; que, par ailleurs, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale du GIE du 25 mars 2013 que toutes ces personnes étaient membres du groupement à la date à laquelle celui-ci a présenté sa candidature, soit qu'elles aient été membres fondateurs de celui-ci, soit qu'elles y aient adhéré par la suite ; que, dans ces conditions, la circonstance que le GIE Groupement des poursuites extérieures a indiqué, dans la liste jointe à sa candidature, intitulée " liste des membres assurant les prestations de recouvrement ", les dénominations et les adresses des sociétés professionnelles dont les dix huissiers sont membres, ainsi que les tribunaux de grande instance concernés, est sans incidence sur la recevabilité de la candidature ; que la mention, dans l'extrait Kbis du GIE, de l'adresse personnelle de certains de ses membres est également sans incidence sur la recevabilité de sa candidature aux marchés en litige ;
6. Considérant, d'autre part, que, s'il résulte de l'instruction que les dix membres du GIE Groupement des poursuites extérieures étaient associés de structures d'exercice ayant leur résidence dans le ressort de chacun des tribunaux de grande instance d'Ile-de-France, l'article 6 du règlement de la consultation admet la candidature d'huissiers exerçant au sein de sociétés professionnelles ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le GIE requérant, les membres du GIE Groupement des poursuites extérieures pouvaient, bien que membres de sociétés professionnelles, légalement effectuer à titre individuel les prestations faisant l'objet des marchés;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est soutenu que le GIE Groupement des poursuites extérieures fonctionnerait de facto comme une structure d'exercice d'huissier de justice, en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, toutefois, la circonstance que le GIE aurait, dans le cadre de l'exécution du marché en litige, procédé à des actes de recouvrement et à des encaissements est sans incidence sur la validité de ce marché ;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'article 6 B du règlement de la consultation prévoit que l'offre des candidats comporte notamment un " mémoire de présentation des moyens humains, techniques et stratégiques mis en place pour la réalisation des prestations demandées reprenant au minimum les éléments d'information nécessaires à l'examen des offres " ; que l'article 8 de ce règlement prévoit quant à lui que " l'offre sera retenue pour chacun des lots, à partir de l'examen de la note méthodologique jointe à l'offre et en fonction des critères énoncés ci-dessous : 1. La présentation de l'organisation interne, du nombre et de la fonction des huissiers [...] notée sur 25 points ; 2. La présentation des types de relance ou d'actions employées à l'encontre des débiteurs [...] notées sur 35 points ; 3. La présentation de la stratégie de relance des redevables [...] notées sur 20 points ; 4. La présentation des fichiers d'adresses ou d'autres listings détenus par les études permettant d'optimiser les relances des débiteurs, [...] notée sur 5 points ; 5. La présentation des modalités d'accueil des redevables et des modalités d'encaissement proposé [...] notée sur 15 points [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions que la " note méthodologique " ne constitue pas un critère supplémentaire d'appréciation dont les modalités d'évaluation n'auraient pas été portées à la connaissance des candidats, mais uniquement un support de présentation du contenu des offres ; que la valeur de ces offres n'a été appréciée qu'en fonction des critères énoncés par l'article 8 du règlement de la consultation ;
9. Considérant, en dernier lieu, que l'article 8 du règlement de la consultation prévoit que " la commission des marchés procédera à l'ouverture des plis [...] " ; que le GIE requérant soutient que cet article ne précise pas la nature de cette commission et que, compte tenu de ce silence, cette commission a pu jouer un rôle qui aurait conduit à porter atteinte aux règles de mise en concurrence ou au principe d'égal accès à la commande publique ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette commission a été mise en place par le directeur régional des finances publiques et qu'elle n'était composée que de membres de l'administration ; qu'un chef de service peut exercer son pouvoir réglementaire en vue d'instituer des organismes consultatifs destinés à l'assister dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en espèce, la commission ne s'est substituée à aucune commission instituée par un texte législatif ou réglementaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait joué un rôle autre que consultatif ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les principes de transparence et d'égalité entre les candidats auraient été méconnus doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GIE requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GIE Groupement périphérique des huissiers de justice est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GIE Groupement périphérique des huissiers de justice et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Niollet, président,
- Mme Petit, premier conseiller ;
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2016.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
J-C. NIOLLET
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03348