La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2019 | FRANCE | N°18PA01854

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 mars 2019, 18PA01854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions de Pôle emploi du 3 décembre 2012 et du 14 février 2013 rejetant ses demandes indemnitaires, et de condamner Pôle emploi à lui verser une somme de 150 000 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation du préjudice subi à la suite de la gestion fautive de sa carrière et des conditions dans lesquelles son licenciement est intervenu. Par un jugement nos 1300813-1302020 du 16 juillet 2015, le Tribunal administ

ratif de Melun a condamné Pôle emploi à verser à M. A...une somme de 16 952...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions de Pôle emploi du 3 décembre 2012 et du 14 février 2013 rejetant ses demandes indemnitaires, et de condamner Pôle emploi à lui verser une somme de 150 000 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation du préjudice subi à la suite de la gestion fautive de sa carrière et des conditions dans lesquelles son licenciement est intervenu. Par un jugement nos 1300813-1302020 du 16 juillet 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné Pôle emploi à verser à M. A...une somme de 16 952,08 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 15PA03596 du 29 novembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement.

Par une décision n° 407336 du 25 mai 2018 le Conseil d'Etat, saisi par M.A..., a annulé cet arrêt du 29 novembre 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 septembre 2015, le 2 février 2016 et le 5 octobre 2018 M.A..., représenté par la SCP Le Bret-Desache, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Melun nos 1300813-1302020 du 16 juillet 2015 en tant que celui-ci a limité à la somme de 16 952,08 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné Pôle Emploi ;

2°) de condamner Pôle Emploi à lui verser la somme de 115 193 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2012 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi Ile-de-France la somme de 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif ne mentionne pas l'ensemble des pièces de la procédure, en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en subordonnant l'existence d'une obligation, pour Pôle Emploi, de le reclasser à la condition qu'il ait contesté son inaptitude à toute fonction ;

- Pôle Emploi s'est mépris sur la portée du certificat médical du 3 novembre 2011 qui ne l'a pas déclaré définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions ;

- il n'était pas tenu de présenter une demande expresse de reclassement ;

- les courriers des 14 décembre 2011 et 28 février 2012 par lesquels, induit en erreur sur la portée du certificat médical, il a pris acte de la décision de Pôle Emploi et demandé une notification aux fins de faire valoir ses droits à la retraite, ne dispensait pas Pôle Emploi de son obligation de recherche de reclassement ;

- ne bénéficiant pas d'une pension de retraite à taux plein, il est fondé à demander l'indemnisation du manque à gagner subi du fait de son licenciement illégal, qui a conduit à une minoration de sa pension ;

- il a été privé de 10 trimestres de cotisation entre le 31 août 2007, fin de son congé avec traitement, et le 1er avril 2012, date de son placement à la retraite, soit un manque à gagner de 45 591,12 euros compte tenu de son espérance de vie ;

- il a été privé de rémunération du 31 août 2008 au 1er avril 2012 ;

- qu'un reclassement ait été ou non possible, son préjudice financier ne saurait être inférieur, compte tenu des revenus de remplacement perçus, à 95 193 euros ;

- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être réparés à hauteur de 20 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 novembre 2015, 30 août 2018 et 8 février 2019, Pôle Emploi, représenté par la société Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement n'est pas assorti de précisions suffisantes ;

- le tribunal administratif n'est pas tenu de mentionner toutes les pièces de la procédure ;

- M. A...était inapte à l'exercice de toute fonction comme l'a retenu le certificat médical du 3 novembre 2011 que le requérant n'a pas contesté ;

- l'employeur public n'est pas tenu de proposer un reclassement à l'agent qui a expressément manifesté sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle ;

- M. A...a expressément manifesté cette volonté, d'une part, en quittant la région de son emploi en mai 2009 et en cessant de produire des certificats médicaux pour justifier de son absence à compter de septembre 2009 et, d'autre part, en choisissant de bénéficier d'une pension d'invalidité, puis en faisant valoir ses droits à la retraite le 2 juillet 2011 ;

- en l'absence de toute illégalité fautive, M. A...n'a subi aucun préjudice du fait de son licenciement ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas justifiés ;

- il s'en remet à ses moyens développés en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour M.A...,

- et les observations de Me D...pour Pôle emploi.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., qui a été recruté en qualité d'agent public pour exercer les fonctions de conseiller principal par l'Agence nationale pour l'emploi, devenue Pôle emploi, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, a été placé en congé de maladie, puis en congé de grave maladie pour une durée d'un an pour la période du 31 août 2006 au 30 août 2007. Conformément à l'avis émis par le comité médical départemental, confirmé par le comité médical supérieur, Pôle emploi n'a pas renouvelé ce congé de grave maladie et a, par une décision du

8 octobre 2008, placé M. A...en congé de maladie sans traitement à compter du 31 août 2007, puis l'a licencié pour inaptitude physique le 5 mars 2012. Après avoir été admis à la retraite le

1er avril 2012, M. A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du

3 décembre 2012 et du 14 février 2013 par lesquelles Pôle emploi a rejeté ses demandes de régularisation de sa situation et d'indemnisation, et de condamner Pôle emploi à l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement public. Le Tribunal administratif de Melun a, par un jugement du 16 juillet 2015, condamné Pôle emploi à verser à M. A...une somme de 16 952,08 euros en réparation des préjudices causés par l'absence fautive de régularisation de sa situation entre le 1er septembre 2008 et le 5 mars 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Par un arrêt du 29 novembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il avait, pour partie, rejeté ses demandes. Enfin, par une décision du 25 mai 2018 le Conseil d'Etat, saisi par M.A..., a annulé cet arrêt du 29 novembre 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, relatif aux mentions obligatoires des jugements : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...) ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition ou principe que les jugements doivent mentionner l'ensemble des pièces produites pendant l'instance. Le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier faute de mentionner l'ensemble de ces pièces doit par suite être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable aux agents contractuels régis par les dispositions du décret du

31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi.

4. Il résulte de l'instruction que par un certificat médical établi le 3 novembre 2011, le médecin agréé désigné par Pôle emploi pour se prononcer sur l'aptitude physique de M. A...a conclu que celui-ci ne se trouvait, compte tenu de ses pathologies, " pas apte à la reprise de ses fonctions. Cette inaptitude est définitive. ". Eu-égard aux termes de ce certificat, M. A...est fondé à soutenir qu'il n'était définitivement inapte qu'à l'exercice de ses précédentes fonctions, et non à celui de toute activité professionnelle.

5. Il résulte toutefois également de l'instruction que M. A...a quitté la région parisienne pour s'établir définitivement en Bretagne au cours de l'année 2009 et n'a alors entrepris aucune démarche pour la régularisation de sa situation. Lorsqu'il a été informé par la caisse primaire d'assurance maladie qu'il ne pouvait continuer à percevoir sa pension d'invalidité faute de percevoir des revenus provenant d'une activité professionnelle, il a informé Pôle emploi, le 2 juillet 2011, de son intention de demander à percevoir une pension de retraite servie par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne. Après que le médecin agréé ait rendu son avis, il a fait savoir à Pôle emploi, par un courrier du

14 décembre 2011, qu'il prenait acte de la décision de le considérer comme définitivement inapte à tout emploi et, enfin, par un courrier du 28 février 2012, il a sollicité la notification rapide de son licenciement afin de pouvoir faire liquider sa pension de retraite. L'ensemble de ces démarches, initiées avant que le médecin agréé ait rendu son avis sur son aptitude physique à exercer un emploi, révèlent en l'espèce l'expression non équivoque de la volonté de M. A...de cesser toute activité professionnelle. Dans ces conditions, Pôle emploi n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ne cherchant pas, après l'avis du médecin agréé, à reclasser M. A...avant de prononcer son licenciement. Par suite, M. A...n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de Pôle emploi à l'indemniser des préjudices résultant de son licenciement.

6. Il résulte enfin de l'instruction, que seuls les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral subis par M. A...résultant de l'absence de régularisation de sa situation administrative entre le 1er septembre 2008 et le 5 mars 2012 sont imputables à Pôle emploi. En se bornant à faire état d'une situation de surendettement, dont ni l'existence ni le lien de causalité direct et certain avec cette faute ne sont établis, M. A...n'établit pas que la somme de 2 000 euros mise à la charge de Pôle emploi ne constitue pas une juste réparation de ce préjudice.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué et la condamnation de Pôle emploi à lui verser la somme de

115 193 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci.

Sur les frais de justice :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Pôle Emploi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme que Pôle emploi demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à Pôle emploi.

Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2019.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01854


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award