La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2019 | FRANCE | N°17PA00513

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2019, 17PA00513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 11 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2010 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. D...et, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Par un jugement n° 1106189/9 du 12 février 2014, le Tribunal

administratif de Melun a annulé la décision du ministre du travail du 11 juillet 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 11 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2010 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. D...et, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Par un jugement n° 1106189/9 du 12 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du ministre du travail du 11 juillet 2011.

Par un arrêt n° 14PA01612 du 26 mars 2015, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 1106189/9 du 12 février 2014 du Tribunal administratif de Melun.

Par une décision n° 390386 du 3 février 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M.D..., a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2015 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2014 sous le n° 14PA01612, désormais enregistrée sous le n° 17PA00513, et des mémoires enregistrés les 27 janvier 2015, 23 et 25 février 2015, 30 juin 2017, 6 juillet 2017, 13 juin 2018 et le 11 janvier 2019, la société Brofa - Est, représentée par Me Arandel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106189/9 du 12 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 11 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2010 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. D...et, d'autre part, autorisé ce licenciement ;

2°) de rejeter la demande de M. D...présentée devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage en date du 4 février 2011 auprès du ministre chargé du travail a été communiqué à M. D...qui a pu faire valoir ses observations et c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision ministérielle du 11 juillet 2011 avait méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui n'impose pas au ministre, avant de retirer sa décision implicite de rejet, d'inviter à nouveau le salarié ou l'employeur à présenter ses observations ;

- la décision implicite de rejet du recours hiérarchique n'était pas créatrice de droit au profit de M. D...dans la mesure où elle ne faisait que confirmer la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement ;

- il ne s'est écoulé qu'un mois entre la décision implicite de rejet du recours hiérarchique et son retrait par le ministre sans aucun changement dans les circonstances de fait et de droit ;

- si M. D...remet en cause l'existence de l'accord collectif du 14 janvier 2010 organisant la suppression du travail le samedi matin au secteur Pique, dont il est signataire en qualité de délégué syndical, elle le produit devant la Cour ;

- l'attestation de M.F..., cadre, est dépourvue de portée puisqu'il est actuellement en contentieux avec la société et le Conseil de prud'hommes de Melun l'a débouté de l'ensemble de ses demandes par jugement du 5 novembre 2013 ; l'attestation de Mme G...est également dépourvue de portée puisqu'elle est aussi en contentieux avec la société et ne démontre pas plus que la précédente le harcèlement moral allégué par M. D...;

- la plainte pénale pour harcèlement moral qui aurait été déposée contre M. C...n'est pas établie et les faits invoqués sont prescrits ;

- la société a consulté dès le 6 mai 2010 l'ensemble des sociétés du groupe, ses concurrents et partenaires et neuf propositions personnalisées de reclassement ont été faites par courrier recommandé à M. D...qui n'a donné suite à aucune de ces propositions ; la société avait obligation de proposer à M. D...des postes de qualification inférieure sans avoir à solliciter en amont son autorisation ; elle n'était pas tenue de créer un poste uniquement pour pouvoir reclasser le salarié ; elle a incontestablement satisfait à son obligation de reclassement ;

- contrairement à ce que soutient M.D..., la demande d'autorisation de licenciement n'est pas irrecevable du fait d'une demande postérieure en résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- M. D...ne démontre pas les faits de harcèlement moral ou de discrimination allégués ; la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne du 30 octobre 2012 lui accordant une pension d'invalidité ne reconnaît à aucun moment une origine professionnelle à cette invalidité et elle est intervenue un an et demi après son départ de l'entreprise ; le refus de passage à un horaire de nuit qui lui a été opposé en 2007 était justifié par des raisons professionnelles et ne saurait être assimilé à une brimade ; il ne démontre pas de lien entre le mouvement de grève et la correspondance du 23 avril 2008 qui lui a été adressée avant le déclenchement de ce mouvement ; aucun arrêt de travail n'a été enregistré en mai 2008 ; le courrier du 26 juin 2008 concerne une erreur dans la production dont il a admis la responsabilité et qui n'a donné lieu à aucune sanction ; les allégations concernant une proposition de départ négocié et de pressions pour signer l'accord cadre et maîtrise sont fantaisistes ; le paiement des heures supplémentaires qu'il a sollicité a été effectué en juillet 2009 ; M. D...a multiplié les accusations infondées et les attitudes provocatrices à l'égard de la direction de l'entreprise ; les précédentes procédures de licenciement engagées à son encontre étaient justifiées par des motifs disciplinaires ou économiques ; il n'existe aucun lien entre la procédure de licenciement et les mandats détenus par le salarié, celle-ci n'étant due qu'à son refus de la proposition de modification de son contrat de travail ; le Conseil des prud'hommes a relevé dans son jugement l'absence de toute discrimination ou harcèlement moral ;

- la volonté de l'entreprise alléguée par M. D...d'organiser des ruptures conventionnelles en vue d'échapper à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'est nullement démontrée dès lors que la société Graphic Brochage n'avait pas cette obligation puisqu'aucun des seuils fixés à l'article L. 1233-26 et L. 1233-27 du code du travail n'ont été atteints ;

- aucun motif d'intérêt général ne peut être invoqué pour faire obstacle au licenciement de M. D....

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 et 14 novembre 2014, 13 mars 2018 et le 4 décembre 2018, M. D..., représenté par Me Saada, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société Brofa - Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de qualité à agir de la société BRF Tech dès lors qu'elle n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif, en violation de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la société Brofa - Est ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2015 et le 29 novembre 2018, la ministre du travail conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête en annulant, d'une part, le jugement attaqué et en rejetant, d'autre part, la demande d'annulation présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun.

Par ordonnance du 21 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 janvier 2019.

Un mémoire a été produit le 14 janvier 2019, soit après la clôture de l'instruction, par M. D..., représenté par Me Saada.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000,

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me I...substituant Me Arandel, avocat de la société Brofa-Est et de Me A...H...substituant Me Saada, avocat de M.D....

M. D...et la société Brofa - Est ont produit une note en délibéré respectivement le 25 janvier 2019 et le 29 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... était salarié depuis le 1er août 1992 de la société Graphic Brochage, spécialisée dans l'imprimerie et l'héliogravure, en dernier lieu en qualité de contremaître atelier, membre titulaire du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, délégué syndical et membre du comité de groupe. Il s'est vu proposer, par courrier du 18 mars 2010, une modification de son contrat de travail dans le cadre d'un plan de sauvetage de l'entreprise adopté en 2008, suivi de deux accords d'entreprise signés en 2009 et 2010, modification qu'il a refusée. Par courriers des 23 juin et 12 juillet 2010, la société Graphic Brochage a soumis à M. D...douze offres de reclassement, qu'il a également refusées. Le 21 octobre 2010, la société Graphic Brochage a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. D...pour motif économique. Par décision du 14 décembre 2010, l'inspecteur du travail a opposé un refus à cette demande. Par courrier du 4 février 2011, la société a formé un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail. Par décision du 11 juillet 2011, le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 11 juin 2011, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail, enfin, autorisé le licenciement de M. D...pour motif économique. La société Graphic Brochage, placée en redressement judiciaire à compter du 22 février 2011, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire au profit de la société BRF Tech avec faculté de substitution au profit de la société à constituer dénommée Brofa-Est, dans le cadre d'un plan de cession validé par le Tribunal de commerce de Meaux par jugement du 6 octobre 2011. Cette dernière société relève appel du jugement du 12 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 11 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2010 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. D...et, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête :

2. Il est constant qu'à la suite de l'annulation du licenciement de M. D... par le jugement du Tribunal administratif de Melun du 12 février 2014, la société Brofa-Est, régulièrement représentée devant la Cour par son président, a procédé en tant qu'entreprise cessionnaire de la société Graphic Brochage par jugement précité du Tribunal de commerce de Meaux, à la réintégration de ce salarié dont elle est devenue en cours d'instance le nouvel employeur. Il en résulte que les fins de non-recevoir opposées à la requête par M. D... ne peuvent qu'être écartées.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-547 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article 18 de la même loi : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre, les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ".

4. En se bornant à confirmer le sens de la décision par laquelle l'inspecteur du travail refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié, la décision implicite de rejet du ministre chargé du travail prise sur recours gracieux ou hiérarchique n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits au profit de ce salarié. Il s'ensuit que le ministre a pu retirer la décision implicite de rejet née de son silence sur le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage sans inviter M. D...à présenter préalablement de nouvelles observations. C'est en conséquence à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 pour prononcer l'annulation la décision du 11 juillet 2011 du ministre chargé du travail.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Melun et devant la Cour.

Sur la légalité de la décision attaquée :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret susvisée du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ;(...) ".

7. En vertu des dispositions précitées du décret du 27 juillet 2005, M. K...L..., directeur général du travail, était compétent pour signer la décision attaquée du 11 juillet 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'incompétence doit être écartée.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail : " Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 (...) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ".

9. Il appartient au salarié qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au ministre, saisi d'un recours contre la décision de l'inspecteur du travail relative à une demande d'autorisation de licenciement, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'entreprise de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...aurait soumis au ministre du travail suffisamment d'éléments de nature à constituer des présomptions suffisantes de l'existence du harcèlement qu'il aurait subi de la part de sa direction ; par suite, le ministre du travail n'a pas méconnu le régime de la preuve en matière de harcèlement moral en exigeant du salarié qu'il apporte des présomptions suffisantes relatives à de tels faits.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

12. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

13. Il ressort des pièces du dossier que les difficultés économiques de la société requérante étaient avérées à la date de la décision attaquée. En effet, l'accord d'entreprise du 23 décembre 2008 fait notamment état de résultats d'exploitation négatifs, d'une dégradation de la productivité, de l'injection de fonds par l'actionnaire pour soutenir l'entreprise, d'un passif qui s'élève à 23 millions d'euros et de conditions de marché défavorables à un accroissement du chiffre d'affaires. Au vu de la persistance de ces difficultés, un nouvel accord du 14 janvier 2010 constatant la disparition du planning des produits Télé 2 Semaines et TV Grandes Chaines a entériné la nécessité de supprimer le travail le samedi matin et donc de proposer aux salariés une modification de leur contrat de travail conformément à cet accord. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre du travail a retenu que la modification de son contrat de travail était justifiée par les difficultés économiques de l'entreprise. En outre, il ressort des pièces du dossier que la proposition de modification du contrat de travail a été faite selon les dispositions applicables du code du travail à M. D... et que la société Graphic Brochage, n'a pas, comme le soutient l'intéressé, voulu le contraindre à accepter des modifications de son contrat de travail et le soumettre à un régime de travail illégal.

14. En quatrième lieu, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier que, comme le soutient M. D..., la société Brofa-Est aurait délibérément organisé des ruptures conventionnelles en vue d'échapper à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Graphic Brochage justifie avoir soumis à M.D..., par courrier en date du 23 juin 2010, neuf offres de reclassement, dont trois postes en son sein et six postes au sein de l'Imprimerie Didier Mary et de la société BHR appartenant au groupe Circle Printers France, et, par courrier en date du 12 juillet 2010, trois nouvelles offres au sein de l'Imprimerie Didier Mary. Si seuls deux des postes proposés, celui de contremaître coordinateur et celui de contremaître de production au sein de la société Graphic Brochage, correspondaient au niveau de qualification et de rémunération de M. D... et lui permettaient l'exercice de ses mandats de représentant des cadres, la société Graphic Brochage établit avoir effectué des recherches tant au sein de l'entreprise que des autres entités du groupe en situation d'accueillir des salariés, dans un contexte de difficultés économiques avérées. Si M. D...soutient qu'un poste de chef d'atelier aurait dû lui être proposé dans le cadre de ces offres de reclassement, il ressort des pièces du dossier que ce poste, qui a été pourvu dans le cadre d'un reclassement au sein du groupe et non d'un recrutement extérieur, ne correspondait pas à ses compétences professionnelles. Il en résulte que les efforts de reclassement de la société Graphic Brochage en faveur de M. D...peuvent être regardés, ainsi que l'a estimé le ministre du travail dans la décision du 11 juillet 2011, comme suffisamment sincères et complets.

16. En sixième lieu, s'il est constant que le climat social au sein de l'entreprise était assez tendu en raison notamment des difficultés économiques rencontrées par celle-ci et par le groupe auquel elle appartient, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le licenciement de M. D... ait eu pour cause réelle un motif autre que celui invoqué par l'employeur, alors que, comme il vient d'être dit, son licenciement était justifié par les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, par le refus de M. D...de la proposition de modification de son contrat de travail et par son refus des offres de reclassement qui lui avaient été faites. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que son licenciement par la société Graphic Brochage avait un lien avec ses mandats représentatifs et qu'il aurait fait l'objet d'une discrimination.

17. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un motif d'intérêt général faisant obstacle au licenciement de M.D....

18. En dernier lieu, si M. D...soutient que le ministre du travail aurait entaché sa décision d'un détournement de pouvoir, en ne précisant pas en quoi consisterait celui-ci, il n'assortit ainsi pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

19. Il résulte de ce qui précède que la société Brofa - Est est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 11 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, retiré la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par la société Graphic Brochage contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2010 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. D...et, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Brofa - Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...la somme que demande la société Brofa - Est sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1106189/9 du 12 février 2014 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Brofa - Est est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Brofa - Est, à la ministre du travail, à M. E... D...et à M. J... B..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Brofa - Est.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17PA00513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00513
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : L'ATELIER DES DROITS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-31;17pa00513 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award