Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Académie française a demandé à la Cour administrative d'appel de Paris d'annuler le jugement n° 0502466 du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur de cabinet du Secrétaire perpétuel de l'Académie française du
16 septembre 2002 prononçant le licenciement pour motif économique de M. C...D....
Par un arrêt n° 07PA02480 du 18 mars 2009, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'Académie française.
L'Institut de France a formé tierce opposition contre cet arrêt.
Par un arrêt n° 12PA00768 du 18 février 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'Institut de France.
Procédure devant la Cour :
Par une lettre, enregistrée le 18 avril 2017, M.D..., représenté par MeF..., a saisi le président de la juridiction, en application des dispositions des articles L. 911-4 et
R. 921-1 du code de justice administrative, d'une demande d'exécution de l'arrêt n° 07PA02480 confirmé par l'arrêt n° 12PA00768.
Il demande précisément à la Cour :
1°) d'enjoindre à l'Académie française, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de procéder à sa réintégration juridique à compter du 16 novembre 2002, à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son licenciement ou dans un emploi de grade et de niveau équivalent.
2°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'annulation d'une décision de licencient d'un agent public implique nécessairement la réintégration juridique rétroactive de l'agent, la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, et la réintégration effective de l'intéressé dans ses fonctions ou dans un emploi équivalent ;
- suite à l'annulation de la décision de licenciement dont M. D...a fait l'objet le
16 novembre 2002, l'Académie française n'a pris aucune mesure pour reconstituer la carrière de l'intéressé ;
- l'Académie française n'a pas pris les mesures d'exécution qu'impliquent nécessairement l'annulation du licenciement de M. D...par l'arrêt de la Cour.
Par des mémoires enregistrés les 31 mai, 6 octobre 2017 et 23 mars 2018, l'Académie française, représentée par la SCP B...et Molinié, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête en exécution de M. D...ne peut qu'être rejetée comme mal dirigée, seul l'Institut de France étant compétent pour prendre les mesures d'exécution de l'arrêt du
18 mars 2009 ;
- en tout état de cause, si M. D...a le droit d'être réintégré juridiquement dans ses fonctions à la date de prise d'effet de son licenciement, cette réintégration juridique n'implique pas nécessairement une réintégration effective, dans la mesure où l'autorité administrative peut, une fois l'intéressé juridiquement réintégré, mettre de nouveau fin à ses fonctions pour l'avenir ; de la même manière s'il a droit à la reconstitution de ses droits à sociaux, il n'a en revanche pas droit à une reconstitution de " carrière " du fait de sa qualité d'agent contractuel et parce que son contrat ne contient aucune clause relative à une éventuelle évolution de ses fonctions ou de ses conditions de rémunération ;
- à la date à laquelle l'arrêt de la Cour a été rendu, les articles 35 et 36 de la loi du n°2006-450 du 18 avril 2016 dotant l'Académie française de la personnalité morale et de l'autonomie administrative et financière, étaient déjà entrés en vigueur ; c'est donc en connaissance de cause que la cour administrative d'appel de Paris a affirmé que l'Institut de France était chargé de l'exécution de l'arrêt du 18 mars 2009.
Par des mémoires enregistrés les 1er août 2017 et 14 mars 2018, l'Institut de France, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la réintégration de M. D...doit être envisagée au regard des règles en vigueur à la date à laquelle cette réintégration pouvait intervenir, c'est-à-dire à la suite de l'annulation contentieuse de son licenciement ;
- seule l'Académie française qui depuis la loi du 18 avril 2006, a la qualité de personne morale de droit public à statut particulier disposant par conséquent d'une personnalité juridique distincte de l'Institut de France, est compétente pour assurer l'exécution de l'arrêt du 18 mars 2009 et se prononcer sur la demande de réintégration de M.D... ;
- l'Institut ne dispose plus de la compétence pour recruter des agents exerçant au sein de l'Académie française ;
- en tout état de cause, M. D...n'ayant dirigé sa demande que contre la seule Académie française, l'Institut ne peut qu'être mis hors de cause.
Par des mémoires enregistrés les 29 août 2017 et 21 février 2018, M. D...informe la Cour que l'arrêt du 18 mars 2009 n'a toujours pas été exécuté, persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que l'acquisition par l'Académie française de la personnalité morale a entraîné le transfert des contrats de travail des agents recrutés par l'Institut de France et travaillant au sein de l'Académie française à cette Académie.
Elle conclut, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à l'Institut de France de procéder à sa réintégration et à sa reconstitution de carrière.
Par une ordonnance n° 18PA01194 en date du 9 avril 2018 le président de la Cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt susmentionné du 18 mars 2009.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2018, l'Institut de France, représenté par MeE..., conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2018, l'Académie française, représentée par la SCP B...et Molinié, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- les lettres patentes pour l'établissement de l'Académie française de janvier 1635, enregistrées au Parlement de Paris le 10 juillet 1637 ;
- les statuts et règlements de l'Académie française en date du 22 février 1635 ;
- les règlements pour l'Académie française donnés par le Roi à Marly le 30 mai 1752 ;
- la loi du 3 brumaire an IV ;
- l'ordonnance royale du 21 mars 1816 concernant la nouvelle organisation de l'Institut ;
- les statuts de l'Académie française délibérés dans sa séance extraordinaire du
21 juin 1816, approuvés par ordonnance royale du 10 juillet 1816 ;
- la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche ;
- le décret du 11 juillet 1922 approuvant le règlement général de l'Institut de France, modifié par le décret n° 53-1133 du 16 novembre 1953 ;
- le règlement sur la comptabilité des fondations et l'administration financière de l'Institut de France, approuvé par arrêté du 4 août 1924 modifié par arrêté du 16 novembre
1953 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de Me F...représentant M.D..., de Me A...représentant l'Institut de France et de MeB..., représentant l'Académie française.
1. Considérant que M.D..., recruté comme chauffeur par l'Académie française par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 septembre 1993 signé pour le secrétaire perpétuel, par son chef de cabinet, a été licencié suite à la suppression de son poste par une décision du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel du 16 septembre 2002 ; que cette décision a été annulée par jugement du tribunal administratif de Paris du 30 mai 2007 au motif que si ledit directeur justifiait d'une délégation de cette autorité, il ne justifiait pas pour autant de sa compétence en matière de gestion du personnel, laquelle relève de l'Institut de France ; que, par un arrêt du 18 mars 2009, la cour administrative de Paris a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation de ce jugement aux motifs que, l'appelante n'ayant pu justifier d'aucun texte lui conférant un statut autonome de personne publique ayant compétence en matière de personnel, ni d'une délégation de l'Institut de France, établissement public administratif chargé de la gestion commune des Académies, l'employeur de l'intéressé ne pouvait être que l'Institut, que le contrat liant l'Académie française à M. D...était donc entaché d'incompétence et que l'Académie n'établissait pas qu'aucun emploi de chauffeur ou emploi de niveau équivalent, voire, à défaut d'un tel emploi, aucun autre emploi, ne pouvait à l'époque être proposé à M. D...par l'Institut de France ; que, par un arrêt du 18 février 2013, la Cour a rejeté, après l'avoir jugée recevable, la tierce opposition formée par l'Institut de France contre cet arrêt ; que M.D..., qui soutient que l'Académie française ne s'est pas acquittée de l'ensemble de ses obligations à la suite de ce dernier arrêt, demande à la Cour de prononcer les mesures rendues nécessaires à sa bonne exécution ; que le président de la Cour a procédé, par ordonnance du 9 avril 2018, à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application des dispositions de l'article R. 921-6 du code de justice administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative :
" En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que, si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée ; que, le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée ; qu'en particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article
L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être ;
5. Considérant qu'il résulte nécessairement des deux arrêts précités de la Cour administrative d'appel de Paris que l'employeur de l'intéressé a toujours été, en réalité, l'Institut de France dès lors que l'Académie française ne disposait pas au moment des faits, ainsi qu'il a été dit, d'une gestion autonome ;
6. Considérant que l'annulation de la décision du 16 septembre 2002 prononçant le licenciement de M. D...pour irrégularité implique nécessairement une régularisation de sa situation juridique dont il appartient à l'Institut de France de déterminer les modalités, dans la limite des droits résultant du contrat initial ; qu'il y a lieu, par suite, de le lui enjoindre, y compris en ce qui concerne les droits sociaux de l'intéressé, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin pour autant d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Institut de France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint à l'Institut de France de procéder à la régularisation de la situation juridique de M. D...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : L'Institut de France versera à M. D...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et à l'Institut de France.
Copie en sera adressée à l'Académie française.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 octobre 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 18PA01194