Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...C...a demandé au Tribunal administratif de B...d'annuler l'arrêté du 27 août 2015 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoqué de ses fonctions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1518602/5-1 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de B...a rejeté la demande de M. E...A...C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, M. E... A...C..., représenté par Me D...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2015 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoqué ;
2°) d'enjoindre à la préfecture de police de produire l'original du procès verbal du
9 juin 2008 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et aux entiers dépens.
Il soutient que l'arrêté attaqué :
- le jugement attaqué est irrégulier dans la mesure où le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- a été pris par une autorité incompétente ;
- est entaché d'un défaut de motivation ;
- a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que les pièces de son dossier n'étaient pas numérotées, qu'il n'a pas eu droit à une copie de son dossier, que son avocat n'a pas eu accès au dossier, que la demande de renvoi de l'audition devant le conseil de discipline présentée par son avocat n'a pas été admise, que le conseil de discipline n'a pas auditionné les témoins qu'il souhaitait présenter en violation des droits de la défense, que la tenue du conseil de discipline n'a pas été précédée d'un rappel des conditions exactes d'accès à son dossier, que la sanction a été prononcée sans attendre l'issue de l'instance pénale ouverte pour les mêmes faits, que la sanction a été prononcée plus d'un mois après la séance du conseil de discipline et que l'intéressé n'a pas été noté durant les trois à cinq années précédant la sanction ;
- repose sur des faits matériellement inexacts ;
- est disproportionné ;
- est constitutif d'un détournement de pouvoir eu égard à la discrimination et au harcèlement moral dont il a fait l'objet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., entré dans les cadres de la police nationale le 1er septembre 2000, titularisé gardien de la paix le 1er septembre 2002 et promu au grade de brigadier le 1er août 2007, a été muté le 27 juin 2007 dans l'intérêt du service de la direction de la sûreté du territoire à la préfecture de police. Le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme le 5 juillet 2013, puis un second blâme le 24 juin 2014. Par un arrêté du 27 août 2015, il l'a révoqué de ses fonctions. M. A...C...relève appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de B...a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été produit en première instance et que le jugement dont il relève appel était au nombre des pièces figurant dans le dossier de première instance. Par conséquent, ces pièces n'avaient pas à être reproduites en appel, sous peine d'irrecevabilité.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en liminaire de sa requête d'appel,
M. A...C...s'est plaint de ce que le jugement attaqué avait été pris sans qu'il ait été tenu compte de ses écritures et qu'au surplus, les droits de la défense et le principe du contradictoire avaient été méconnus en première instance dans la mesure où l'instruction avait été réouverte afin de permettre la communication du mémoire en défense du ministre. Dès lors, la requête de M. A...C..., qui critique la régularité du jugement dont elle relève appel, ne constitue pas la reproduction intégrale de la demande de première instance. Par suite, elle est recevable.
4. Il résulte de ce qui précède que les deux fins de non recevoir soulevées par le ministre de l'intérieur ne peuvent qu'être écartées.
Sur la régularité du jugement :
5. Dans la mesure où le juge dispose de la faculté de réouvrir l'instruction s'il estime nécessaire de produire un mémoire arrivé tardivement, les premiers juges ont pu réouvrir l'instruction, dont la clôture était initialement fixée au 18 janvier 2016, afin de communiquer le mémoire en défense de l'administration produit, quant à lui, le 5 février suivant. Par suite, le principe du contradictoire ayant été respecté, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ce motif, irrégulier doit être écarté.
Sur le fond :
6. En premier lieu, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel, les moyens exposés en première instance par M. A...C..., tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de son défaut de motivation et de ce qu'il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où les pièces de son dossier n'étaient pas numérotées, où il n'a pas eu droit à une copie de son dossier, où son avocat n'a pas eu accès au dossier, où la demande de renvoi de l'audition devant le conseil de discipline présentée par son avocat n'a pas été admise, où le conseil de discipline n'a pas auditionné les témoins qu'il souhaitait présenter en violation des droits de la défense, où la tenue du conseil de discipline n'a pas été précédée d'un rappel des conditions exactes d'accès à son dossier, où la sanction a été prononcée sans attendre l'issue de l'instance pénale ouverte pour les mêmes faits, où la sanction a été prononcée plus d'un mois après la séance du conseil de discipline et où l'intéressé n'a pas été noté durant les trois à cinq années précédant la sanction peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En deuxième lieu, M. A...C...a été sanctionné pour avoir surveillé et procédé à l'interpellation de deux individus en dehors de tout cadre légal, pour avoir expulsé, sans autorisation, l'ex-concubin d'une de ses amies et, enfin, pour avoir créé un établissement de restauration rapide.
8. D'une part, il ressort de plusieurs rapports d'officier de police précis et concordants datés des 28 et 29 août 2012, ainsi que du compte rendu d'une enquête administrative établi le
20 décembre 2012 à l'issue de laquelle une proposition de renvoi devant le conseil de discipline a été faite, que M. A...C...a effectivement mis en place un dispositif de surveillance de deux individus qu'il a ensuite interpellés sans autorisation du parquet. Il apparaît également à la lecture de ces rapports que l'intéressé, invité à rendre compte de ces agissements, a transmis au parquet un compte rendu contenant des informations erronées qu'il a refusé de corriger lors d'un entretien durant lequel il s'est emporté manquant de respect envers sa hiérarchie.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un rapport établi par un capitaine de police le 7 juin 2013 que M. A...C...a abusé, les 29 et 30 novembre 2012, en dehors de tout cadre légal, de sa qualité d'officier de police judiciaire pour procéder à l'expulsion de l'ex-concubin de l'une de ses amies ayant même, à cette occasion, appelé en renfort les policiers du commissariat de Montrouge. Lors de la garde à vue tenue le 22 avril 2013, l'intéressé a d'ailleurs reconnu ces faits, bien que refusant de signer les actes de procédure.
10. Enfin, il ressort d'un extrait du site Société.com qu'en 2010, M. A...C...a créé un établissement de restauration rapide à Aubervilliers, en méconnaissance de la réglementation sur le cumul d'activités.
11. Pour contester la matérialité de ces faits, M. A...C...se borne à mettre en avant les notations élogieuses qui lui ont été attribuées entre les années 2002 et 2008 alors qu'il travaillait à la direction de la surveillance du territoire. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à remettre en cause la réalité des faits qui lui sont reprochés.
12. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant été sanctionné constituent des fautes de nature à justifier une telle mesure et si la sanction retenue est disproportionnée à la gravité des fautes. Compte tenu de la gravité des circonstances de l'espèce relatées aux points 8 à 10 ci-dessus et du fait que l'intéressé, par les actes qui lui sont reprochés, a notamment porté atteinte à la considération de la police, alors par ailleurs que M. A...C...a fait l'objet dès 2012 de plusieurs blâmes, de suspensions de fonction avec réduction de traitement et, enfin, le 14 février 2013 d'un retrait par le procureur de la République de son habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire, les faits reprochés justifient le prononcé d'une sanction de révocation, laquelle, n'est en l'espèce pas disproportionnée.
13. En quatrième lieu, le retrait de la qualité d'officier de police judiciaire pris le
14 février 2013 et la sanction de révocation sont deux sanctions présentant des objectifs différents et
indépendantes l'une de l'autre. Par suite, M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que le retrait de sa qualité d'officier de police judiciaire faisait obstacle au prononcé d'une révocation et qu'ainsi le principe " non bis in idem " aurait été méconnu.
14. En cinquième et dernier lieu, les éléments avancés par M. A...C...ne permettent pas de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ou de discrimination à son égard.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions tendant à l'audition de témoins, que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de B...a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 27 août 2015 le révoquant. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
L. D'ARGENLIEU Le président,
B. EVEN Le greffier,
S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02205