Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Rottapharm a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.
La société par actions simplifiée Rottapharm a également demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt, de cotisation minimale de taxe professionnelle, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes, ainsi que la restauration intégrale des déficits qui ont été annulés du fait des rehaussements notifiés au titre des exercices 2003 à 2008.
Par une ordonnance du 30 mars 2015, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 342-3 du code de justice administrative, a transmis au Tribunal administratif de Paris la demande enregistrée au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1401823/2-2 et n° 1505950/2-2 du 29 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2015 et 4 juillet 2016, la société Rottapharm, représentée par Me Brosemer, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de rétablir intégralement les déficits reportables qui ont été annulés du fait des rehaussements notifiés au titre des exercices 2003 à 2008 ;
4°) subsidiairement, pour le cas où la Cour ne ferait pas droit aux demandes formées à titre principal, de prononcer un dégrèvement d'un montant total de 2 404 112 euros au titre de l'exercice 2009 ;
5°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Cour administrative d'appel de Paris ayant, par son arrêt n° 15PA00444 du 17 novembre 2015, rétabli à 2 404 112 euros le déficit de l'exercice clos en 2002, elle dispose désormais d'un déficit de même montant imputable sur le redressement en bases de 3 758 578 euros notifié au titre de l'exercice 2009, premier exercice vérifié non prescrit ; le redressement qui lui a été notifié au titre de cet exercice doit donc en tout état de cause être réduit à concurrence de cette somme ;
- l'administration a renversé la charge de la preuve en exigeant qu'elle prouve le caractère normal des redevances de location-gérance versées à la société Laboratoires Madaus ;
- les comparables internes retenus par le service ne sont pas pertinents ;
- le montant des redevances équivaut à environ 10 % du chiffre d'affaires réalisé en 2007 par la société Laboratoires Madaus ;
- dans l'industrie pharmaceutique les redevances de location-gérance comportent une part variable généralement fixée entre 3 % et 10 % du chiffre d'affaires ;
- le montant de la redevance de location-gérance ne saurait être limité au montant des dépenses supportées par le bailleur ;
- s'agissant des transferts de bénéfices à l'étranger, l'administration supporte la charge de démontrer l'existence et le montant des avantages consentis aux sociétés situées à l'étranger ;
- des pertes récurrentes ne caractérisent en elles-mêmes ni un avantage, ni une majoration de prix d'achats au sens de l'article 57 du code général des impôts ;
- la théorie de l'entrepreneur principal n'a pas de fondement légal ;
- les pertes qu'elle a subies ne sont pas dues à une insuffisance de rémunération mais à des facteurs divers ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'expose pas les motifs pour lesquels la méthode du prix de revente qu'elle a appliquée ne serait pas pertinente ;
- les recommandations de l'OCDE n'ont aucune valeur normative ;
- en tout état de cause, s'agissant des distributeurs, l'OCDE recommande d'utiliser des méthodes fondées sur les transactions, telle que la méthode du prix de revente, qu'elle a appliquée ;
- que la substitution de la méthode transactionnelle de la marge nette à la méthode du prix de revente ne repose sur aucun argument sérieux ;
- l'application de la méthode transactionnelle de la marge nette nécessite un degré élevé de similitude entre la société vérifiée et les comparables retenus, ce qui n'est pas le cas ici ;
- la valeur ajoutée ayant servi de base de calcul à la cotisation minimale de taxe professionnelle doit être déterminée sur la base des chiffres figurant dans sa comptabilité ; la remise en cause, par l'administration, de la déductibilité fiscale de certaines dépenses entrant dans la base de calcul de la valeur ajoutée ne saurait avoir d'incidence sur cette valeur.
Par des mémoires, enregistrés le 13 novembre 2015 et le 15 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant des redevances de location-gérance, le redressement est justifié dès lors que le service a retenu des termes de comparaison pertinents - le contrat de location-gérance ne portant en réalité que sur les éléments incorporels du fonds - et que la société Rottapharm n'a elle-même fourni aucun comparable de sociétés indépendantes ;
- le service était fondé à comparer le taux qu'acceptait de payer la société Rottapharm à la société Rottapharm Spa pour l'utilisation de la marque Extranase sur le sol français ;
- la société Rottapharm a admis que la mise à disposition de l'autorisation de mise sur le marché de l'Osaflexan par Rottapharm Ltd, via un contrat de distribution, lui a permis de se constituer un fonds de commerce en France ;
- les autres éléments dont fait état la société Rottapharm pour justifier le taux de 10 %, importance du résultat réalisé en 2007 par la société Laboratoires Madaus et étude relative aux taux pratiqués dans l'industrie pharmaceutique, ne sont pas probants ;
- s'agissant des transferts de bénéfices à l'étranger, la société Rottapharm a reconnu que la méthode qu'elle utilisait était insuffisante pour lui assurer une rémunération permettant de couvrir ses coûts et n'a pas justifié que les difficultés générales sur le marché du médicament l'affecteraient davantage que les sociétés comparables ou qu'elle aurait rencontré des difficultés pour certains produits comme l'Extranase, le Dermestril ou le Ceris ;
- les déficits récurrents de la société Rottapharm constituaient un indice sérieux de transfert de bénéfices à l'étranger dès lors que les sociétés étrangères auprès desquelles elle s'approvisionnait étaient elles-mêmes bénéficiaires et que le groupe était globalement bénéficiaire ;
- la société Rottapharm était libre de sélectionner les produits qu'elle souhaitait distribuer sur le marché français ;
- la rentabilité négative du produit Saugella est inexpliquée ;
- les ventes du produit Extranase ont repris malgré le déremboursement ;
- les pertes ou profits résultant de la commercialisation des produits devaient être supportés par les sociétés de production, en leur qualité d'entrepreneur principal ;
- la méthode de la marge brute ne permettait pas de tenir compte des charges supportées par la société en tant que distributeur pour mener à bien son activité ;
- la société ne peut contester les comparables retenus par le service, qui sont ceux-là même qu'elle avait choisis pour sa propre méthode ; il n'est pas justifié que ces comparables ne seraient pas valables pour l'application de la méthode transactionnelle de la marge nette ;
- s'agissant de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le service était en droit d'exclure des consommations prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, les charges réintégrées dans les résultats au titre des redevances de location-gérance et des prix de transfert ;
- l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 15PA00444 du 17 novembre 2015 rétablissant à 2 404 112 euros le déficit de l'exercice clos en 2002 de la société Rottapharm est sans incidence sur l'assiette des redressements notifiés à la société au titre de l'exercice 2009.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- les observations de Me Brosemer, avocat de la société Rottapharm.
1. Considérant que la société Rottapharm, qui exerce sur le marché français une activité de distribution, en tant qu'acheteur-revendeur, de médicaments et de produits parapharmaceutiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et en 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le service a réduit le montant du déficit reportable dont la société disposait à la clôture de l'exercice 2009, premier exercice vérifié non prescrit, au motif qu'elle n'avait pas pris en compte, pour la détermination du solde de déficits reportables, les conséquences qui lui avaient été notifiées d'une vérification de comptabilité antérieure, portant sur les exercices 2001 et 2002 ; que, par ailleurs, le service vérificateur a jugé excessif le montant des redevances de location-gérance versées par la société Rottapharm à la société Laboratoires Madaus, ainsi que les prix auxquels la société Rottapharm achetait ses produits aux autres sociétés du groupe auquel elle appartenait, lesquelles étaient établies hors de France ; qu'il a réintégré dans les résultats des exercices 2009 et 2010 la fraction jugée excessive des redevances de location-gérance et celle, assimilée à un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, des prix payés aux fournisseurs étrangers ; que l'administration a en conséquence mis à la charge de la société Rottapharm des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt et de contribution sociale au titre des années 2009 et 2010 et, pour les mêmes motifs, a annulé les déficits antérieurs dont la société disposait à la clôture de l'exercice 2009 ; que, par ailleurs, les sommes regardées comme indirectement transférées à l'étranger ont été assimilées à des revenus distribués aux fournisseurs étrangers et ont donné lieu à l'application de la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au titre des années 2009 et 2010 ; que ces rectifications ayant également une incidence sur la valeur ajoutée produite par l'entreprise, l'administration a mis à sa charge des redressements en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, respectivement au titre des années 2009 et 2010 ; que la société Rottapharm a contesté l'ensemble de ces impositions supplémentaires devant le juge de l'impôt et demandé le rétablissement de ses déficits antérieurs ; qu'elle relève appel du jugement en date du 29 juin 2015, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ;
Sur les redevances de location-gérance :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Rottapharm a déduit, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et pour des montants respectifs de 867 344 euros, 888 790 euros et 893 840 euros, les charges correspondant aux redevances versées aux Laboratoires Madaus aux termes d'un contrat de location-gérance conclu entre les deux sociétés le 26 décembre 2007 et prévoyant le paiement d'une redevance égale à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Rottapharm sur les produits vendus auparavant par la société Laboratoires Madaus ; que l'administration a estimé que ce taux de rémunération ne pouvait excéder 1 % et a réintégré les sommes de 686 949 euros, 799 911 euros et 804 456 euros dans les résultats des années 2008, 2009 et 2010 de la société Rottapharm ;
4. Considérant que l'administration ne remet pas en cause la réalité de la prestation fournie par la société Laboratoires Madaus, c'est-à-dire la mise à disposition d'un fonds de commerce, mais le caractère excessif de la rémunération versée en contrepartie de cette prestation ; qu'elle supporte par suite la charge de la preuve en vertu des dispositions et principes rappelés au point 2 ; que, pour établir le caractère excessif des redevances de location-gérance payées par la société Rottapharm, l'administration fait valoir que cette société payait une redevance de marque de 2 % à la société italienne Rottapharm Spa pour le produit Dermestril et qu'elle ne payait aucune redevance pour le contrat de distribution en France du médicament Osaflexan, passé avec la société irlandaise Rottapharm Ltd ; que ces deux termes de comparaison seraient pertinents, selon l'administration, dès lors que le contrat de location-gérance du 26 décembre 2007 ne portait en réalité que sur les éléments incorporels du fonds, c'est-à-dire les marques et les autorisations de mise sur le marché, à l'exclusion des éléments corporels du fonds, matériel commercial et stocks, qui ont été cédés distinctement à la société Rottapharm ; que, cependant, celle-ci soutient que si les sociétés Rottapharm Spa et Rottapharm Ltd détenaient respectivement la marque et l'autorisation de mise sur le marché français des médicaments Dermestril et Osaflexan, ces sociétés n'ont jamais exploité ces produits en France, en sorte que les contrats qu'elles ont passé avec la société Rottapharm ont seulement permis à celle-ci d'acquérir le droit d'exploiter en France ces produits, contrairement au contrat de location-gérance du 26 décembre 2007, auquel était attaché la clientèle précédemment acquise par la société Laboratoires Madaus pour les six produits visés dans le contrat ; qu'aucune des pièces du dossier ne permet de contredire cette affirmation, qui est corroborée par la proposition de rectification du 27 juin 2012, laquelle fait apparaître qu'à compter de l'année 2008, suivant la conclusion du contrat de location-gérance, le chiffre d'affaires de la société Rottapharm a plus que doublé ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que les deux termes de comparaison retenus par le service ne sont pas significatifs, ce qui a pour conséquence que l'administration n'apporte pas la preuve du caractère excessif des redevances à l'origine du litige ; qu'il y a lieu en conséquence d'accorder à la société Rottapharm la décharge des impositions qu'elle demande et le rétablissement du déficit annulé au titre de l'exercice clos en 2009 ;
Sur le transfert de bénéfices à l'étranger :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise étrangère à une entreprise établie en France qui lui est liée, sont supérieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en achetant des biens à un prix excessif, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ;
6. Considérant que la société Rottapharm s'approvisionnait auprès de quatre sociétés établies à l'étranger, appartenant au même groupe qu'elle ; que, pour tenter d'établir que les prix facturés par ces quatre sociétés étaient supérieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, ou révélaient l'existence d'un écart injustifié avec la valeur vénale des produits cédés, l'administration a appliqué à un échantillon de 17 entreprises réputées comparables à la société Rottapharm la méthode transactionnelle de la marge nette, recommandée par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui consiste à déterminer, à partir d'une référence appropriée comme les coûts, les ventes ou les actifs, le bénéfice net que réalise un contribuable au titre d'une transaction contrôlée ; que cette étude a fait apparaître que la médiane des taux de marge nette (résultat d'exploitation / chiffre d'affaires) de ces 17 entreprises sur la période 2003 à 2010 variait entre 2 % et 18,5 % pour une moyenne de 11,47 %, tandis que sur la même période la marge nette moyenne de la société Rottapharm était de - 6,99 % ; que pour les deux années vérifiées 2009 et 2010, la marge nette moyenne des 17 entreprises du panel était respectivement de 18,55 % et 4,61 % tandis que celle de la société Rottapharm était de 2,40 % et - 1,42 % ;
7. Considérant, toutefois, qu'antérieurement au contrôle, pour déterminer ses prix de transfert, la société Rottapharm a appliqué la méthode, également préconisée par l'OCDE, dite du prix de revente, consistant à retenir le prix de vente final et à déduire de ce prix une marge bénéficiaire appropriée ; qu'elle a retenu pour ce faire un échantillon de 17 entreprises, qui sont celles-là mêmes que l'administration a ultérieurement retenues pour appliquer sa propre méthode de la marge nette ; que la méthode du prix de revente utilisée par la société requérante a fait apparaître que son taux moyen de marge brute, soit le prix de revente moins le prix d'achat, était de 52 %, soit un taux supérieur au taux médian de 46 % du panel mais figurant dans le quartile supérieur, c'est-à-dire le quartile de 25 % des résultats au-dessus de la médiane, que l'administration considère comme acceptable et se situant dans " l'intervalle de pleine concurrence " ; que le service vérificateur a relevé dans la proposition de rectification du 27 juin 2012 que la marge brute octroyée par les quatre sociétés approvisionnant la société Rottapharm apparaissait avoir un caractère de normalité mais que la méthode de la marge nette, qui prend en compte les résultats d'exploitation, contrairement à celle du prix de revente, qui ne tient compte que des marges bénéficiaires, devait néanmoins être substituée à cette dernière ; que, cependant, l'administration n'explicite pas en quoi la méthode transactionnelle de la marge nette, appliquée exactement au même panel d'entreprises, serait en l'espèce mieux appropriée que celle du prix de revente pour démontrer le caractère excessif des prix facturés par les fournisseurs de la société Rottapharm, alors que des résultats déficitaires ne sont pas nécessairement liés à des approvisionnements réalisés à un prix trop élevé et peuvent s'expliquer par des facteurs conjoncturels ou structurels, tels que la situation du marché, la position concurrentielle de l'entreprise, l'efficacité de sa gestion ou la structure variable de ses coûts ; que la société Rottapharm soutient à cet égard que ses mauvais résultats sont imputables à des coûts fixes importants, un positionnement concurrentiel la privant d'une grande latitude et une série de contre-performances commerciales sur ses produits ; que l'administration ne conteste sérieusement pas la réalité de ces éléments qu'elle a d'ailleurs elle-même relevés dans la proposition de rectification, en mentionnant que " la société supporte outre ses achats de marchandises (inclues dans le calcul de la marge brute) des charges liées à la politique de commercialisation (force de vente, promotion, charge de location-gérance sur la période 2008-2010) qui viennent altérer son résultat d'exploitation " ; que, par ailleurs, certains des éléments dont fait état la société requérante, tels que la chute des ventes du produit Dermestril sur la période 2003 à 2010, ou l'impossibilité de commercialiser en France le produit Dona, qui l'aurait privée d'une part importante de chiffre d'affaires, sont avérés ou apparaissent vraisemblables, en l'absence de toute critique du service sur ce point ; que, dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas pris en compte ces spécificités, ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'avantages consentis par la SAS Rottapharm aux autres sociétés du groupe, constitutifs d'un transfert de bénéfices au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que l'administration ne pouvait, comme elle l'a fait, réintégrer la fraction jugée excessive des prix réglés aux fournisseurs dans les résultats de la société Rottapharm, annuler consécutivement les déficits qu'elle avait constatés et assimiler la fraction excessive des prix à un revenu distribué au profit des autres sociétés du groupe, devant donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts ;
Sur les déficits reportables :
8. Considérant que, pour déterminer l'assiette des impositions dues par la société Rottapharm au titre des deux exercices vérifiés non prescrits 2009 et 2010 l'administration a recalculé les résultats de la société des exercices prescrits des années 2003 à 2008, pour lesquels la société avait déclaré des déficits, en évaluant le manque de rémunération de la société selon la méthode transactionnelle de la marge nette, jugée plus appropriée, ainsi qu'il a été dit ; que le service a en conséquence procédé à des rehaussements, pour chacune des années 2003 à 2010, qui ont eu pour effet d'annuler les déficits comptabilisés par la société ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier d'un tableau figurant dans le mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2016, dont les indications ne sont pas contestées par la requérante, que si l'administration n'avait procédé à aucun rehaussement au titre des années 2003 à 2010 et en tenant compte du rétablissement, prononcé par la Cour dans son arrêt n° 15PA00444 du 17 novembre 2015, à 2 404 112 euros du déficit de l'exercice clos en 2002 de la société Rottapharm, le déficit reportable dont celle-ci aurait disposé à la clôture de l'exercice 2010 se serait élevé à 9 648 026 euros ; qu'il y a lieu en conséquence de fixer à ce montant le déficit de l'exercice clos en 2010 de la société Rottapharm ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Rottapharm est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, et d'accorder à la société Rottapharm la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt, de contribution sociale et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, des cotisations de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 2009 et 2010 et des pénalités dont ces impositions supplémentaires ont été assorties ; qu'il y a lieu de fixer à 9 648 026 euros le déficit de l'exercice clos en 2010 de la société Rottapharm ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat, en remboursement des frais exposés par la société Rottapharm ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1401823/2-2, 1505950/2-2 du 29 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Rottapharm est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt, de contribution sociale et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, des cotisations de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 2009 et 2010 et des pénalités dont ces impositions supplémentaires ont été assorties.
Article 3 : Le déficit de l'exercice clos en 2010 de la société Rottapharm est fixé à 9 648 026 euros.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Rottapharm au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rottapharm et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux est).
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03283