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17/11/2015 | FRANCE | N°15PA00444

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 17 novembre 2015, 15PA00444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Rottapharm a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, ainsi que des pénalités s'y rapportant.

Par un jugement n° 0710638 du 7 décembre 2010, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA00847 du 11 avr

il 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Rottapharm a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, ainsi que des pénalités s'y rapportant.

Par un jugement n° 0710638 du 7 décembre 2010, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA00847 du 11 avril 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement du Tribunal administratif de Paris par la société Rottapharm.

Par une décision n° 369214 du 23 janvier 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt

n° 11PA00847 du 11 avril 2013 de la Cour administrative d'appel de Paris et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2011 et des mémoires enregistrés les 18 avril et 19 décembre 2011, et le 31 mai 2012 puis, après cassation, le 18 août 2015, la société Rottapharm, représentée par le cabinet Landwell et associés, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 décembre 2010 ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assignées au titre des exercices clos en 2001 et en 2002 et correspondant aux seuls chefs de rectification afférents aux frais de promotion pour le médicament Dermestril, à la facturation sans marge des prestations concernant la promotion des produits Saugella et à la réintégration des charges financières liées à un emprunt de 1,5 million d'euros, de rétablir, à hauteur de 2 300 041 euros et de 2 861 302 euros, les déficits au titre des exercices clos, respectivement, en 2001 et en 2002, et de fixer à 457 190 euros l'assiette de la créance du report en arrière correspondant à une fraction du déficit de l'exercice clos en 1999 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, contrairement à ce qu'estime le service, ni les dépenses de promotion pour le Dermestril, en tant qu'elles excèdent 12 % du chiffre d'affaires résultant de la commercialisation de ce médicament, ni la refacturation sans marge à une société soeur italienne des prestations concernant les produits Saugella, ni les intérêts dus en raison de l'emprunt qu'elle a contracté pour le lancement du Dermestril, ne sont constitutifs d'un acte anormal de gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2011, et, après cassation, un mémoire enregistré le 30 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé et, dans son mémoire enregistré le 30 juin 2015, entend désormais fonder la rectification assise sur le rejet d'une fraction des frais de promotion du Dermestril sur l'article 57 du code général des impôts, relatif aux prix de transfert.

Un nouveau mémoire, enregistré le 27 octobre 2015, a été présenté par le ministre des finances et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que la société Rottapharm, qui appartient à un groupe italien et exerce sur le marché français une activité de distribution, en tant qu'acheteur-revendeur, de médicaments et de produits parapharmaceutiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2001 et en 2002, selon la procédure de rectification contradictoire ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause le caractère fiscalement déductible de diverses charges au motif qu'elles étaient, selon elle, constitutives d'actes anormaux de gestion ; que ces rectifications ont, en outre, conduit le service à remettre en cause, d'une part, sur le fondement de l'article L. 171 A du livre des procédures fiscales, le report en arrière d'une partie, égale à 457 190 euros, du déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 1999, d'autre part, les fractions correspondantes des déficits déclarés au titre des exercices clos en 1999 et en 2000, reportées sur les exercices suivants ; que la société Rottapharm ne relève appel du jugement du 7 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté en totalité sa demande, qu'en tant que ce dernier a statué sur les rectifications résultant de la remise en cause de la déductibilité d'une fraction des frais de lancement et de promotion du Dermestril, de la remise en cause de la déductibilité de la totalité des intérêts afférents à l'emprunt de 1,5 million d'euros qu'elle a contracté en 2000 auprès de la société irlandaise Rotta Finance West Bloch IFSC ainsi que de l'application d'une marge commerciale de 10 % sur les prestations qu'elle a facturées sans marge à la société italienne Rottapharm SRL au titre des dépenses de promotion des produits de la gamme Saugella ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne les frais de lancement et de promotion du médicament Dermestril :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les dépenses étrangères à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration, à qui il n'appartient toutefois pas de se prononcer sur l'opportunité du choix arrêté par une entreprise pour sa gestion, doit apprécier si les charges engagées correspondent à des actes de gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ;

3. Considérant que la société Rottapharm commercialisait auprès de tiers indépendants un seul médicament, l'Extranase, jusqu'au mois d'octobre 1998, date à compter de laquelle elle a commercialisé un autre médicament, le Dermestril, oestrogène appartenant à la classe G3C, prescrit dans le cadre du traitement hormonal substitutif (THS), dont la distribution était jusqu'alors confiée par le groupe Rottapharm aux laboratoires Sanofi Winthrop ;

4. Considérant que le service a relevé que les frais de lancement et de promotion exposés par la société Rottapharm pour le Dermestril représentaient entre 40 et 55 % du chiffre d'affaires réalisé entre 1999 et 2002 du fait de la vente de cette spécialité pharmaceutique et qu'alors que les résultats de la requérante avaient été bénéficiaires jusqu'en 1998, ils étaient depuis lors déficitaires ; qu'en outre, le service a estimé qu'un pourcentage aussi élevé était excessif dans la mesure où il avait été maintenu après la phase de lancement, alors pourtant que les ventes ne progressaient pratiquement pas, que les perspectives d'évolution étaient obérées dès 1998 en raison de la publication d'études mettant en garde contre les complications associées au traitement hormonal substitutif, dans un contexte qualifié de " co-marketing " caractérisé par le fait que l'appelante ne disposait pas du monopole de la distribution de cette spécialité, laquelle était commercialisée sous un autre nom par un concurrent ; que, se fondant sur une étude, publiée par le syndicat des entreprises du médicament (LEEM), dont il ressortait que le taux moyen de dépenses d'information médicale et de publicité des entreprises de l'industrie pharmaceutique s'élevait à 12 % du chiffre d'affaires, le service a déduit de l'ensemble des circonstances susrappelées que les dépenses litigieuses étaient constitutives d'un acte anormal de gestion pour leur fraction excédant 12 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Rottapharm par la seule vente de Dermestril ;

5. Considérant que les dépenses de la nature de celles qui sont ici en litige relèvent, par principe, d'une gestion commerciale normale ; que la circonstance, dont se prévaut principalement l'administration, tirée de ce que leur ratio au regard du chiffre d'affaires dégagé par l'entreprise vérifiée excède la moyenne nationale observée au sein d'un même secteur ne suffit pas à regarder l'administration comme apportant la preuve, qui lui incombe, que ces dépenses, pour leur fraction dépassant le ratio national, seraient constitutives d'un acte anormal de gestion ; qu'au surplus, dans un courrier du 18 avril 2005, le LEEM précise que cette proportion varie de façon inversement proportionnelle au chiffre d'affaires et qu'elle s'établit ainsi à 17,3 % pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 15 millions d'euros, ce qui est le cas de la société Rottapharm, et que, dans l'échantillon retenu composé de vingt entreprises, les dépenses de lancement et de promotion représentaient 2 % du chiffre d'affaires pour cinq d'entre elles, mais 54 % de celui-ci pour cinq autres, la société requérante relevant par ailleurs la nécessité pour elle de ne plus se limiter à commercialiser l'Extranase en raison de la réduction de son prix de vente imposé par les autorités sanitaires à compter de la fin de l'année 2000 ;

6. Considérant, il est vrai, que, comme il a été dit au point 4, le service ne s'est pas fondé exclusivement sur l'importance de ce ratio pour asseoir la rectification litigieuse sur l'acte anormal de gestion ;

7. Mais considérant que si l'administration fait valoir que des études faisant état des risques liés au traitement hormonal substitutif avaient déjà été publiées en 1998, elle n'établit pas l'impact négatif de ces dernières dès 1998, comme elle le soutient ; qu'au contraire, il résulte des pièces produites par la société Rottapharm que le chiffre d'affaires des médicaments utilisés dans le traitement hormonal substitutif est passé de 40 à près de 66 millions d'euros entre 1995 et 2000, que non seulement plusieurs autres sociétés pharmaceutiques ont décidé, entre 1998 et 1999, de lancer des médicaments équivalents au Dermestril et signé à cet effet un contrat de distribution avec le groupe Rottapharm, mais encore qu'une société allemande et une société néerlandaise ont accepté d'acquitter auprès de ce groupe un droit de distribution élevé pour être autorisées à distribuer ce type de médicament et que, comme le soutient la société Rottapharm, ce n'est qu'à partir de 2002, année de publication de l'étude Women's Health Initiative, et, par ailleurs, année prévue par le plan marketing élaboré par la société requérante comme devant être celle du point mort pour son activité liée au Dermestril, que la vente de ce dernier et des autres produits à base d'oestrogène prescrits pour des traitements hormonaux substitutifs s'est effondrée, étant en outre fait observer que c'est également en 2002 que la part des dépenses de promotion exposées par la société Rottapharm représente le ratio le plus faible, indice que cette dernière a adapté sa stratégie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'établit pas que les frais de lancement et de promotion du Dermestril seraient constitutifs d'un acte anormal de gestion au-delà de la fraction en litige qui, initialement égale à 12 %, a d'ailleurs été rehaussée à l'issue de l'interlocution départementale du 1er septembre 2005 de façon qu'elle corresponde au " résultat déficitaire dégagé du fait de ces opérations " ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre. A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploités normalement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés à une entreprise établie en France par une société étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux appliqués à des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices instituée par les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en acquérant un bien ou un service à prix excessif, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien ou du service acquis ;

10. Considérant que, dans son mémoire enregistré le 30 juin 2015, l'administration entend, à titre subsidiaire, invoquer l'article 57 du code général des impôts comme nouvelle base légale de nature à justifier les impositions litigieuses initialement fondées sur l'acte anormal de gestion que constituaient, au-delà du quantum mentionné au point 8, les dépenses exposées par la société Rottapharm pour le lancement et la promotion du Dermestril ; qu'une telle demande de substitution de base légale est recevable à la condition, remplie en l'espèce, qu'elle n'ait pas pour effet de priver le contribuable d'une garantie procédurale ;

11. Considérant qu'il est constant qu'il existe un lien de dépendance entre la société Rottapharm et le groupe du même nom, dont un autre membre vend à l'intéressée le Dermestril, à un prix déterminé selon la méthode dite du " prix de revente moins ", dont l'administration reconnaît qu'elle constitue l'une des méthodes recommandées par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ; que, pour soutenir que le prix auquel la société Rottapharm achète le Dermestril est trop élevé, prix qui, relève le service, est imposé par le groupe, l'administration, qui ne produit aucun terme de comparaison susceptible d'établir cette affirmation, se fonde en réalité exclusivement sur les conditions d'exploitation propres à la requérante, caractérisées, s'agissant du Dermestril, par des frais de lancement et de promotion que le service estime excessifs pour être à l'origine des résultats déficitaires accusés par la contribuable ; que, ce faisant, l'administration n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que le prix auquel la société Rottapharm achète le Dermestril auprès d'une autre société du groupe, établie à l'étranger, serait trop élevé et ne correspondrait pas au principe de pleine concurrence ; qu'en outre, il résulte de l'instruction non seulement que ce même groupe vend le Thaïs, médicament équivalent au Dermestril, à une société indépendante à un prix légèrement supérieur à celui qu'elle fait payer à la société Rottapharm, mais encore et surtout que les frais de promotion jugés excessifs par le service ne sont pas versés à des entités du groupe auquel appartient la requérante, mais à des sociétés tierces ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rottapharm est fondée à demander à être déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt résultant de la réintégration, dans ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, de la fraction des dépenses de lancement et de promotion du Dermestril mentionnée au point 8 ; que cette société est également fondée à demander qu'à hauteur de cette fraction, les déficits afférents aux exercices clos en 1999 et en 2000 soient rétablis ;

En ce qui concerne les frais financiers :

13. Considérant que la société Rottapharm a, le 28 juin 2000, contracté un emprunt de 1,5 million d'euros auprès d'une des sociétés du groupe Rottapharm, la société irlandaise Rotta Finance West Block IFSC, occasionnant des intérêts s'élevant à 43 283 euros, 76 461 euros et 60 756 euros au titre des exercices clos, respectivement, en 2000, 2001 et 2002 ; que le service a remis en cause le caractère fiscalement déductible de ces intérêts au motif que le recours à l'emprunt était la conséquence directe et exclusive de l'acte anormal de gestion procédant de la prise en charge, par la requérante, des frais de lancement et de promotion du Dermestril pour leur montant excédant la faction mentionnée au point 8, alors qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes pour les financer ;

14. Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 12, que, pour leur totalité, ces dépenses ne sont pas constitutives d'un acte anormal de gestion ; qu'au surplus, outre qu'il n'appartient pas à l'administration d'apprécier le caractère normal du choix opéré par une entreprise de recourir à l'emprunt plutôt qu'à un apport de fonds propres dans le cadre de ses opérations commerciales, le service ne formule aucune critique quant aux caractéristiques financières de cet emprunt et, notamment, quant à son taux d'intérêt ; qu'il suit de là que la société Rottapharm est fondée à demander à être déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt résultant de la réintégration, dans ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2001 et en 2002, des charges financières en cause ; que cette société est également fondée à demander qu'à hauteur des intérêts dont la déductibilité a été remise en cause, le déficit afférent à l'exercice clos en 2000 soit rétabli ;

En ce qui concerne les frais de lancement et de promotion de la gamme des produits Saugella :

15. Considérant que la société Rottapharm a, au cours de l'exercice clos en 2000, facturé à la société italienne Rottapharm SRL, propriétaire de la marque Saugella, le remboursement des frais de lancement et de promotion des produits Saugella pour un montant de 2 400 000 F (365 877 euros) qu'elle avait exposés entre les mois de mars et juillet 2000 en vue de préparer leur distribution par ses soins à compter de l'année 2001 ;

16. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Rottapharm, le service a estimé qu'en s'abstenant de facturer, sans marge commerciale, cette prestation pourtant effectuée selon lui au profit de la société italienne appartenant au même groupe, la requérante avait commis un acte anormal de gestion, motifs pris qu'en 2000, c'est la société M3G Distribution qui était titulaire d'un contrat de distribution exclusive en France des produits Saugella, que le contrat de location-gérance avec le laboratoire Oberlin, précédent propriétaire de la marque Saugella, n'avait pas encore été résilié à la date à laquelle la requérante avait déjà pris à sa charge les prestations de promotion des produits de cette marque et que la requérante se trouvait dans une situation déficitaire ; que le service a alors rehaussé le résultat de la société requérante du montant correspondant, selon lui, à la marge commerciale qu'il estimait normale dans ce secteur d'activité, soit 10 % ;

17. Considérant, toutefois, que, contrairement à ce que soutient l'administration, le fait pour une entreprise de facturer sans marge commerciale une opération déterminée ne peut, à lui seul, faire présumer l'existence d'un acte anormal de gestion ; qu'au surplus, la société Rottapharm fait valoir que ces dépenses avaient pour but de préparer la distribution par ses soins, à compter du 1er janvier 2001, des produits de la gamme Saugella et que, la société italienne Rottapharm SRL ayant accepté de prendre financièrement ces dépenses à sa charge, elle les lui a refacturées sans marge ; que si, pour les motifs mentionnés au point précédent, l'administration se prévaut d'éléments de nature à laisser penser que, lorsqu'elle a exposé les dépenses litigieuses, la société Rottapharm ne pouvait avoir la certitude qu'elle distribuerait ces produits dès le 1er janvier 2001, il n'en demeure pas moins que tel était son projet, dont il était alors raisonnable de penser qu'il avait des chances de se concrétiser, et que, d'ailleurs, la requérante a effectivement commencé, à compter du 1er janvier 2001, à commercialiser les produits de cette gamme ; qu'il suit de là que l'administration n'établit pas, comme il lui incombe, que la facturation sans marge commerciale de la prestation litigieuse serait constitutive d'un acte anormal de gestion ; que, par suite, la rectification en cause, résultant de la réintégration, dans le résultat de la société Rottapharm, d'une marge commerciale de 10 % pour une prestation qui, financée par une société soeur italienne, a en réalité été exécutée pour les intérêts propres de la requérante, ne peut davantage être fondée, comme le demande l'administration dans son mémoire enregistré le 30 juin 2015, sur les dispositions de l'article 57 du code général des impôts ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rottapharm est fondée à demander que ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt soient réduites de 1 014 786 euros et de 767 175 euros, au titre des exercices clos respectivement en 2001 et en 2002, montants correspondant aux rehaussements résultant des trois seuls chefs de rectification contestés en cause d'appel ; que la requérante demande en outre à la Cour, d'une part, de rétablir les déficits de ces deux exercices à hauteur, respectivement, de 2 300 041 euros et de 2 861 302 euros, compte tenu de la fraction, reportable sur ces deux exercices, des déficits déclarés au titre des exercices clos en 1999 et en 2000 qui correspond aux seuls rehaussements litigieux, d'autre part, de fixer à 152 397 le montant de sa créance sur le Trésor public au titre du report en arrière d'une fraction de déficit de l'exercice clos en 1999, égale à 457 190 euros ; que si les montants de 2 300 041 euros et de 2 861 302 euros ne sont pas contestés par l'administration, chacun de ces montants doit cependant être réduit de

457 190 euros en conséquence de l'option, qui n'est pas davantage contestée par le service, en faveur du report en arrière d'une fraction, égale à 457 190 euros, du déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 1999 ; qu'il y a donc lieu de limiter les déficits des exercices clos en 2001 et en 2002 respectivement à 1 842 851 euros et à 2 404 112 euros ; que la société Rottapharm est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à hauteur des conclusions à fin de décharge partielle dont la Cour a été saisie ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'a exposés la société Rottapharm à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er: Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt assignées à la société Rottapharm au titre des exercices clos en 2001 et en 2002 sont réduites, respectivement, de 1 014 786 euros et de 767 175 euros.

Article 2 : La société Rottapharm est déchargée des droits et intérêts de retard correspondant aux réductions de base définies à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le déficit de l'exercice clos en 2001 accusé par la société Rottapharm est fixé à 1 842 851 euros.

Article 4 : Le déficit de l'exercice clos en 2002 accusé par la société Rottapharm est fixé à 2 404 112 euros.

Article 5 : La créance sur le Trésor public, dont la société Rottapharm est titulaire au titre du report en arrière d'une fraction du déficit afférent à l'exercice clos en 1999, est fixée à 152 397 euros.

Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'Etat versera à la société Rottapharm une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rottapharm et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 novembre 2015.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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