Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2012 par lequel le préfet de police a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, ensemble la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 1304609/1-1 du 26 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14PA00145 du 27 juin 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par MmeC....
Par une décision n° 387228 du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par MmeC..., annulé l'arrêt n° 14PA00145 du 27 juin 2014 de la Cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2014, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 décembre 2013 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts légaux à compter du 24 novembre 2012 et capitalisation des intérêts ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier en ce que sa requête introductive d'instance n'était pas tardive ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, formalité essentielle ;
- l'arrêté attaqué porte atteinte à l'autorité de la chose jugée ;
- le refus de renouvellement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale normale ;
- la décision litigieuse démontre un acharnement de la part des services de préfecture de sorte qu'elle peut se prévaloir d'un préjudice susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante géorgienne née le 13 février 1975, a sollicité auprès de la préfecture de police le renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 18 octobre 2012, le préfet de police a opposé un refus à sa demande ; que par une décision implicite née du silence du préfet de police le 26 janvier 2013, ce dernier a rejeté son recours gracieux ; que Mme C... relève appel du jugement du 26 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 26 janvier 2013 ; que, par un arrêt du 27 juin 2014, la Cour a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Paris ; que, par une décision du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 18 et 21 de la loi du 12 avril 2000 que, sauf dans le cas où un décret en Conseil d'Etat prévoit un délai différent, le silence gardé pendant plus de deux mois par les autorités administratives sur les recours gracieux ou hiérarchiques qui leur ont été adressés à compter du 1er novembre 2000, date à laquelle sont entrés en vigueur ces articles en application de l'article 43 de la même loi, ont fait naître une décision implicite de rejet ; qu'il résulte également de la combinaison des articles 18 et 19 de la même loi qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret du 6 juin 2001 pris notamment pour l'application de cet article 19, le délai de recours ne court à l'encontre d'une telle décision implicite que si le recours gracieux ou hiérarchique, adressé après cette date, a fait l'objet d'un accusé de réception comportant les mentions exigées par l'article 1er du décret précité ;
3. Considérant que Mme C...a formé à l'encontre de l'arrêté du 18 octobre 2012 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, décision qui n'est pas régie par des dispositions spéciales au sens du décret précité, un recours gracieux qui, reçu le 26 novembre 2012, a été implicitement rejeté le 26 janvier 2013 par le préfet de police ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce recours gracieux a fait l'objet d'un accusé de réception comportant les mentions exigées à l'article 1er du décret du 6 juin 2001 et transmis à MmeC... ; que dès lors, la requête formée par l'intéressée à l'encontre de l'arrêté lui refusant le renouvellement de son titre de séjour était recevable ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, depuis son arrivée en France en 2001, avec ses trois enfants alors âgés de 6 ans, 4 ans et 1 an, MmeC..., mariée à un ressortissant géorgien resté en Géorgie, soit depuis plus de dix ans à la date de l'acte attaqué, élève seule ses enfants, qui sont scolarisés à Paris respectivement depuis 2001, 2002 et 2005 ; que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et compte tenu notamment de la durée du séjour et de la scolarisation en France de deux de ces enfants dès leur plus jeune âge, et alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale pourrait se reconstituer en Géorgie, les décisions contestées doivent être regardées comme portant au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de ce refus et comme méconnaissant, par suite, les stipulations et dispositions susmentionnées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt impliquant nécessairement, compte tenu du motif d'annulation retenu, qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à MmeC..., il y a lieu de faire injonction au préfet de police de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Considérant que Mme C...se borne à alléguer qu'elle a été maintenue dans une situation administrative précaire pendant plus de deux ans, en raison d'un acharnement de la part des services de la préfecture ; que, toutefois, en se contentant de produire deux récépissés délivrés par la préfecture de police, elle ne peut être regardée comme apportant la preuve du caractère réel du préjudice subi ; que, dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à MmeC... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 décembre 2013, l'arrêté du préfet de police du 18 octobre 2012 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme C...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- Mme Julliard, premier conseiller,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA04765