Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 0900298, la société NC Numéricable a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 septembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a, d'une part, annulé la décision du 4 avril 2008 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine l'avait autorisée à licencier M. A... B...pour motif disciplinaire et, d'autre part, a refusé d'autoriser le licenciement de M. B....
Par une demande enregistrée sous le n° 1001281, M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 4 avril 2008 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé la société NC Numéricable à le licencier.
Par un jugement n° 0900298/1, 1001281/1 du 2 décembre 2011, le Tribunal administratif de Melun a joint ces deux demandes et a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail annulée par le ministre et, d'autre part, rejeté la demande de la société NC Numéricable.
Par un arrêt n° 12PA00788 du 18 octobre 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 décembre 2011 ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 19 septembre 2008.
Par une décision n° 364616, 364633 du 23 décembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 18 octobre 2012 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 février 2012, 4 février 2016 et 10 mars 2016, la société NC Numéricable, représentée par Me Fiedler, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900298/1 et 1001281/1 du 2 décembre 2011 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2008 du ministre chargé du travail ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre chargé du travail du 19 septembre 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspectrice du travail des Hauts-de-Seine était compétente, dès lors que l'établissement de Champs-sur-Marne ne disposait pas de l'autonomie de gestion de son personnel ;
- c'est à tort que le ministre chargé du travail et le tribunal administratif ont considéré que les absences injustifiées de M. B... étaient légitimes au motif qu'il aurait refusé sa nouvelle affectation ; à cet égard, M. B... n'a jamais refusé sa nouvelle affectation et a commencé à travailler dans son nouveau secteur ;
- les faits reprochés à M. B..., absences répétées et injustifiées pendant une durée de huit mois, sont établis et constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- à supposer même que M. B... ait refusé sa nouvelle affectation, cette circonstance ne permet pas de légitimer un abandon de poste ;
- il n'existe aucun lien entre la demande de licenciement et les mandats de l'intéressé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 mai 2012 et 6 mai 2015, M. B..., représenté par Me Condé, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société NC Numéricable au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société NC Numéricable ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société NC Numéricable ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de MeC..., substituant Me Fiedler, avocat de la société NC Numéricable,
- et les observations de Me Condé, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été recruté le 10 avril 1998 en qualité d'attaché commercial par la société Paris Câble, puis promu cadre en 2001 en qualité de chef de secteur au sein du département vente et distribution de la direction commerciale. Le 1er janvier 2006, son contrat de travail a été transféré à la société Lyonnaise communication, ultérieurement renommée Noos SA, puis NC Numéricable. Il était par ailleurs délégué syndical et avait été candidat aux élections du comité d'entreprise en octobre 2007. La société NC Numéricable a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute en raison d'absences injustifiées. Par une décision du 4 avril 2008, l'inspecteur du travail de Bagneux a accordé cette autorisation. M. B... a formé un recours hiérarchique. Par une décision du 19 septembre 2008, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé l'autorisation de licencier M. B.... Par la présente requête, la société NC Numéricable demande l'annulation du jugement du 2 décembre 2011 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2008 du ministre chargé du travail.
I. Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. Dans sa décision contestée du 19 septembre 2008, le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé d'autoriser le licenciement pour faute de M. B... aux motifs, premièrement, que l'inspecteur du travail était territorialement incompétent, deuxièmement, que les faits reprochés ne présentaient pas un caractère fautif, dès lors que l'intéressé était en droit de refuser la modification de son contrat de travail et, troisièmement, que la mesure de licenciement envisagée n'était pas dénuée de tout lien avec les mandats détenus par M. B....
A. En ce qui concerne la compétence territoriale de l'inspecteur du travail :
4. Il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par la société NC Numéricable, tiré de ce que le ministre chargé du travail aurait à tort considéré que l'inspecteur du travail de Bagneux était territorialement incompétent, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.
B. En ce qui concerne l'existence d'une faute de nature à justifier le licenciement de M. B... :
5. En premier lieu, en l'absence de mention contractuelle du lieu de travail d'un salarié, la modification de ce lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié est susceptible de caractériser une faute de nature à justifier son licenciement, lorsque le nouveau lieu de travail demeure à l'intérieur d'un même secteur géographique, lequel s'apprécie, eu égard à la nature de l'emploi de l'intéressé, de façon objective, en fonction de la distance entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de transport disponibles. En revanche, sous réserve de la mention au contrat de travail d'une clause de mobilité, tout déplacement du lieu de travail dans un secteur géographique différent du secteur initial constitue une modification du contrat de travail.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... assurait, par des déplacements chez les clients, la vente des produits et services de la société dans différents départements d'Ile-de-France. Cette affectation n'était pas mentionnée dans son contrat de travail. Par un courrier du 8 juin 2007, la société NC Numéricable a notifié à M. B... la modification, à effet immédiat, de son secteur de prospection, lequel comprenait désormais onze villes situées dans les départements du Cher, de la Côte-d'Or, du Doubs, de la Nièvre et de l'Yonne.
7. Ce nouveau secteur de prospection, comprenant exclusivement des villes situées en dehors de l'Ile-de-France, dont plusieurs à près de 400 km de cette région, était situé dans un secteur géographique différent du précédent. Or, le contrat de travail de M. B... ne comportait pas de clause de mobilité et il n'est ni soutenu ni établi que M. B... aurait signé un avenant à son contrat de travail portant affectation dans ce nouveau secteur géographique. Par ailleurs, la circonstance que M. B... aurait travaillé quelques temps dans ce nouveau secteur n'a pas emporté modification de son contrat de travail, dès lors que l'acceptation du salarié ne peut pas résulter de la seule exécution du contrat aux conditions modifiées. Au contraire, M. B..., en gardant le silence après réception du courrier de son employeur du 8 juin 2007, doit être regardé comme ayant refusé la modification de son contrat de travail.
8. En second lieu, lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail, l'employeur ne peut, sans l'avoir rétabli dans son emploi, se prévaloir d'un comportement fautif postérieur au refus pour procéder à un licenciement disciplinaire.
9. Par conséquent, c'est à bon droit que le ministre chargé du travail a considéré que les absences injustifiées reprochées à M. B..., toutes postérieures à l'envoi du courrier du 8 juin 2007 modifiant son secteur de prospection, ne pouvaient justifier son licenciement pour faute.
C. En ce qui concerne le lien entre la demande de licenciement et les mandats de M. B... :
10. Si le ministre chargé du travail a considéré, en outre, que la mesure de licenciement envisagée n'était pas dénuée de tout lien avec les mandats détenus par M. B..., il ressort des termes mêmes de sa décision qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif rappelé au point 9 ci-dessus, lequel justifie à lui seul le refus d'autorisation de licenciement. Par conséquent, la circonstance que la demande de licenciement ne serait pas en lien avec les mandats de M. B... est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société NC Numéricable n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
II. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société NC Numéricable demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société NC Numéricable une somme de 3 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société NC Numéricable est rejetée.
Article 2 : La société NC Numéricable versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société NC Numéricable, à M. A... B...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mai 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00268