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18/10/2012 | FRANCE | N°12PA00788

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 18 octobre 2012, 12PA00788


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2012, présentée pour la société NC Numéricable, dont le siège est 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77420), par Me Fiedler ; la société NC Numéricable demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0900298/1 et 1001281/1 du 2 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail des Hauts-

de-Seine du 4 avril 2008 et refusé l'autorisation de licencier M. A ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2012, présentée pour la société NC Numéricable, dont le siège est 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77420), par Me Fiedler ; la société NC Numéricable demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0900298/1 et 1001281/1 du 2 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine du 4 avril 2008 et refusé l'autorisation de licencier M. A ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Condé, pour M. A ;

1. Considérant que M. A, qui a été recruté le 10 avril 1998 en qualité d'attaché commercial junior par la société Paris Câble, exerçait, depuis le 1er novembre 2001, les missions de " chef de secteur " au sein du département vente/distribution de la direction commerciale sous la responsabilité hiérarchique du responsable commercial régional ; qu'à l'occasion de la réorganisation de la société Noos SA, M. A, qui était rattaché à l'établissement de la société situé à Paris-Bercy, a été transféré, le 15 janvier 2007, avec l'ensemble du personnel, au sein du nouvel établissement de la société situé à Champs-sur-Marne, devant accueillir le siège social, les fonctions de M. A, qui occupait le poste de chef de groupe, rattaché au service distribution/ventes indirectes, et qui avait la charge de la distribution des produits Noos/Numéricable dans la région Ile-de-France, étant maintenues ; que, par un courrier du 8 juin 2007, la société NC Numéricable a informé M. A du changement de son secteur géographique de prospection, l'intéressé devant intervenir dans le secteur regroupant les villes situées dans l'Yonne, la Côte d'Or, la Nièvre, le Cher et le Doubs ; qu'à compter du 11 juin 2007, M. A n'a plus rempli les tâches qui étaient les siennes, a été absent de manière répétée et injustifiée, cette absence injustifiée étant continue depuis le mois de novembre 2007 ; que la société NC Numéricable, du fait de la carence du salarié et des absences injustifiées et prolongées de M. A, a engagé une procédure de licenciement et demandé à l'inspecteur du travail de Bagneux l'autorisation de licencier le salarié ; que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, saisi par M. A d'un recours hiérarchique contre l'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail de Bagneux, a, par une décision du 19 septembre 2008, annulé l'autorisation délivrée considérant que l'inspecteur n'était pas territorialement compétent pour se prononcer sur la demande et a refusé d'autoriser le licenciement aux motifs, d'une part, que le changement de secteur géographique constituait une modification du contrat de travail que M. A était en droit de refuser, d'autre part, qu'il existait un lien entre la mesure de licenciement envisagée et les mandats exercés par M. A ; que la société NC Numéricable relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 décembre 2011 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 19 septembre 2008 ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Sur la légalité de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 19 septembre 2008 :

3. Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement dans les conditions de travail ne saurait avoir pour effet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le changement de secteur géographique de prospection de M. A est sans incidence, d'une part, sur sa rémunération fixe, le paiement de sa rémunération variable sur objectif étant en outre garanti pendant une durée de six mois, et, d'autre part, sur ses responsabilités au sein de l'entreprise, M. A, qui ne conteste pas que son rattachement au site de Champs-sur-Marne était maintenu, devant exercer les mêmes missions mais dans un secteur géographique différent ; que le contrat de travail de l'intéressé, modifié par différents avenants, s'il ne comporte pas de clause de mobilité, ne mentionne pas le secteur géographique dans lequel le salarié doit assurer la vente des produits Noos ; qu'eu égard à la nature même de l'emploi de M. A, agent commercial devant assurer la promotion de produits dans un secteur géographique déterminé, le changement de secteur de prospection, qui n'implique pas de changement de résidence de l'intéressé, lequel avait par ailleurs fait part à son employeur de ses difficultés pour effectuer ses déplacements dans son précédent secteur en région parisienne dans la mesure où son lieu de résidence était situé dans l'Yonne, ni d'aggravation dans les conditions de travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un changement dans les conditions de travail ; que le refus de M. A d'accepter un tel changement dans ses conditions de travail, refus que l'intéressé n'a exprimé que le 22 janvier 2008 devant le comité d'entreprise réuni pour émettre un avis sur le licenciement envisagé du fait de sa carence dans l'exercice de ses missions et de ses absences injustifiées et répétées, absence qui était continue depuis le mois de novembre 2007, constitue, en l'espèce, une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement de M. A, qui n'invoque aucune circonstance, tant au regard de sa situation personnelle que de l'exercice de son mandat, susceptible de justifier son refus du changement de ses conditions de travail ; que la société NC Numéricable est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a jugé que M. A n'avait pas commis de faute justifiant son licenciement et confirmé la légalité de la décision du ministre du travail refusant, pour ce motif, l'autorisation de licenciement ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société NC Numéricable devant le tribunal administratif ;

6. Considérant que le ministre du travail, pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par l'employeur, s'est également fondé sur l'existence d'un lien entre le licenciement envisagé et les mandats exercés par le salarié ; qu'à supposer, comme l'a relevé le ministre, que des relations conflictuelles existaient entre la direction de la société et le syndicat Force Ouvrière, notamment pour l'organisation des élections professionnelles, il ressort des pièces du dossier que la procédure de licenciement pour faute a été engagée le 23 novembre 2007, soit postérieurement aux élections professionnelles qui se sont déroulées en septembre et octobre 2007, et que M. A, candidat, n'a pas été élu à l'issue de ces élections ; que la circonstance que la société NC Numéricable ait souhaité se séparer de M. A et ait élaboré un pré-accord de transaction pour une rupture amiable du contrat de travail de l'intéressé, document au demeurant non daté, n'est pas suffisante pour établir que le licenciement aurait un lien avec le mandat exercé par l'intéressé, lequel ne conteste pas, en outre, qu'il n'exerçait plus, à la date d'engagement de la procédure et depuis le résultat des élections professionnelles de 2007, d'activité syndicale ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le ministre du travail s'est fondé sur ce second motif pour refuser d'autoriser le licenciement de M. A ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du motif retenu par le ministre quant à l'incompétence de l'inspecteur du travail de Bagneux pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement, motif qui est sans influence sur le bien-fondé de la décision se prononçant sur ladite demande, que la société NC Numéricable est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 19 septembre 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société NC Numéricable et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la société NC Numéricable, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 décembre 2011 et la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du

19 septembre 2008 sont annulés.

Article 2 : Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social versera une somme de 1 500 euros à la société NC Numéricable en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00788
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Audrey MACAUD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : FIEDLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-18;12pa00788 ?
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