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14/04/2016 | FRANCE | N°13PA04827

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 avril 2016, 13PA04827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Laurent a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 163 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2003, avec capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice résultant des décisions prises par la Commission de contrôle des assurances et annulées par le Conseil d'Etat.

Par un jugement n° 0310642/7 du 13 janvier 2006, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. Laurent.

Par un

arrêt n° 06PA00904 du 5 juin 2008, la Cour administrative d'appel de Paris a, statuant, av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Laurent a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 163 000 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2003, avec capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice résultant des décisions prises par la Commission de contrôle des assurances et annulées par le Conseil d'Etat.

Par un jugement n° 0310642/7 du 13 janvier 2006, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. Laurent.

Par un arrêt n° 06PA00904 du 5 juin 2008, la Cour administrative d'appel de Paris a, statuant, avant dire droit, ordonné une expertise.

Par un arrêt n° 06PA00904 du 17 juin 2010, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. Laurent.

Par une décision n° 342504 du 13 décembre 2013, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 06PA00904 du 17 juin 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. Laurent et a renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 06PA00904 du 5 juin 2008, la Cour administrative d'appel de Paris a, avant dire droit sur la requête de M. Laurent, enregistrée au greffe de cette Cour le 8 mars 2006, ordonné une expertise aux fins de :

1°) réunir tous éléments de fait sur l'existence d'une situation nette négative des sociétés ICD SA et ICD Vie, à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 1999 ainsi qu'à la date des décisions de la Commission de contrôle des assurances litigieuses, et à cet effet : a) décrire la manière dont ces sociétés tentaient de satisfaire les règles de solvabilité et de provisionnement, qui leur étaient applicables, b) recueillir le témoignage de M.D..., administrateur provisoire désigné par la Commission de contrôle des assurances le 22 mai 2000, ainsi que celui des sociétés CAMCA Assurance et AFI Europe auxquelles ont été transférés, à la première, le 7 novembre 2000, le contrat collectif d'assurance souscrit auprès de la société ICD SA et, à la seconde, le 7 décembre 2000, le portefeuille de contrats souscrits auprès de la société ICD Vie, sur le caractère suffisant des provisions constituées par les sociétés en question, c) mesurer la portée de la couverture résultant du traité de réassurance conclu avec la société Hannover Re, le cas échéant en entendant des représentants de cette société ;

2°) de donner toutes indications sur la valeur des sociétés ICD SA et ICD Vie à la date des décisions litigieuses, au vu, notamment, des rapports, notes et audits dont se prévalent les parties.

Le rapport d'expertise a été déposé au greffe de la Cour le 15 février 2010.

Par un mémoire enregistré le 25 mars 2010, M. Laurent soutient que :

- l'expert s'est fondé sur des approches méthodologiques inadaptées ;

- l'expert a été nommé au grade de chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'honneur par un décret du Président de la République du 13 juillet 2009, pris sur proposition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, décoration qui lui a été remise le 28 janvier 2010, cette circonstance pouvant constituer un cas de récusation de l'expert sur le fondement de l'article R. 621-6 du code de justice administrative si elle avait été connue ;

- l'expertise n'a pas revêtu un caractère contradictoire, faute pour l'expert d'avoir répondu au dernier dire qui lui a été adressé le 25 janvier 2010 et d'avoir soumis à la discussion préalable des parties la méthode d'analyse finalement retenue.

Par des mémoires des 15 avril et 17 mai 2010, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi soutient :

- à titre principal, que M. Laurent n'est pas recevable à demander l'indemnisation des préjudices dont il se prévaut, ceux-ci étant propres aux sociétés ICD Vie et ICD SA qui ont fait l'objet des retraits d'agréments annulés ;

- à titre subsidiaire, que les décisions de retrait d'agrément étant justifiées au fond, leur annulation pour un vice de forme ne peut ouvrir droit à une indemnisation.

Par un mémoire du 15 avril 2010, M. Laurent soutient que sa demande indemnitaire est recevable, dès lors qu'il demande réparation du préjudice personnel qu'il a subi, lequel est lié aux droits qu'il détenait sur le capital des sociétés ainsi que sur les dividendes distribués, en outre, il justifie d'un préjudice moral et professionnel.

Par des mémoires en date des 27 février 2014 et 27 mars 2014, produits après renvoi de l'affaire à la Cour par le Conseil d'Etat, M. Laurent soutient que :

- l'expert a manqué à son obligation d'impartialité compte tenu de sa nomination au grade de chevalier dans l'Ordre de la Légion d'honneur et a méconnu les dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative ;

- son préjudice personnel lié à la sanction disciplinaire prononcée à son encontre peut être évalué à 10 000 000 euros.

Par des mémoires produits le 28 février 2014 et le 27 juin 2014, le ministre de l'économie et des finances soutient, d'une part, que l'impartialité de l'expert ne peut être remise en cause par la seule circonstance qu'il a reçu une gratification honorifique du Président de la République et, d'autre part, que l'expertise a été menée dans le respect du contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu l'ordonnance en date du 13 avril 2010 taxant et liquidant les frais d'expertise.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Veroux, avocat de M. Laurent.

Considérant ce qui suit :

I - Faits et procédures :

Le contrôle du groupe ITD SA par la Commission de contrôle des assurances (CCA) :

1. M. A...Laurent est le fondateur et l'actionnaire principal (87,76 % du capital) d'un groupe de compagnies d'assurances, le groupe ITD SA, composé principalement de deux entreprises régies par le code des assurances, la société ICD SA et la société ICD Vie, lesquelles ont diversifié leurs activités et développé leurs placements dans le domaine immobilier à travers les sociétés Louxor Valenpré, Valenpré Immobilier et Jev Immo.

2. A la suite d'un contrôle portant sur l'exercice 1998, la Commission de contrôle des assurances (CCA) a, par une série de décisions intervenues au cours du second semestre de l'année 2000, mis fin à l'activité des sociétés ICD SA et ICD Vie.

3. La CCA a décidé le 21 août 2000 de mettre en oeuvre à l'encontre d'ICD Vie la procédure de recours au fonds de garantie (article L. 423-1 du code des assurances) et de lancer un appel d'offres en vue du transfert du portefeuille de contrats d'ICD Vie (article L. 423-2 § II du même code) dans les conditions prévues à l'article L. 310-18 de ce code.

4. Le rapport de contrôle avait mis en évidence une insuffisance de couverture au 31 décembre 1998 de l'ordre de 36 MF et une situation nette négative de 25 MF. En outre, le rapport en cause avait révélé qu'un contrat collectif d'assurance avec le Crédit Agricole du Centre-Est, provisionné au 31 décembre 1997 pour 93,7 MF, était provisionné au 31 décembre 1998 pour 0 F, alors que, selon le même rapport, une provision d'au moins 60 MF était nécessaire. Au 31 décembre 1998, ICD Vie a résilié le traité de réassurance couvrant ce contrat collectif d'assurance et le réassureur lui a alors attribué une participation bénéficiaire de 50 MF. La société ICD Vie, au lieu de conserver la propriété de ce montant en garantie des engagements pris envers les assurés, a attribué 30 MF à la société de courtage dont le président est M. Laurent et a versé une participation de 14 MF à la société ICD SA, dont M. Laurent est également le président. ICD Vie a allégué que ce contrat d'assurance était désormais couvert par un autre traité de réassurance mais, selon la CCA, n'a démontré ni la réalité ni la consistance de cette couverture.

5. Dès le mois de décembre 1999, les dirigeants d'ICD Vie ont fait état d'un processus de cession du groupe, devant se concrétiser au plus tard à la fin du premier semestre 2000. En l'absence d'acquéreur sérieux, les documents communiqués par l'entreprise ne laissant entrevoir aucune perspective de redressement, et l'exercice 1999 faisant apparaître un déficit de couverture de 70,3 MF, la situation d'ICD Vie était irrémédiablement compromise. C'est donc dans l'intérêt des assurés et bénéficiaires des contrats qu'a été mise en oeuvre la procédure de recours au fonds de garantie.

6. Par une décision du 6 octobre 2000, la procédure de transfert d'office de portefeuille prévue à l'article L. 310-18 du code des assurances a été mise en oeuvre à l'encontre de la société ICD SA.

7. Cette décision se fondait sur une insuffisance de représentation des engagements réglementés et une situation nette négative, au 31 décembre 1998, de 67 MF et, au 31 décembre 1999, d'au moins 140 MF.

8. La commission relevait que si, pour l'exercice 1999, les comptes faisaient apparaître une situation nette positive de 36,6 MF, ces comptes étaient établis en inscrivant pour 50 MF la filiale ICD Vie à l'actif du bilan d'ICD SA, alors que celle-ci était dans une situation nette négative.

9. En outre, selon la commission, la décision de M. Laurent, président d'ICD SA, de distribuer, au titre des exercices 1996, 1997 et 1998, des dividendes pour des montants respectivement de 7,8 MF, 14,5 MF et 9,4 MF, aurait dû entraîner leur imputation sur le capital social de 50 MF si la comptabilité avait été régulièrement tenue. Les dirigeants communs ne pouvaient ignorer cette irrégularité comptable, d'où l'injonction qui leur a été faite, le 22 décembre 1999, par la CCA de répéter les dividendes irrégulièrement perçus. Ce à quoi M. Laurent s'est refusé par un courrier du 25 février 2000, indiquant que le conseil d'administration de l'actionnaire majoritaire, ITD SA, avait décidé une augmentation du capital de 10 MF. La CCA a constaté qu'à la date du 23 mai 2000, cet apport n'avait pas été fait.

10. Les dirigeants d'ICD SA ont fait part dès le mois de décembre 1999 d'un processus de cession du groupe qui devait intervenir au plus tard à la fin du premier semestre 2000. Cependant, la commission observait qu'aucun acquéreur n'avait démontré l'intention sérieuse de racheter l'entreprise ou de la recapitaliser et l'administrateur provisoire désigné n'est pas parvenu à trouver un soutien extérieur.

11. L'ensemble de ces éléments a amené la CCA à considérer que la situation d'ICD SA était compromise et que la seule mesure à prendre dans l'intérêt des assurés et bénéficiaires de contrats était d'engager la procédure de transfert d'office du portefeuille de contrats prévue à l'article L. 310-18 6°du code des assurances.

12. Une décision du 7 novembre 2000 a retiré à la société ICD SA l'intégralité des agréments et a prononcé la clôture de la procédure de transfert, faute de candidatures à la reprise présentant un caractère achevé ou abouti et en raison de l'insolvabilité déjà constatée. Le même jour, une décision de transfert partiel au profit de la société CAMCA Assurance est intervenue, portant sur un contrat collectif souscrit par la Caisse régionale agricole du Morbihan.

13. Une décision du 7 décembre 2000 a porté transfert d'office d'un portefeuille de contrats souscrits auprès de l'entreprise assurances ICD Vie au profit de l'entreprise d'assurance AFI Europe.

14. Une décision du 19 décembre 2000 a retiré les agréments de la société ICD Vie après clôture de l'appel d'offres, faute de candidats repreneurs et dans l'intérêt de la collectivité des assurés. Une décision du 7 décembre 2000 avait déjà prononcé un transfert partiel au profit de la société AFI EUROPE.

15. Enfin, dès le 19 avril 2000, la CCA avait infligé à M. Laurent un blâme et une sanction pécuniaire de 100 000 F. Il lui était reproché, en sa qualité de maître de l'affaire, son action au sujet du contrat collectif d'assurance avec le crédit agricole du centre-Est, qualifiée de " grave erreur de gestion de nature à compromettre l'exécution de ses engagements, au premier chef envers les assurés et bénéficiaires de contrats ICD Vie, et par contrecoup envers ceux d'ICD SA... ". Les circonstances démontraient la connaissance par l'actionnaire majoritaire du groupe, M. Laurent, du caractère irrégulier du dividende qu'il percevait, et dont il a expressément refusé de demander la répétition au moins à Groupe ITEA SA.

Les procédures contentieuses :

S'agissant des décisions de la CCA :

16. Les décisions concernant les sociétés ICD Vie et ICD SA ont été annulées par le Conseil d'Etat par une décision du 10 mars 2003 (n° 227357, Laurent et autres).

17. En effet, après que des rapports de contrôle des sociétés ICD SA et ICD Vie ont été établis et communiqués à ces entreprises, M. Laurent, président des deux entreprises, a formulé des observations auxquelles il a été répondu par des courriers signés du président de la CCA, adressés à M. Laurent, qui font état de griefs relatifs à d'importantes irrégularités dans l'enregistrement des sinistres et le calcul des provisions nécessaires et ont mis en doute la solvabilité des deux entreprises. A l'occasion de l'injonction faite par la commission à M. Laurent de prendre différentes mesures propres à restaurer la situation financière d'ICD SA et ICD Vie, le président de la commission a précisé que l'absence de provisionnement de certains sinistres et le calcul non conforme à la réglementation en vigueur de certaines provisions constituaient à ses yeux des irrégularités masquant une situation financière dégradée, encore aggravée par une importante distribution de bénéfices elle-même irrégulière, et a constaté que l'incertitude relevée par la commission sur la capacité de l'entreprise à satisfaire aux exigences de couverture et de solvabilité n'était pas levée par les réponses de M. Laurent.

18. Le Conseil d'Etat a ainsi considéré que le président de la commission avait nettement pris position sur le non-respect, par les entreprises en cause, des obligations légales de solvabilité et sur d'autres comportements fautifs de M. Laurent, avant que la commission ne délibère sous sa présidence et ne prononce les sanctions susmentionnées, et qu'en conséquence, l'exigence d'impartialité avait été méconnue par la commission. Cependant, les décisions de la commission ayant été exécutées dès 2000, les sociétés ICD SA et ICD Vie n'avaient, en 2003, aucune activité ni aucun portefeuille.

19. Par une précédente décision du 28 octobre 2002 (M. Laurent, n° 222188), le Conseil d'Etat avait annulé, pour des motifs analogues, la décision du 21 avril 2000 infligeant un blâme et une amende à M. Laurent.

S'agissant du contentieux indemnitaire :

20. M. Laurent a saisi, le 4 avril 2003, le ministre chargé des finances, puis, le 25 juillet 2003, le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'indemnité de 163 000 000 euros.

21. Par un jugement du 13 janvier 2006, le Tribunal a jugé que les préjudices dont se prévalait M. Laurent ne trouvaient pas leur origine dans la méconnaissance de l'exigence d'impartialité mais dans l'exécution des décisions de la CCA et qu'il n'était pas établi qu'au regard du caractère circonstancié des nombreux griefs relevés à l'encontre des sociétés ICD SA et ICD Vie par la commission de contrôle, cette dernière aurait, s'agissant de décisions prises par une autorité administrative indépendante chargée d'une mission de régulation dans un secteur économique ou financier, commis une faute lourde dans l'exercice de sa mission.

22. La Cour administrative d'appel de Paris, saisie le 8 mars 2006, a, par un arrêt du 5 juin 2008, jugé, d'une part, que " quelle que soit la gravité de la faute résultant de ce que le président de la commission a méconnu l'exigence d'impartialité, cette faute n'est en tout état de cause susceptible de donner lieu au paiement d'une indemnité que dans la mesure où elle est directement la cause d'un préjudice certain, ce qui ne serait pas le cas si les faits soumis à la commission impliquaient nécessairement la sanction litigieuse " et, en conséquence, a ordonné une expertise aux fins susvisées.

23. L'expert a remis son rapport le 15 février 2010 et, par un arrêt du 17 juin 2010, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. Laurent, lequel arrêt a été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 13 décembre 2013, pour omission de répondre à un moyen et insuffisance de motivation.

II - Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances :

24. Le ministre chargé des finances soutient que M. Laurent, qui n'était pas l'unique actionnaire des sociétés du groupe, n'a jamais bénéficié, à titre personnel, d'un agrément de la CCA. Ainsi, aucun agrément ne lui a été retiré, non plus que n'a été prononcé le transfert d'un bien lui ayant personnellement appartenu, et, en conséquence, il ne démontre pas l'existence d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. A titre subsidiaire, le ministre soutient également que le préjudice subi ne peut, en tout état de cause, qu'être proportionnel au nombre des actions composant le capital social détenues par M. Laurent.

25. Toutefois, M. Laurent doit être regardé comme justifiant d'un intérêt à agir, dès lors qu'il demande la réparation de l'ensemble des préjudices que lui ont personnellement occasionnés les décisions de la CCA.

26. En effet, la circonstance qu'au nombre des préjudices invoqués par M. Laurent figurent des préjudices qui ne sont pas distincts de ceux, directement imputables aux fautes commises, dont les sociétés ICD SA et ICD Vie auraient pu demander réparation, notamment la perte du capital investi par M. Laurent dans ces sociétés, n'est pas de nature à priver ce dernier d'un intérêt pour agir, mais seulement, le cas échéant, de le priver d'un droit à indemnisation faute d'avoir la qualité de créancier des indemnités demandées (CE, 10 octobre 2014, M. B..., n° 355837).

27. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances doit être écartée.

III - Les textes applicables et les pouvoirs de la Commission de contrôle des assurances :

28. La CCA est chargée de contrôler la solvabilité des sociétés d'assurance afin de protéger les intérêts des assurés.

29. Elle doit veiller à ce que :

30. Au passif, les assureurs disposent de provisions techniques suffisantes représentant les engagements des assureurs envers les assurés, que ces assureurs doivent être à toute époque en mesure de justifier (article R. 331-1 du code des assurances).

31. A l'actif, les assureurs respectent la règle dite de " couverture permanente des engagements réglementés ", qui impose que seuls des actifs sûrs et liquides soient, à toute époque, présents pour couvrir ces engagements réglementés, aux nombres desquels figurent les provisions techniques (articles R. 332-1 et suivants du code des assurances).

32. Au-delà des actifs couvrant les engagements réglementés, les assureurs disposent, à tout moment, d'un niveau de fonds propres appelé " marge de solvabilité ", lequel doit être supérieur à un niveau minimal réglementaire, déterminé par rapport à certaines caractéristiques de l'assureur (art. R. 334-1 et suivants du code des assurances).

33. L'article L. 310-18 du code des assurances prévoit qu'en cas de manquement aux obligations précédemment définies, la commission de contrôle des assurances peut prononcer à l'encontre de l'assureur défaillant les sanctions suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ; 4° La suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants de l'entreprise ; 5° Le retrait total ou partiel d'agrément ; 6° Le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats.

IV - Le régime de la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat :

34. Les décisions litigieuses de la CCA présentent le caractère de sanctions, ainsi que le mentionnent d'ailleurs expressément les dispositions de l'article L. 310-18 du code des assurances, ou font suite à de telles sanctions. Il appartient au juge administratif, dans l'hypothèse d'une irrégularité formelle ou procédurale, de déterminer si une même décision pouvait légalement être prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière (C.E., 18 novembre 2015, Sereme, n° 380461). La seule méconnaissance, ainsi que l'a jugé la Cour par son arrêt avant dire droit du 5 juin 2008, par l'administration de son obligation d'impartialité n'étant pas d'une nature ou d'une gravité telle qu'elle aurait fait obstacle au prononcé des sanctions en cause et une telle irrégularité ne pouvant, en elle-même, être à l'origine d'un préjudice.

V - Sur la régularité de l'expertise :

35. M. Laurent fait valoir un certain nombre de moyens à l'encontre des opérations d'expertise, et demande que cette dernière soit écartée des débats et que, le cas échéant, une nouvelle expertise soit ordonnée par la Cour.

S'agissant du moyen tiré du manquement de l'expert à l'obligation d'impartialité :

36. M. Laurent fait valoir que l'expert désigné a, par un décret du 13 juillet 2009 du Président de la République, pris sur proposition du ministre chargé des finances, été fait récipiendaire du titre de chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur, cette décoration lui ayant été remise le 28 janvier 2010.

37. M. Laurent soutient que la remise de cette décoration pendant le déroulement des opérations d'expertise, alors que le ministre des finances était partie au présent litige, a porté atteinte à l'obligation d'impartialité de l'expert.

38. M. Laurent en veut pour preuve qu'une première étape des opérations d'expertise s'est terminée par une note aux parties du 31 juillet 2009, laquelle était favorable aux thèses qu'il soutenait, et que c'est par une note du 23 décembre 2009 que l'expert est revenu sur ses positions initiales. M. Laurent a produit le 25 janvier 2010 un dire en réponse à cette dernière note, qui n'a suscité aucune réponse de la part de l'expert avant que ne soit déposé, le 15 février suivant, le rapport définitif.

39. Toutefois, d'une part, la nomination dans l'Ordre de la Légion d'honneur n'est pas, par elle-même, nonobstant la circonstance qu'elle soit intervenue sur proposition du ministre chargé des finances, de nature à susciter un doute sur l'impartialité de l'expert, dès lors, en particulier, qu'il n'est pas contesté que le récipiendaire satisfaisait, de par ses services et activités professionnelles tels qu'ils ressortent du décret le distinguant, aux conditions exigées pour se voir décerner cette décoration.

40. D'autre part, le contenu du rapport déposé devant la Cour, très précis et argumenté, s'il est permis d'en contester les conclusions, ne révèle pas un parti pris de son auteur. La circonstance que la note aux parties remise le 31 juillet 2009 soit plus favorable à M. Laurent que le rapport final ne révèle pas non plus la partialité de l'expert.

41. En conséquence, M. Laurent n'est pas fondé à soutenir que la Cour doit, de ce chef, écarter le rapport de l'expert et se prononcer, sauf à ordonner une nouvelle expertise, compte tenu des autres éléments figurant au dossier.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire au cours de l'expertise :

42. M. Laurent soutient que l'expert en ne répondant pas à son dire du 25 janvier 2010 a méconnu le principe du contradictoire, et il se réfère aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative aux termes desquelles : " (...) Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".

43. Il ne ressort pas des éléments du dossier que le principe du contradictoire a été méconnu. En particulier, et en tout état de cause, les dispositions précitées de l'article R. 621-7 du code de justice administrative n'imposent pas à l'expert de répondre aux dires des parties, mais seulement de consigner leurs observations dans son rapport.

S'agissant des autres moyens tirés de la manière dont l'expert a rempli la mission qui lui était confiée :

44. M. Laurent soutient que dans sa note de synthèse du 23 décembre 2009, l'expert a effectué un retraitement comptable des exercices antérieurs à 1999, et a ainsi excédé sa mission.

45. La première mission confiée à l'expert par le jugement avant-dire-droit était effectivement de réunir tous éléments de fait sur l'existence d'une situation nette négative des sociétés ICD SA et ICD Vie à la fin de l'exercice clos le 31 décembre 1999, ainsi qu'à la date des décisions litigieuses.

46. Si, en outre, l'expert, d'une part, a mentionné qu'aucun événement postérieur n'était de nature à remettre en cause les constats effectués à la fin de l'exercice clos et à la date des décisions litigieuses et, d'autre part, a effectué un retraitement des exercices antérieurs, ces circonstances ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à entacher d'irrégularité l'expertise. En outre, les constations de l'expert pour les exercices comptables antérieurs à 1999 apportent des précisions utiles sur la situation comptable des sociétés à la fin de l'exercice clos en 1999 et peuvent être prises en compte comme un élément de fait du dossier.

47. Il est également reproché à l'expert, d'une part, d'avoir utilisé un critère de récurrence des flux et d'avoir élaboré de sa propre initiative un plan d'affaires et d'en avoir tiré des conclusions négatives quant à la situation de la société ICD Vie, et par voie de conséquence, quant à la situation de la société ICD SA et, d'autre part, de ne pas avoir pris en compte le dire du 25 janvier 2010.

48. Toutefois, d'une part, les critiques de M. Laurent en ce qu'elles portent sur les méthodes utilisées par l'expert ne sont pas, en elles-mêmes, de nature à remettre en cause la régularité de l'expertise. D'autre part, M. Laurent a, en tout état de cause, été mis à même de discuter le contenu de la note de synthèse du 23 décembre 2009 et s'est livré à sa critique par le dire susmentionné du 25 janvier 2010, lequel a bien fait l'objet, ainsi qu'il a été dit, d'une consignation au rapport.

49. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que M. Laurent n'est pas fondé à soutenir que le rapport de l'expert est entaché d'irrégularité et doit être écarté des débats.

VI - Sur le caractère justifié des sanctions :

Concernant le respect du niveau de fonds propres ou " marge de solvabilité " :

50. S'agissant de la société ICD Vie, l'expert a considéré que la période de 1996 à 1998 constituait pour cette société une période de mutation.

51. En effet, cette société avait initialement développé son activité dans le domaine des contrats d'assurance en matière de risque décès et risque incapacité-invalidité des contrats emprunteurs, grâce à de nombreux accords avec les caisses régionales du Crédit agricole.

52. Pour la période concernée, la société avait mis fin progressivement à sa collaboration avec le Crédit agricole et était à la recherche de nouvelles activités. Ainsi, la société ne conservait plus que la liquidation des sinistres apparus avant le 31 décembre 1995 sur les contrats souscrits par les clients de la caisse de Crédit agricole centre et la gestion des contrats emprunteurs de la caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan souscrits jusqu'au 31 décembre 1997.

53. S'agissant, plus spécifiquement de l'année 1999, sur laquelle portait expressément la mission d'expertise, d'après les comptes arrêtés par l'administrateur provisoire, certifiés par les commissaires aux comptes et approuvés en assemblée générale des actionnaires, le montant des capitaux propres étaient de 32,7 millions de francs. L'expert quant à lui estimait qu'à la fin de l'année 1999, le montant de 29,2 millions de francs devait être retenu pour les capitaux propres, lequel montant était suffisant pour faire face au besoin de marge de solvabilité réglementaire.

54. S'agissant de la société ICD SA, dans le cadre des opérations d'expertise, la commission de contrôle des assurances a indiqué qu'elle entendait limiter ses griefs au point suivant, les titres ICD Vie (49,9 MF) et Louxor Valenpré auraient dû faire l'objet de provisions qui auraient ramené le montant des capitaux propres d'ICD SA à un montant négatif.

55. L'expert quant à lui a estimé que si les titres de Louxor Valenpré avaient été correctement valorisés, en revanche la valeur des titres ICD Vie auraient dû être ramenée à 0. Il en résultait que le montant des capitaux était négatif pour la société ICD SA à hauteur de 13,4 millions de francs à la fin de l'année 1999, et qu'étaient méconnues les règles de solvabilité.

56. L'évaluation des titres ICD Vie, telle que s'y est livré l'expert, est contestée par M. Laurent. Celui-ci fait notamment valoir que le commissaire aux comptes avait validé le bilan et que pour arriver à une valeur nulle, l'expert utilise uniquement la méthode des flux de trésorerie actualisés, approche qui serait contraire aux règles définies par l'article 332-3 du plan comptable général, lequel préconise l'utilisation simultanée de plusieurs méthodes d'évaluation, cette pluralité de méthodes étant également recommandée par la Commission nationale des commissaires aux comptes.

57. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'expert mettrait en oeuvre sa méthode après avoir élaboré de son propre chef un plan d'affaires qui aboutit à des cash flow négatifs dont la somme actualisée vient réduire les capitaux propres de la société ICD Vie à zéro.

58. Selon le requérant, les capitaux propres d'ICD Vie sont positifs de

29,2 millions de francs, valeur " d'actif net comptable ", qui ne prend pas en compte la valeur que représente les portefeuilles de contrats d'assurance. Dans tous les cas, les marges réglementaires sont satisfaites.

Concernant la couverture des engagements réglementés :

59. L'expert et l'administration s'accordent sur ce que cette couverture n'est pas assurée.

60. Pour ICD Vie, selon l'expert, les actifs admis en représentation, pour la couverture des risques, étaient, à la fin de l'année 1999 insuffisants à hauteur de 70,3 millions de francs. Cette situation s'explique essentiellement par des créances non encore encaissées sur les réassureurs, dont la créance de 65 millions de francs d'Hannover Ré provenant du traité en quote-part sur le " run-off " de la caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan.

61. Pour ICD SA, les actifs admis en représentation sont, à la fin de l'année 1999, insuffisants à hauteur de 106,2 millions de francs.

62. La situation de ces sociétés n'ayant pas, par la suite et jusqu'aux dates des décisions litigieuses de la CCA, évolué, comme il résulte du rapport de l'expert et comme le soutient le ministre, sans être sérieusement contesté.

63. M. Laurent ne conteste pas les éléments comptables retenus tant par le ministre que par l'expert pour calculer les taux de couverture. Cependant, d'une part, il se fonde sur une circulaire B1/135 du 11 janvier 1974 du directeur des assurances du ministère de l'économie et des finances adressée au président de la Fédération française des sociétés d'assurances relative à la comptabilisation des recours, pour soutenir que doivent être pris en compte, parmi les recours affectés à la représentation des provisions techniques non seulement, ainsi que le soutient le ministre, les recours encaissés au cours de l'exercice inventorié, mais également les recours ultérieurs. D'autre part, il soutient que la position de la CCA a changé quant aux règles d'enregistrement des sinistres.

64. Aux termes de l'article R. 331-1 du code des assurances dans sa version applicable aux faits : " Les engagements réglementés dont les entreprises mentionnées à l'article L 310-1 doivent, à toute époque, être en mesure de justifier l'évaluation sont les suivants : 1° Les provisions techniques suffisantes pour le règlement intégral de leurs engagements vis-à-vis des assurés ou bénéficiaires de contrats ; (...) ". L'article R. 332-2 du même code énumère les actifs admis en représentation des engagements réglementés, au nombre desquels ne figurent pas les recours à encaisser.

65. En premier lieu, la circulaire dont se prévaut M. Laurent pour l'application de ces dispositions porte, dans son point 1, sur les règles relatives à l'inscription de recours au bilan et, dans son point 2, sur l'" Affectation de recours à la représentation des provisions techniques : A l'état B 4 du dossier annuel, peut être affecté à la ligne : " Recours admis " le montant au plus égal à celui des deux montants suivants, pour chaque catégorie de risques : a. les prévisions de recours inscrites au bilan comme il est dit en 1° d. ci-dessus ; b. Les recours encaissés au cours de l'exercice inventorié ".

66. M. Laurent soutient que " les recours admis " doivent s'entendre comme pouvant être égaux au montant le plus élevé des prévisions de recours inscrites au bilan ou des recours encaissés au cours de l'exercice inventorié.

67. Le ministre chargé des finances soutient, au contraire, que le montant des recours admis doit s'entendre comme étant au plus égal au plus faible des deux montants constitués par les recours inscrits au bilan ou les recours encaissés au cours de l'exercice inventorié.

68. A l'appui de son interprétation, le ministre invoque une précédente circulaire du 20 janvier 1969, laquelle était plus explicite en ce qu'elle disposait que " les recours ainsi admis à l'actif pouvant être affectés à la représentation de la provision pour sinistre à payer dans la limite, toutefois, du montant des recours encaissés au cours de l'exercice inventorié ". C'est également en ce sens que se prononce, par un courrier du 24 septembre 2009 la Fédération française des sociétés d'assurances.

69. Par ailleurs, l'expert quant à lui, après avoir souligné qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'interprétation de la circulaire, s'agissant d'une question juridique, fait valoir que, d'un point de vue économique, " l'interprétation proposée par la CCA est la plus pertinente...en effet, elle permet d'éviter qu'un déséquilibre entre la durée de paiement des sinistres et la durée d'encaissements des recours ne conduise une compagnie d'assurance, disposant par ailleurs de fonds propres suffisants pour faire face à son besoin de marge de solvabilité, à la cessation de paiement... ".

70. La circulaire dont s'agit, quelle que puisse, en tout état de cause, être sa portée juridique, institue une tolérance par rapport aux règles instituées par les dispositions des articles R. 331-1 et R. 332-2 du code des assurances, lequel, ainsi qu'il a été dit, n'énumère pas les recours à encaisser au nombre des actifs admis en représentation des provisions techniques. Elle doit nécessairement être interprétée strictement, eu égard, en particulier, aux buts de ces dispositions, qui est de sauvegarder les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats.

71. Le règlement intégral des engagements des assureurs vis-à-vis des assurés et bénéficiaires de contrat, à tout moment, ainsi qu'il est mentionné à l'article R. 331-1 du code des assurances implique ainsi que le montant des recours admis en représentation des provisions techniques soit au plus égal au plus faible des montants des prévisions de recours inscrites au bilan ou des recours encaissés au cours de l'exercice inventorié.

72. En second lieu, aux termes de l'article A 342-6 du code des assurances, les sinistres doivent être enregistrés dès qu'ils sont connus, l'existence d'un recours pour l'assureur ne dispensant pas d'enregistrer une provision. Contrairement à ce que soutient

M. Laurent, la position de la CCA n'a jamais varié sur ce point.

En conclusion :

73. Le débat sur la méthode de valorisation des titres des sociétés ICD Vie et ICD SA n'a de portée au regard de la réglementation prudentielle d'assurance, ainsi que le fait valoir le ministre dans le dernier état de ses écritures, que si la poursuite d'activité de ces sociétés avait été susceptible d'être autorisée.

74. Or, ainsi qu'il a été dit, le défaut de couverture pouvait conduire à une cessation de paiements des sociétés, de nature à compromettre les intérêts des assurés et des bénéficiaires de contrats, compte tenu du déséquilibre entre la durée de paiement des sinistres et la durée d'encaissements des recours. Cette durée s'accroissait au fil du temps, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, et ce à supposer même que les recours inscrits au titre des provisions réglementées par les sociétés ICD Vie et ICD SA aient présenté un caractère certain.

75. Il résulte de ce qui précède que l'absence de respect de la couverture des engagements réglementés était, à elle seule, de nature à justifier les mesures de retraits d'agrément et de transfert du portefeuille des contrats. En effet, ces mesures étaient indispensables, dans les circonstances de l'espèce, pour garantir la protection des assurés et bénéficiaires des contrats.

76. S'agissant, plus spécifiquement, de la mesure de blâme et de la sanction financière dont a fait l'objet M. Laurent sur le fondement de l'article L. 310-18 du code des assurances, celle-ci était également justifiée. En effet, en ses qualités de président des sociétés et de maître de l'affaire, M. Laurent ne pouvait ignorer la nature et la gravité du manquement aux règles de couverture des engagements réglementés dont se sont rendues coupables les sociétés. Au surplus, M. Laurent a fait procéder à d'importantes distributions de dividendes, de nature à fragiliser la situation des sociétés, également en termes de ratio de solvabilité, ce qu'il ne pouvait ignorer, et il s'est refusé à faire procéder à la restitution de ces dividendes, ainsi qu'il lui était demandé par la CCA, et à recapitaliser les sociétés.

77. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de la requête de M. Laurent tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser en conséquence des préjudices qu'il a subis en raison des décisions irrégulières de la CCA doivent, en tout état de cause, être rejetées.

78. Si, enfin, M. Laurent se plaint également de ce qu'il a fait l'objet d'un harcèlement à raison de deux plaintes déposées à son encontre en mai 2000 et mars 2002 par la CCA, lesquelles ont fait l'objet d'un classement sans suite, et de ce qu'en outre, la CCA a saisi, le 23 avril 2003, la Commission de contrôle des banques au motif que la société Surety Fund, qu'il avait récemment créée, consacrerait son activité au crédit-bail et ferait l'objet d'investigations judiciaires, il n'établit pas, en tout état de cause, le caractère fautif des agissements de la CCA, ni ne démontre que ceux-ci seraient à l'origine d'un préjudice.

VII - Sur les dépens :

79. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 142 503,40 euros par une ordonnance du 13 avril 2010, doivent être mis à la charge de M. Laurent.

VIII - Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

80. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés par M. Laurent dans la présente instance soient mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Laurent est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 142 503,40 euros, sont mis à la charge de M. Laurent.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Laurent et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à M.C....

Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 avril 2016.

Le président assesseur,

I. LUBENLe président-rapporteur,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 13PA04827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04827
Date de la décision : 14/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Assurance et prévoyance - Organisation de la profession et intervention de la puissance publique.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère contradictoire de l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL VEROUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-14;13pa04827 ?
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