Vu la décision en date du 16 mai 2012, enregistrée le 21 mai 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris sous le n° 12PA02234, par laquelle le Conseil d'Etat, après cassation de l'arrêt n° 08PA04498 du 2 juillet 2010 de la sixième chambre de la Cour de céans, a renvoyé l'affaire à la Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 26 août 2008, présentée pour M. A... D..., demeurant..., par Me B... ; M. D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0426100/3-2 en date du 2 juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 octobre 2004 par laquelle le préfet de police a refusé l'échange de son permis de conduire argentin contre un permis français et de sa décision du 1er décembre 2004 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de procéder à cet échange ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à cet échange dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 152 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 19 mars 2013 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeB..., pour M.D... ;
1. Considérant que M. D...a sollicité le 23 septembre 2004 l'échange de son titre de conduite argentin, obtenu le 17 mai 1985 et renouvelé en dernier lieu le 9 avril 2004, contre un permis de conduire français ; que, par la décision contestée du 8 octobre 2004, confirmée le 1er décembre 2004 par une réponse à un recours gracieux, le préfet de police a refusé cet échange ; que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à cet échange ; qu'il y a lieu, pour la Cour de statuer à nouveau sur l'appel interjeté par M. D...contre ce jugement, après cassation de l'arrêt susvisé en date du 2 juillet 2010 et renvoi de l'affaire par le Conseil d'État ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen, pris pour l'application de ces dispositions : " 7.1 Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire national, délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, doit répondre aux conditions suivantes : 7.1.1. Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve que cet Etat procède, de manière réciproque, à l'échange du permis de conduire français (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 du même arrêté : " Le ministre chargé des transports établit, après consultation du ministre des affaires étrangères, la liste des Etats qui accordent aux ressortissants français les avantages ou privilèges analogues à ceux mentionnés aux articles 4 et 7.1.1 ci-dessus. Il porte cette liste à la connaissance des préfets. " ; que ces dispositions, en vigueur à la date des décisions de refus contestées, ne subordonnent l'échange d'un permis de conduire étranger entrant dans le champ d'application de l'article R. 222-3 du code de la route à la conclusion d'aucun d'accord formel entre la France et l'Etat au nom duquel le permis a été délivré ; que l'absence de mention d'un Etat sur la liste prévue par ces mêmes dispositions alors en vigueur ne fait pas obstacle à l'échange d'un permis de conduire, sans que l'intéressé ait subi les épreuves que comporte l'examen du permis de conduire, s'il est établi, par tout moyen, que cet Etat qui l'a délivré procède effectivement, dans les mêmes conditions, à l'échange des permis de conduire français et si aucun motif tiré de l'incompatibilité, avec les exigences de la sécurité routière, des conditions dans lesquelles le permis a été délivré ne s'y oppose ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces dossier que, par la décision contestée en date du 8 octobre 2004, le préfet de police a refusé de procéder à l'échange du titre de conduite argentin de M. D...au motif de l'absence d'un accord de réciprocité entre l'Argentine et la France en matière d'échange de permis de conduire ; que, sur le recours gracieux de M.D..., par la décision en date du 1er décembre 2004, le préfet de police a confirmé ce refus au motif supplémentaire que l'Argentine ne figurait pas sur la liste établie par le ministre des transports prévue à l'article 14 de l'arrêté susmentionné sans faire état d'aucune condition faisant obstacle à cet échange ; que, dès lors, les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions précitées ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées des 8 octobre et 1er décembre 2004 par lesquelles le préfet de police a refusé d'échanger son titre de conduite argentin contre un permis de conduire français ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que M. D...demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre sous astreinte au préfet de police de procéder à l'échange de son titre de conduite dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
7. Considérant qu'il appartient à la Cour, en qualité de juge de l'exécution, de statuer en tenant compte des éléments de droit et de fait existant à la date du présent arrêt ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen, publié le 20 janvier 2012, dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " I. - Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : / A-. Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de cet arrêté : " Une liste des Etats dont les permis de conduire nationaux sont échangés en France contre un permis français est établie conformément aux articles R. 222-1 et R. 222-3 du code de la route. Cette liste précise pour chaque Etat la ou les catégories de permis de conduire concernée (s) par l'échange contre un permis français. Elle ne peut inclure que des Etats qui procèdent à l'échange des permis de conduire français de catégorie équivalente et dans lesquels les conditions effectives de délivrance des permis de conduire nationaux présentent un niveau d'exigence conforme aux normes françaises dans ce domaine. / Les demandes d'échange de permis introduites avant la date de publication au JORF de la liste prévue au premier alinéa du présent article sont traitées sur la base de la liste prévue à l'article 14 de l'arrêté du 8 février 1999 modifié fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen. " ; qu'aux termes de l'article 15 de ce même arrêté : " L'arrêté du 8 février 1999 modifié fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen est abrogé à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté, à l'exception de son article 14, qui est abrogé à compter de la date de publication de la liste prévue au premier alinéa de l'article 14. " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'échange des titres de conduite est désormais expressément subordonné à l'existence d'un accord formel de réciprocité entre la France et l'État considéré ; que, d'autre part, cet arrêté, à la date de son entrée en vigueur, a abrogé l'arrêté susmentionné en date du 8 février 1999, à l'exception de l'article 14 de l'arrêté précité abrogé à compter de la date de publication de la liste prévue au premier alinéa de son article 14, liste où, en tout état de cause, ne figure pas encore l'Argentine ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel accord formel de réciprocité ait été conclu entre la France et l'Argentine ; que, dès lors, à la date du présent arrêt, M. D...ne remplissait pas les conditions de l'article 5 du nouvel arrêté susmentionné et notamment pas la condition figurant au A de cet article de nature à lui ouvrir droit à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à l'échange de son titre de conduite ;
10. Considérant, toutefois, que M. D...soutient que la condition de l'article 5 du nouvel arrêté susmentionné du 12 janvier 2012 imposant désormais l'existence d'un accord formel de réciprocité ne peut lui être opposée sauf à méconnaître l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que, en vertu des dispositions combinées des articles 14 et 15 du nouvel arrêté, l'échange de son titre de conduite doit être traité en application de la condition de réciprocité de fait en vigueur sous l'empire de l'ancien arrêté ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que M. D...ait entendu soulever le moyen tiré de ce que le juge de l'exécution devrait laisser inappliquée la condition d'existence de l'accord formel de réciprocité prévue à l'article 5 du nouvel arrêté, condition qui ne peut, selon lui, lui être opposée, sauf à méconnaître les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son droit à un procès équitable en ce que le présent litige, engagé il y a plus de neuf ans, verrait son dénouement affecté par la modification de la réglementation susmentionnée qu'il dit intervenue en opportunité un mois avant l'audience devant le Conseil d'État, il n'établit pas par ces allégations que cette modification présenterait à cet égard les caractères d'une ingérence illégale du pouvoir réglementaire dans l'administration de la justice dès lors que les nouvelles dispositions réglementaires n'ont aucune portée rétroactive et qu'elles doivent être regardées, non comme étant intervenues dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige, mais, au contraire, comme ayant été prises au motif d'intérêt général de clarification et de simplification de la réglementation en cause ;
12. Considérant, en second lieu, d'une part, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions combinées des articles 14 et 15 du nouvel arrêté n'ont nullement pour objet de maintenir en vigueur le régime de l'ancien arrêté, et notamment pas l'examen des conditions de l'échange au regard de la réciprocité de fait entre États, jusqu'à la publication de la liste prévue au premier alinéa de l'article 14 du nouvel arrêté mais seulement de maintenir en vigueur jusque-là la liste établie en application de l'article 14 de l'ancien arrêté ; que, d'autre part, à supposer qu'il ait entendu exciper de l'illégalité de cette liste en ce qu'elle ne comportait pas l'Argentine, cette circonstance, en l'espèce, est sans incidence sur l'office du juge de l'exécution, tenu de constater que le requérant ne remplit pas la condition d'existence d'un accord formel de réciprocité prévue à l'article 5 du nouvel arrêté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'annulation des décisions contestées n'implique pas nécessairement que le préfet de police échange le titre de circulation argentin de M. D...contre un permis de conduire français ; qu'elle lui impose seulement de procéder à un nouvel examen et de statuer à nouveau sur la demande dont il est saisi en fonction des motifs du présent arrêt et de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision à intervenir ; qu'il y a lieu, en conséquence, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prescrire au préfet de police de procéder à ce réexamen et de statuer à nouveau sur la demande d'échange du titre de conduite argentin présentée par M. D...dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1000 euros, au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 2 juillet 2008 et les décisions susvisées du préfet de police des 8 octobre et 1er décembre 2004 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer et de statuer à nouveau sur la demande de M. D...tendant à l'échange de son titre de conduite argentin contre un permis de conduire français dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. D...la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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