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26/11/2008 | FRANCE | N°07PA00999

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 novembre 2008, 07PA00999


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2007, présentée pour la société anonyme AUTOMOBILES CITROËN, dont le siège social est 12 rue Fructidor à Paris (75017), prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, par Me Gatineau, avocat de la S.C.P. Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SA AUTOMOBILES CITROËN demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-09029 en date du 12 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisa

tions supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités y afférente...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2007, présentée pour la société anonyme AUTOMOBILES CITROËN, dont le siège social est 12 rue Fructidor à Paris (75017), prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, par Me Gatineau, avocat de la S.C.P. Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SA AUTOMOBILES CITROËN demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-09029 en date du 12 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités y afférentes auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998, dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités y afférentes auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998, dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, modifié par l'acte unique européen signé les 17 et 28 février 1986 et le traité sur l'Union Européenne signé le 7 février 1992 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2008 :

- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,

- les observations de Me Gatineau, pour la SA AUTOMOBILES CITROËN,

- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SA AUTOMOBILES CITROËN portant sur les années 1995 à 1998, le service, qui avait relevé que cette société n'avait pas compris dans l'assiette de sa taxe professionnelle des outillages mis en dépôt gratuitement auprès de sous-traitants situés à l'étranger, a mis en recouvrement le 31 décembre 1998, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998, pour un montant global de 23 086 675 F ; que sur réclamations de la société, ce montant a été ramené le 7 avril 2000, par application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, à 11 911 241 F, soit 1 815 857 euros ; que par la présente requête, la SA AUTOMOBILES CITROËN relève appel du jugement en date du 12 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges qui ont fait application de la rétroactivité prévue par les dispositions du II de l'article 59 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003, ont omis de statuer sur le moyen de la société requérante tiré de l'incompatibilité de ce texte avec les exigences résultant de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la société appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris est irrégulier en la forme et à en demander, par voie de conséquence, l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA AUTOMOBILES CITROËN devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que la SA AUTOMOBILES CITROËN qui fait appel pour la réalisation de certaines pièces entrant dans la production de véhicules automobiles, à des sous-traitants étrangers qui les fabriquent à partir d'outillages restant la propriété de la société requérante, mis gratuitement à leur disposition par cette dernière, demande la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1995 à 1998, dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine, en raison de la prise en compte dans ses bases d'imposition de la valeur locative de ces immobilisations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ; que les immobilisations dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté par l'administration fiscale que les immobilisations en cause, dont la société CITROËN conservait la propriété, étaient constituées d'outillages spécifiquement adaptés que cette dernière mettait gratuitement à la disposition de sous-traitants établis à l'étranger afin de leur permettre de réaliser les pièces dont elle passait commande dans le cadre de son activité de production de véhicules automobiles ; que, toutefois, ces sous-traitants utilisaient eux-mêmes pour la réalisation des opérations de fabrication relevant de leur activité propre de fournisseurs les outillages que la société CITROËN mettait à leur disposition en tant que donneur d'ordres ; que dans ces conditions ces derniers étaient réputés disposer de ces outillages au sens des dispositions précitées de l'article 1467 1° a) du code général des impôts, nonobstant la circonstance que cette activité était exercée à l'intention du donneur d'ordres, celui-ci n'ayant pas, en l'espèce, utilisé matériellement ces immobilisations pour la réalisation des opérations qu'il effectue ; que, par voie de conséquence, la SA AUTOMOBILES CITROËN était fondée à ne pas prendre en compte lesdits outillages dans la base de la taxe professionnelle dont elle est redevable ;

Mais, considérant il est vrai que l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003, en date du 30 décembre 2003, a modifié la portée de l'article 1469 3° bis du code général des impôts, en précisant que : I (...) Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou à défaut de leur locataire ou, à défaut de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle. II. Les dispositions du I s'appliquent aux impositions relatives à l'année 2004 ainsi qu'aux années ultérieures et sous réserve des décisions passées en force de chose jugée aux impositions relatives aux années antérieures. ; que la société CITROËN conteste la compatibilité de l'application rétroactive, prévue par cette disposition, de l'article 1469 3°bis du code général des impôts résultant de cette même loi, avec les stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il appartient toutefois à la cour, dans l'exercice des pouvoirs que son office implique, d'examiner non seulement le champ d'application dans le temps de la disposition litigieuse, seul explicitement débattu par les parties, mais encore, et sans qu'il soit besoin de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative imposant aux juridictions administratives l'obligation de communiquer aux parties les moyens qu'elles relèvent d'office, son champ d'application territorial ; que les dispositions précitées, qui désignent le redevable de la taxe professionnelle pour des biens mis gratuitement à disposition, ne sauraient viser les biens matériellement utilisés par des sous-traitants établis à l'étranger lesquels, de ce seul fait, ne sont pas passibles de la taxe professionnelle ; que, dès lors, l'administration fiscale ne peut se prévaloir desdites dispositions pour maintenir la valeur locative de l'outillage mis à la disposition de ces sous-traitants dans la base imposable de la taxe professionnelle à laquelle la SA AUTOMOBILES CITROËN a été assujettie au titre des années 1995 à 1998 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de faire un renvoi préjudiciel à la Cour de justice des communautés européennes, que la SA AUTOMOBILES CITROËN doit être déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités y afférentes, auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1995 à 1998, à raison de l'intégration dans les bases d'imposition de la valeur locative d'immobilisations mises à disposition gratuite de fournisseurs étrangers ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SA AUTOMOBILES CITROËN une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 12 janvier 2007 est annulé.

Article 2 : La SA AUTOMOBILES CITROËN est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des pénalités y afférentes, auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1995 à 1998, dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine.

Article 3 : L'Etat versera à la SA AUTOMOBILES CITROËN une somme de 2 000 euros (deux milles euros), en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 07PA00999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA00999
Date de la décision : 26/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE PROFESSIONNELLE. ASSIETTE. - EQUIPEMENTS ET BIENS MOBILIERS MIS GRATUITEMENT À LA DISPOSITION DE SOUS-TRAITANTS ÉTABLIS À L'ÉTRANGER [RJ1] - EXCLUSION.

z19-03-04-04z Pour la détermination de l'assiette de la taxe professionnelle, les immobilisations dont dispose une entreprise au sens de l'article 1467 du code général des impôts (CGI) sont les biens placés sous son contrôle et qu'elle utilise matériellement pour réaliser ses opérations. L'article 59 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003, assorti d'un effet rétroactif et codifié sous le 3° bis de l'article 1469 du CGI, prévoit, par exception à cette règle, que lorsqu'une entreprise dispose en droit d'un équipement ou d'un bien mobilier, mais qu'elle en consent l'usage gratuitement à une autre entreprise, par exemple un sous-traitant, la taxe pèse sur la détentrice du titre juridique sur le bien et non sur son utilisatrice matérielle. Ces dispositions ne sauraient toutefois viser les biens matériellement utilisés par des sous-traitants établis à l'étranger lesquels, de ce seul fait, ne sont pas passibles de la taxe professionnelle.


Références :

[RJ1]

Cf., sur les critères de la mise à disposition d'immobilisations corporelles pour les besoins de l'activité, CE, 19 avril 2000, min. c/ SA Fabricauto-Essarauto, n° 172003, T. p. 945 ;

sur la portée de l'article 59 de la LFR pour 2003, CE, 3 novembre 2006, Organisation professionnelle Les Fondeurs de France et autres, n°s 277322 et autres, inédite au Recueil, RJF 1/07 n° 32.


Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: Mme EVGENAS
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-11-26;07pa00999 ?
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