Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2314387 du 10 juillet 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2025, M. A... B..., représenté par
Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché de contradictions, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu tel qu'il résulte de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire-Atlantique qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen né le 16 janvier 1997 a déclaré être entré irrégulièrement en France le 16 septembre 2019 et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision du 2 novembre 2020 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée par un arrêt du 17 février 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable par une décision du 17 février 2021 du directeur de l'OFPRA et son recours formé contre cette décision a été rejeté par la CNDA le 8 septembre 2022. Par un arrêté du 10 mai 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé la délivrance d'un titre de séjour sollicité par M. B... pour raison de santé et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... a été interpellé le 26 septembre 2023 par les services de police pour conduite sans permis et placé en garde à vue. Par un arrêté du 27 septembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par un jugement du 10 juillet 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où la magistrate désignée du tribunal administratif aurait commis, comme le soutient le requérant une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
3. En second lieu, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier en raison d'une telle contradiction doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et rappelle les éléments de la situation personnelle et du parcours de M. B... qui font qu'il relève des hypothèses, visées par ces dispositions, dans lesquelles l'autorité préfectorale peut légalement décider de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français. La mesure d'éloignement en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.
5. En deuxième lieu, il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu, moyen que M. B... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la
Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de
M. B....
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
8. Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
9. Par un arrêt n° 23NT01367 du 14 novembre 2023 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé la légalité de l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande de titre de séjour pour motifs de santé présentée par M. B... en jugeant que si l'absence de prise en charge médicale de l'hépatite B chronique dont il est atteint aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, il peut bénéficier d'un suivi médical dans son pays d'origine, et que pour les autres pathologies invoquées, d'ordre urologique et ophtalmologique ainsi que des épisodes vertigineux qui ont nécessité des investigations médicales, les pièces produites ne permettent pas d'établir que ces pathologies nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant soutient que depuis l'arrêté du préfet du 10 mai 2021, l'évolution de son état de santé, qui nécessite un suivi médical pluridisciplinaire en France en raison de plusieurs pathologies, fait obstacle à son éloignement sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, comme l'a relevé à juste titre la première juge, les pièces produites en première instance ne permettent pas d'établir, qu'à la date de l'arrêté contesté, l'état de santé de M. B... aurait notablement évolué depuis l'arrêté du 10 mai 2021 et l'appréciation portée par l'arrêt mentionné de la cour administrative d'appel de Nantes et serait susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ". Ainsi que l'a relevé la première juge, M. B..., célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucune attache personnelle, notamment familiale, sur le territoire français, les engagements bénévoles auprès de certains organismes associatifs ne pouvant suffire à établir que l'intéressé aurait tissé des liens intenses et stables en France. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles il a pris sa décision. M. B... ne saurait par ailleurs utilement faire valoir les risques pour sa santé et sa sécurité en cas de retour en Guinée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'emportent cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la
Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de
M. B... au regard du risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
13. En troisième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyens que M. B... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux et sans qu'il puisse utilement faire valoir qu'il aurait demandé le réexamen de sa demande d'asile postérieurement à la décision contestée.
14. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté alors que le requérant n'établit pas l'existence de risques pour sa santé en cas de retour en Guinée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N°25NT00261 2
1