Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n°2114094 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2023 M. B..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour pendant le temps de cet examen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Néraudau renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII n'emporte aucune présomption ; le défaut de prise en charge médicale entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et son traitement n'est pas disponible en Guinée ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision méconnait les dispositions d l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- il encourt des risques médicaux et personnels en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense en date du 18 aout 2023 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville, rapporteur ;
- et les observations de Me Neraudau représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être entré en France le 14 septembre 2019. Après avoir fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Espagne qui n'a pas été exécutée et d'une décision de rejet de sa demande d'admission à l'asile, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Après avoir recueilli l'avis du collège de médecins de l'OFII, le préfet de la Loire Atlantique, par arrêté du 10 mai 2021, a rejeté la demande de M. B... et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par un jugement n° 2114094 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté portant refus de séjour vise les dispositions dont l'autorité administrative a entendu faire application et rappelle les conditions d'entrée et de séjour de M. B... sur le territoire, le fondement de sa demande de titre de séjour et le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII. L'arrêté expose les considérations pour lesquelles l'autorité a refusé de faire droit à la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, l'arrêté en tant qu'il porte refus de séjour, doit être regardé comme suffisamment motivé au regard des exigences résultant des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Les circonstances que le préfet aurait à tort considéré que le requérant se serait soustrait à l'exécution d'une décision de transfert vers l'Espagne ou mentionnerait un document sans en préciser les références ne sont pas de nature à établir que la motivation de cette décision serait insuffisante. Le moyen tiré de la violation des stipulations mentionnées ci-dessus est écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier, dont il peut solliciter la communication, du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. Pour refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité au regard de son état de santé, le préfet, qui a examiné la situation de l'appelant sans s'estimer tenu par l'avis du 30 décembre 2020, a, faisant sienne la teneur de cet avis, estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont M. B... est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
7. Tout d'abord et ainsi que le fait valoir l'appelant, il ressort des pièces du dossier que l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. En particulier, M. B... bénéficie en France d'un suivi régulier auprès de son médecin traitant dans le cadre de la prise en charge de l'hépatite B chronique dont il est atteint. S'agissant de la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Guinée, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche pays produite par le préfet en première instance, des fiches Medcoi rédigées en 2014 et 2017 et des précisions apportées par le préfet quant à l'existence d'hépato-gastro-entérologue exerçant en Guinée et à la mise en place d'un plan de lutte contre les hépatites virales que le requérant peut effectivement bénéficier d'un suivi de l'hépatite B dont il est atteint. Les certificats médicaux produits par M. B... en appel qui ne font état que de son suivi médical ne sont pas de nature à remettre en cause la possibilité d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine. De même, le plan national de développement du système de santé (PNDS) établi par le ministère de la santé publique en Guinée, le rapport de l'OSAR dénonçant une absence d'assurance maladie dans ce pays et le guide thérapeutique en Guinée, ne permettent pas, eu égard à leur généralité, de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office et l'appréciation portée par le préfet sur l'état de santé du requérant. Par ailleurs, M. B... n'établit pas être personnellement concerné par une pénurie ou un manque de structures hospitalières ou la cherté des médicaments. Si M B... évoque d'autres pathologies d'ordre urologique et ophtalmologique ainsi que des épisodes vertigineux qui ont nécessité des investigations médicales pour en connaitre l'étiologie, les pièces qu'il produit, à savoir les attestations du 2 juillet 2021, 31 mars 2023 et les lettres du 28 septembre 2000 et 8 juin 2023 ne permettent d'établir que ces pathologies nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. B..., célibataire et sans enfant, n'est présent sur le territoire français que depuis un an et huit mois à la date de la décision attaquée et ne justifie d'aucune attache personnelle, notamment familiale, sur le territoire français, les engagements bénévoles auprès de certains organismes associatifs ne pouvant suffire à établir que l'intéressé aurait tissé des liens intenses et stables en France. M. B... ne saurait par ailleurs utilement faire valoir les risques pour sa santé et sa sécurité en cas de retour en Guinée à l'encontre de la décision lui refusant le séjour en France. Le moyen tiré de la violation des stipulations mentionnées ci-dessous est écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision, que M. B... invoque à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été méconnues par le préfet. Le moyen est écarté.
11. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation du droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté pour les mêmes motifs qu'exposés au point 8.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions articulée à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
14. Si M. B... se prévaut de son état de santé pour établir qu'il serait soumis, en cas de retour en Guinée, à un traitement inhumain ou dégradant, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les soins nécessités par l'état de santé du requérant sont disponibles dans son pays d'origine.
15. Si M. B... expose en outre qu'il a adhéré à l'UFDG en 2015 et a milité pour ce parti jusqu'à son incarcération en 2018, qu'il a assisté en mai 2018 à un meeting organisé par sa mère et le vice-président de l'UFDG au cours duquel il a déchiré un drapeau du rassemblement du peuple de Guinée (RPG), qu'il a été ensuite incarcéré et a subi des violences graves, il n'établit cependant pas ses allégations en se prévalant d'articles de presse et de la décision de la CNDA par laquelle cette instance a reconnu la qualité de réfugié à des membres de l'UFDG. Ainsi, il ne démontre pas qu'il serait personnellement et actuellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen est écarté.
16. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs qu'exposés au point 8.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par lui aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01367 2
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