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03/12/2024 | FRANCE | N°22NT04119

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 22NT04119


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2022, 26 mai et

19 novembre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), l'association " Non aux éoliennes mûroises ", Mme I... H..., Mme Q... M..., M. C... B..., M. et Mme N... et P... D..., M. K... O..., Mme R... F..., M. E... J... et Mme L... G..., représentés par Me Le Guen, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a délivré à la société Centrale de Production d'Energie

Renouvelable de Hent Glaz une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2022, 26 mai et

19 novembre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), l'association " Non aux éoliennes mûroises ", Mme I... H..., Mme Q... M..., M. C... B..., M. et Mme N... et P... D..., M. K... O..., Mme R... F..., M. E... J... et Mme L... G..., représentés par Me Le Guen, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a délivré à la société Centrale de Production d'Energie Renouvelable de Hent Glaz une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Guerlédan ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat à chacun des requérants le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent dans le dernier état de leurs écritures que :

- ils justifient d'un intérêt à agir et ont qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté contesté ;

- il n'est pas établi que l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente pour ce faire ;

- l'étude d'impact présente des insuffisances s'agissant de la description des capacités financières, du volet paysager, de la justification des solutions de substitution raisonnables examinées par le maître d'ouvrage, de l'étude de dangers et du volet faune et flore ;

- l'étude d'impact fait référence de manière erronée au schéma régional éolien ;

- la pétitionnaire n'a pas demandé de dérogation sur le fondement des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement, eu égard à l'atteinte au paysage et à la commodité du voisinage, à l'atteinte à la sécurité publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 11 octobre 2023, la société Centrale de Production d'Energie Renouvelable (CPENR) de Hent Glaz, représentée par

Me Gelas, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison du défaut d'intérêt à agir des requérants à l'encontre de l'arrêté contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 18 juillet 2023, le préfet des Côtes-d'Armor conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce un sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pour permettre la régularisation de l'arrêté.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en raison du défaut d'intérêt à agir des requérants à l'encontre de l'arrêté contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par une intervention, enregistrée le 20 novembre 2023, qui n'a pas été communiquée, l'association Sites et Monuments, représentée par Me Le Guen, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête de l'association " Non aux éoliennes mûroises " et autres et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA.

Par une ordonnance du 11 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au

20 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 29 septembre 2005 relatif à l'évaluation et à la prise en compte de la probabilité d'occurrence, de la cinétique, de l'intensité des effets et de la gravité des conséquences des accidents potentiels dans les études de dangers des installations classées soumises à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Le Guen, pour les requérants et l'intervenante et celles de

Me Kerjean-Gauducheau, pour la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz.

Une note en délibéré, présentée pour l'association " Non aux éoliennes mûroises " et autres, a été enregistrée le 2 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 août 2022, le préfet des Côtes-d'Armor a délivré à la société Centrale de Production d'Energie Renouvelable (CPENR) de Hent Glaz une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation de trois éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Guerlédan, commune créée le 1er janvier 2017 par la fusion des communes de Mûr-de-Bretagne et de Saint-Guen qui sont devenues des communes déléguées. L'association " Non aux éoliennes mûroises ", Mme I... H..., Mme Q... M..., M. C... B..., M. et Mme N... et P... D..., M. K... O..., Mme R... F..., M. E... J... et Mme L... G... demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de l'association Sites et Monuments au soutien des conclusions de l'association " Non aux éoliennes mûroises " :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention ".

3. L'association " Sites et monuments ", anciennement dénommée " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ", fondée en 1901 et reconnue d'utilité publique par décret du 7 novembre 1936, a pour but, aux termes de l'article 1er de ses statuts, de défendre de toute atteinte, notamment sur le territoire métropolitain, le patrimoine paysager, rural et environnemental. Son agrément de protection de l'environnement dans le cadre national a été implicitement renouvelé à compter du 1er janvier 2018, pour une période de 5 ans. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, l'association " sites et monuments " justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir contre l'arrêté en litige. Son intervention est recevable. Par ailleurs, cette association a présenté son intervention volontaire, enregistrée le 20 novembre 2023 à 11h12, alors que par une ordonnance intervenue le 11 octobre 2023, la clôture d'instruction était fixée le même jour à 12h00 et qu'à cette date, l'affaire était en état d'être jugée. Dès lors que l'association Sites et Monuments n'invoque aucun moyen nouveau et qu'une intervention ne saurait retarder le jugement de l'affaire principale instruite, cette intervention n'a pas été communiquée aux parties à l'instance.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 22 août 2022 :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté contesté :

4. L'arrêté préfectoral du 22 août 2022 contesté a été signé par M. Cochu, secrétaire général de la préfecture des Côtes-d'Armor, pour le préfet et par délégation. Par un arrêté préfectoral du 25 juillet 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial sous le numéro 22-2022-148, M. Cochu a reçu du préfet des Côtes-d'Armor délégation de signature permanente en toutes matières, à l'exception des règlements généraux de police et de leurs modificatifs, des arrêtés de conflits, des conventions avec le président du conseil départemental prévues par l'article 26 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 et des courriers adressés aux parlementaires, au président du conseil départemental et au président du conseil régional. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

5. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. / (...) ". Aux termes de l'article R. 181-13 du même code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / (...) 5° Soit, lorsque la demande se rapporte à un projet soumis à évaluation environnementale, l'étude d'impact réalisée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3-1, s'il y a lieu actualisée dans les conditions prévues par le III de l'article L. 122-1-1, soit, dans les autres cas, l'étude d'incidence environnementale prévue par l'article R. 181-14 ; / (...) ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ; / (...) 10° L'étude de dangers mentionnée à l'article L. 181-25 et définie au III du présent article ; / (...) III. - L'étude de dangers justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / Cette étude précise, notamment, la nature et l'organisation des moyens de secours dont le pétitionnaire dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre. Dans le cas des installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-8, le pétitionnaire doit fournir les éléments indispensables pour l'élaboration par les autorités publiques d'un plan particulier d'intervention. / L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité et la cinétique des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie agrégée par type d'effet des zones de risques significatifs. (...) ".

S'agissant de la description des capacités financières :

6. Il résulte des dispositions citées au point 5 qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l'installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l'exploitant auquel il a transféré l'autorisation.

7. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation présentée par la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz comprend un dossier administratif et technique dans lequel sont décrites notamment les capacités financières. Il y est indiqué en préalable que la gérance de la société pétitionnaire est assurée par la société ABO Wind France, laquelle est une filiale à 100 % d'ABO Wind AG autrement appelée ABO Wind Allemagne. Il est également précisé que la société ABO Wind France met à la disposition de la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz ses capacités financières et techniques dans le cadre d'une structure contractuelle par laquelle la société porteuse du projet missionne ABO Wind France pour effectuer pour son compte toutes les opérations nécessaires à la construction, à l'exploitation et au démantèlement du parc éolien. La demande détaille encore les capacités financières dont dispose le porteur du projet, à chaque étape de réalisation, depuis l'obtention des autorisations jusqu'au démantèlement du parc. Par suite et dès lors que le dossier est déposé avant la mise en service du parc éolien, la pertinence des capacités financières et des modalités de financement est suffisamment exposée dans la demande.

S'agissant de l'étude de dangers :

8. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude de dangers ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

9. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation comprend une étude de dangers et son résumé non technique. Il ressort de l'étude de dangers que celle-ci a identifié et pris en compte la proximité de deux lignes électriques aériennes à haute tension, l'une passant entre les éoliennes E1 et E2 et l'autre entre les éoliennes E2 et E3. Elle identifie également les dangers potentiels de l'installation projetée au regard des lignes électriques aériennes et en analyse de manière détaillée les risques, qu'elle estime faibles eu égard aux données disponibles et aux calculs de probabilité opérés et exposés. De plus, l'étude de dangers comprend en annexe un courrier de Réseau de transport d'électricité (RTE) du 11 octobre 2016 indiquant que si l'arrêté interministériel du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire le transport et la distribution d'énergie électrique ne fixe pas de distance minimale spécifique entre les éoliennes et les lignes électriques, il serait souhaitable qu'une distance, supérieure à la hauteur des éoliennes (pales comprises) soit respectée afin de limiter les conséquences graves d'une chute ou de la projection de matériaux, pour la sécurité des personnes et des biens. Dans ces conditions, les risques relatifs à la proximité immédiate de deux lignes électriques aériennes à haute tension ont été suffisamment analysés dans l'étude de dangers.

S'agissant de l'étude d'impact :

10. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". Il résulte du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les projets de parcs éoliens soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement sont soumis à évaluation environnementale. Figurent au sein de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et comprenant au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 50 mètres. Aux termes de l'article R. 122-5 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de l'autorisation : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / (...) II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement, et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport à l'état initial de l'environnement peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; / (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; / (...) ".

11. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

12. En premier lieu, d'une part, l'étude d'impact comprend un volet paysager présentant notamment l'état initial du paysage, la conception du projet, l'analyse des variantes au regard de l'impact paysager et l'évaluation des impacts potentiels bruts du projet sur le paysage et le patrimoine. Si le guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parcs éoliens terrestres, élaboré par le ministère de la transition écologique, recommande d'effectuer le recueil des données paysagères dans les ressources bibliographiques disponibles, la circonstance que ce recueil n'aurait pas été réalisé ne permet pas à elle seule de démontrer les lacunes du volet paysager invoquées par les requérants. Il en va de même de l'absence d'analyse au regard de l'atlas des paysages des Côtes-d'Armor ou du guide départemental des éoliennes en Côtes-d'Armor qui sont des outils de travail sans valeur réglementaire. De plus, contrairement aux allégations des requérants, l'unité paysagère des Monts d'Uzel et celle de la Plaine de Loudéac sont mentionnées par le volet paysager dans les développements relatifs respectivement au massif du Hinglé-les-Granits et au plateau de Pontivy-Loudéac et l'impact du projet sur ces unités paysagères est analysé précisément. Il résulte également de l'instruction que le lac de Guerlédan situé à près de 4 kilomètres de la zone d'implantation du projet est étudié dans les développements relatifs à la Cornouaille intérieure et à l'unité paysagère de Quénécan et Guerlédan. Cette unité paysagère est décrite comme présentant beaucoup d'intérêt et une grande originalité et comme étant un des sites les plus remarquables du Morbihan. Le carnet de photomontages montre également plusieurs vues du site et l'impact visuel des éoliennes sur celui-ci.

13. D'autre part, le volet paysager comprend un carnet de photomontages analysant l'impact paysager du projet sur une quarantaine de sites. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que les photographies à partir desquelles ont été réalisés les photomontages auraient été prises à dessein derrière des reliefs ou des arbres aux fins de minimiser l'impact visuel des éoliennes projetées et la circonstance que sur certaines vues, les éoliennes se trouvent derrière des arbres ou des lignes électriques ne permet pas d'établir le caractère insincère du volet paysager, qui comporte plusieurs photomontages montrant les éoliennes non masquées par des arbres ou d'autres obstacles. Il résulte également de l'instruction qu'eu égard à la topographie des lieux, le parc éolien est susceptible d'être visible depuis le bourg de Mûr-de-Bretagne, qui est adossé à un coteau et orienté vers le sud en direction du projet. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le carnet de photomontages rend compte des impacts du projet sur ce bourg et présente une vue depuis la mairie et deux autres depuis la frange sud de ce bourg. Enfin, si les requérants soutiennent qu'il manquerait plusieurs photomontages depuis plusieurs sites, tels que le bois Cornec, le sentier de Guerlédan, les landes de Liscuis ou encore le manoir de la Roche, le carnet de photomontages joint au volet paysager d'une étude d'impact n'a pas l'obligation de couvrir chaque point du territoire et il n'est pas établi que l'absence alléguée de ces photomontages aurait pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou aurait été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Par suite, le caractère insincère ou insuffisant des photomontages ne résulte pas de l'instruction.

14. Enfin, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact analyse le contexte éolien dans les aires d'étude éloignée, rapprochée et immédiate. De plus, le volet paysager comprend des photomontages positionnant systématiquement les autres parcs éoliens en covisibilité ainsi qu'une analyse des effets cumulatifs potentiels avec les parcs existants. Enfin, plusieurs sites font également l'objet d'une étude de saturation et d'encerclement prenant en compte l'existence des autres parcs éoliens en exploitation ou autorisés. La première branche du moyen tirée de l'insuffisance du volet paysager doit dès lors être écartée.

15. En deuxième lieu, l'étude d'impact comprend un chapitre 4 relatif à la démarche d'élaboration du projet, exposant les justifications du projet au regard du choix du territoire et de l'implantation du parc ainsi que la comparaison des variantes en fonction du nombre d'éoliennes, de leur agencement les unes par rapport aux autres, des modèles disponibles. Ce faisant, l'étude d'impact présente suffisamment les solutions alternatives envisageables et les raisons du choix définitif de la société pétitionnaire. La deuxième branche du moyen tirée de l'absence dans l'étude d'impact de justification des solutions de substitution raisonnables examinées par le maître d'ouvrage ne peut qu'être écartée.

16. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact fait référence, dans les développements relatifs au contexte éolien, au schéma régional éolien de Bretagne prescrit par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et arrêté par le préfet de région le 28 septembre 2012. Si les requérants font valoir que ce schéma a été annulé par un arrêt n° 15NT03810 du 18 avril 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes, il ressort toutefois de l'étude d'impact que celle-ci précise que le schéma régional éolien de Bretagne a été annulé, qu'il s'agit uniquement d'un document d'aide à la planification et qu'il n'était dès l'origine ni prescriptif, ni opposable. Dans ces conditions, le public a été suffisamment et correctement informé de la portée du schéma régional éolien évoqué comme un élément de contexte, tandis que le service instructeur ne pouvait ignorer cette annulation datant de 2017. Par suite, la troisième branche du moyen tirée du caractère erroné de la référence au schéma régional éolien entachant l'étude d'impact ne peut qu'être écartée.

17. En quatrième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que contrairement aux allégations des requérants, le volet faune et flore de l'étude d'impact ne se borne pas à reproduire des cartes téléchargées depuis le site de l'observatoire de la biodiversité et du patrimoine naturel en Bretagne. S'agissant plus particulièrement des chiroptères, il résulte de l'instruction que des prospections sur le terrain ont été réalisées et ont permis d'établir la présence de nombreuses espèces au sein de la zone du projet. Il résulte de l'étude d'impact que l'inventaire des chiroptères a été réalisé à partir de deux types d'expertises, à savoir des écoutes de l'activité au sol et des écoutes réalisées en hauteur à partir de cinq stations automatisées enregistrant toute une nuit l'activité des chiroptères, grâce à des micros placés sur des mats à 20 m et à 60 m, avec une médiane à 40 m. A... espèces de chiroptères ont été ainsi identifiées dans l'aire d'étude immédiate et la synthèse de l'intérêt chiroptérologique met en évidence une forte présence de ces mammifères dont certaines espèces sont particulièrement sensibles au risque de collision et de barotraumatisme. La synthèse mentionne également que des gîtes au sein de structures bâties existent ou sont fortement suspectées à proximité de l'aire d'étude immédiate et que cette aire se localise au sein d'un domaine vital théorique de trois colonies connues à l'échelle régionale. Le volet faune et flore analyse ensuite les impacts potentiels du parc éolien sur les chiroptères en fonction des espèces et présente les mesures à mettre en œuvre pour éviter, réduire et compenser ces impacts, de la conception à l'exploitation. Ce faisant, l'étude d'impact est suffisante s'agissant des chiroptères.

18. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'au cours des prospections réalisées sur le terrain, aucune espèce de mammifère terrestre n'a été observée au sein de l'aire d'étude immédiate mais que trois espèces protégées au niveau national, à savoir la loutre d'Europe, le hérisson d'Europe et l'écureuil roux, sont toutefois considérées comme présentes au regard des milieux constituant cette aire et notamment de la présence des deux vallées alluviales et boisées du Poulancre et du Pendeulin. Il est également indiqué que le ruisseau de Poulancre constitue un habitat favorable à la loutre d'Europe, cette espèce étant mentionnée au sein du site Natura 2000 FR 5300035 " Forêt de Quénécan, vallée du Poulancre, landes de Liscuis et gorges du Daoulas " (zone spéciale de conservation - directive Habitat) dont le périmètre est présent à environ 800 mètres au nord de l'aire d'étude immédiate. De plus, le volet faune et flore de l'étude d'impact précise qu'aucun habitat favorable à la loutre d'Europe ne sera impacté par le projet contesté. Ce faisant, l'étude d'impact est suffisante s'agissant de la loutre d'Europe. Par suite, la quatrième branche du moyen tirée de l'insuffisance du volet faune et flore de l'étude d'impact doit être écartée.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation " espèces protégées " sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :

20. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ;/ 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (... ) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ". L'arrêté du 23 avril 2007 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixe la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire, parmi lesquels les chiroptères et la loutre d'Europe, et les modalités de leur protection.

21. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

22. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés ministériels du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

23. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

24. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la présence de chiroptères au sein de la zone d'implantation du projet contesté a été confirmée par les prospections réalisées sur le terrain et que le volet faune et flore expose les risques encourus par chaque espèce présente, qu'ils soient liés aux collisions et barotraumatismes ou à la perte d'habitat. Le volet faune et flore expose ensuite les mesures retenues pour éviter, réduire et compenser ces impacts, de la conception à l'exploitation du parc. Sont ainsi retenus l'adaptation des caractéristiques techniques limitant les risques de mortalité de la faune volante, l'adaptation des plannings de travaux aux sensibilités environnementales principales, le bridage des éoliennes lors de conditions favorables à l'activité des chiroptères et la baisse de l'attractivité des plateformes des éoliennes. Il résulte de l'analyse du volet faune et flore que la mise en œuvre de ces mesures permet d'obtenir des impacts résiduels sur les chiroptères, de nuls à faibles. De plus, l'arrêté contesté prévoit en son article II-4 relatif aux mesures spécifiques liées à la préservation des enjeux environnementaux locaux de reprendre les mesures prévues dans le volet faune-flore, notamment un plan de bridage et un suivi environnemental. Il résulte également de l'instruction que dans un premier avis du 6 juillet 2021, l'inspecteur des installations classées préconisait de renforcer les mesures d'évitement et de réduction, notamment en renforçant les conditions de bridage proposées par le bureau d'études et en réalisant un suivi de mortalité et une écoute en altitude mise en place sur l'éolienne E2. Dans son rapport du 27 juin 2022, l'inspecteur des installations classées propose une suite favorable au projet en retenant que les mesures d'évitement, réduction et compensation, s'agissant des chiroptères, permettent cette fois de prévenir et d'encadrer les impacts prévisibles et l'arrêté préfectoral contesté reprend l'ensemble de ces mesures au titre des prescriptions liées à la protection des chiroptères. Il est ainsi imposé à la société pétitionnaire, notamment, un plan de bridage prévoyant l'arrêt des éoliennes du 1er avril au 31 octobre, durant 5h30 après le coucher du soleil, lorsqu'il est constaté, à hauteur de nacelle, un vent inférieur à 5 m/s, une température supérieure à 12°C et une absence de précipitation, ainsi qu'un suivi environnemental comprenant un suivi de mortalité et complété par un suivi d'activité en hauteur sur l'éolienne E2 pendant les trois premières années de mise en service du parc éolien, puis tous les dix ans. Enfin, le volet faune et flore précise avoir respecté les recommandations de l'organisme Natural England de conserver une distance oblique (DO) d'environ 50 mètres entre le bout de pale et le haut des haies et lisières boisées (DO à la plus proche végétation arborée de E1 d'environ 73 mètres, DO de E2 d'environ 51 m et DO de E3 d'environ 100 mètres), tandis que le porteur du projet a choisi un modèle d'éolienne présentant une importante hauteur en bas de pale (près de 50 m) ce qui permet de réduire très nettement le risque de mortalité par collision et barotraumatisme. Dans ces conditions, et en l'absence d'impact avéré pour les chiroptères après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction des atteintes, les requérants ne sont pas fondés, à soutenir que le pétitionnaire était tenu de joindre à son dossier une demande de dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement s'agissant des chiroptères.

25. En second lieu, il résulte de l'instruction que la loutre d'Europe est considérée comme présente dans l'aire d'étude immédiate au regard des milieux constituant cette aire et notamment de la présence des deux vallées alluviales et boisées du Poulancre et du Pendeulin. Le volet faune et flore précise qu'aucun habitat favorable à la loutre d'Europe ne sera impacté par le projet litigieux. Il est également précisé que le franchissement du cours d'eau du Pendeulin par le réseau électrique interéolien nécessitant le remplacement de la buse existante par un ouvrage hydraulique ne nécessite pas la mise en place d'un " loutroduc ", dans la mesure où le franchissement du ruisseau s'effectue par un chemin agricole sur lequel le risque de collision est faible et dans la mesure où, au regard des caractéristiques de ce ruisseau, de très faible dimension, intermittent et dont la source est très proche, la présence de la loutre est jugée peu probable compte tenu des potentialités piscicoles très faibles. Dans ces conditions, et en l'absence d'impact avéré pour la loutre d'Europe, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le pétitionnaire était tenu de joindre à son dossier une demande de dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement s'agissant de cette espèce.

En ce qui concerne les atteintes environnementales :

26. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

27. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que pour apprécier l'atteinte significative d'une installation à des paysages ou des sites, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la visibilité du projet depuis ces sites ou la covisibilité du projet avec ces sites ou paysages.

28. Il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet se situe dans un paysage de plateaux, plus élevé dans sa moitié nord-nord-est et en déclivité vers le sud-est, offrant des vues dégagées vers le sud. Le site s'inscrit ainsi dans un paysage bocager, dont le réseau de haies est relativement dense, caractérisé par la présence de boisements, de hameaux et d'installations agricoles ainsi que d'autres parcs éoliens à proximité. La zone a été identifiée comme présentant une sensibilité paysagère faible et comme favorable au développement de projets éoliens dans le cadre des travaux préparatoires au schéma régional éolien, supervisés par la préfecture de région, en 2013. De plus si les requérants soutiennent que le bourg de Mûr-de-Bretagne, adossé à des coteaux en avant des hauts contreforts de l'unité paysagère des monts d'Uzel présente une silhouette perceptible dans le paysage qu'il y aurait lieu de préserver, il ne résulte pas de l'instruction en tout état de cause que le projet litigieux aurait pour effet de modifier les limites de l'urbanisation et ne permettrait pas de préserver la qualité des lisières agro-urbaines. En outre, si les requérants se prévalent de la qualité de l'unité paysagère de Guerlédan et Quénécan et énumèrent les sites et monuments qui seraient impactés selon eux par le projet, il résulte toutefois de l'instruction que le volet paysager dresse la liste des nombreux sites et monuments présents dans un rayon allant jusqu'à une vingtaine de kilomètres et précise que la grande majorité des sites se trouve en dehors du champ de visibilité ou bien que l'environnement y est déjà bâti ou arboré. La proximité de zones naturelles et l'attrait touristique du site sont en tant que tels sans incidence sur la qualité paysagère du site d'implantation du projet. De plus, si les photomontages produits font apparaitre que les éoliennes seront visibles dans le paysage, il résulte toutefois de l'instruction que le relief, l'éloignement des autres parcs et la présence d'écrans constitués par la végétation et les constructions existantes sont de nature à réduire l'impact du projet sur ce paysage. Enfin, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans sa formation " sites et paysages " a émis un avis favorable au projet le 8 juillet 2022 et il ressort du compte-rendu de la réunion que les discussions entre les membres de la commission ont porté davantage sur l'acceptabilité de l'éolien par la population que sur l'impact du projet sur le paysage et les sites. En se bornant à énumérer des sites et monuments proches de la zone d'implantation du projet qui seraient particulièrement impactés, les requérants n'établissent pas que le projet serait de nature à leur porter une atteinte significative. Au regard de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que le projet litigieux porterait atteinte aux paysages.

29. En deuxième lieu, s'agissant de l'atteinte alléguée à la commodité du voisinage, il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à un effet de saturation du paysage, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

30. Le volet paysager de l'étude d'impact comporte une analyse de l'effet de saturation et d'encerclement, plus particulièrement sur les villages les plus proches du projet et les plus sensibles à l'effet de saturation tels que Saint-Connec, Saint-Caradec et Kergrist. Cette analyse conclut que si l'indice d'occupation des horizons a augmenté, le projet n'entraîne pas pour autant une saturation du paysage, compte tenu de la présence d'écrans visuels qui préservent des situations de covisibilité trop marquées avec le projet et les autres parcs éoliens à proximité. De plus, l'arrêté préfectoral contesté prévoit au point II de son article II-4 que des haies bocagères pourront être plantées, de manière concertée avec les riverains, afin de limiter les visibilités directes sur le parc éolien et énumère les hameaux et bourgs concernés a minima par cette mesure de réduction. De plus, les requérants n'établissent pas par les photomontages et photographies qu'ils produisent que les éoliennes auraient un effet de surplomb marqué sur les habitations les plus proches. Au regard de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que le projet litigieux emporterait une saturation du paysage ni qu'il présenterait des inconvénients excessifs pour la commodité du voisinage.

31. En troisième lieu, l'étude de dangers dont il n'est pas démontré qu'elle serait insuffisante, ainsi qu'il a été dit au point 9, identifie et analyse de manière détaillée les risques pour la sécurité publique induits par la proximité de deux lignes électriques aériennes à haute tension, l'une passant entre les éoliennes E1 et E2 et l'autre entre les éoliennes E2 et E3. L'arrêté interministériel du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire le transport et la distribution d'énergie électrique ne fixe pas de distance minimale spécifique entre les éoliennes et les lignes électriques. Si un courrier de Réseau de transport d'électricité (RTE) du 11 octobre 2016 indique qu'il serait souhaitable qu'une distance, supérieure à la hauteur des éoliennes (pales comprises) soit respectée afin de limiter les conséquences graves d'une chute ou de la projection de matériaux sur les lignes électriques, pour la sécurité des personnes et des biens, il résulte toutefois de l'étude de dangers que la probabilité d'effondrement d'une des éoliennes sur les lignes électriques, calculée à partir de données relatives à l'accidentologie et aux incidents éoliens mis à jour en 2019, est comprise entre 1,1 / 10 000 et 6,6 / 100 000 et appartient à la catégorie D défini par l'arrêté du 29 septembre 2005 précédemment visé comme étant un évènement " rare ", qui " s'est déjà produit mais a fait l'objet de mesures correctives réduisant significativement la probabilité ". Dès lors, il résulte de l'instruction que le projet litigieux ne présente pas des dangers excessifs pour la sécurité publique. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté porterait atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement, s'agissant de la sécurité publique, doit être écarté.

32. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz et le préfet des Côtes-d'Armor, que l'association " Non aux éoliennes mûroises " et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 août 2022 contesté.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association " Non aux éoliennes mûroises " et autres de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elles font également obstacle à l'octroi d'une somme à l'association Sites et monuments, qui n'a pas la qualité de partie. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz demande au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association " Sites et Monuments " est admise.

Article 2 : La requête de l'association " Non aux éoliennes mûroises " et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz et l'association " Sites et monuments " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Sites et Monuments ", à l'association " Non aux éoliennes mûroises " désignée comme représentante unique par le conseil des requérants, à la société Centrale de Production d'Energies Renouvelables de Hent Glaz, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à l'association " Sites et monuments ".

Copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT04119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04119
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;22nt04119 ?
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