Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse avant cassation :
Le président du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, en sa qualité de représentant légal de M. C... B..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 29 avril 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par une ordonnance n° 2103331 du 4 mai 2022, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement de cette demande.
Par un arrêt n° 22NT01459 du 17 février 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de M. B... dirigée contre cette ordonnance.
Par une décision n° 455610 du 28 mai 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé l'arrêt n° 22NT01459 du 17 février 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2024, M. C... B..., représenté par Me Hignard, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 4 mai 2022 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 29 avril 2021 ;
4°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a, en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, donné acte, par l'ordonnance attaquée, d'un désistement de sa requête, alors qu'il avait exercé, dans le délai de recours applicable, interrompu par une demande d'aide juridictionnelle présentée le 27 août 2021, un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du 18 août 2021 rejetant sa demande de suspension de la décision contestée sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code et ne pouvait dès lors être réputé s'être désisté faute d'une confirmation du maintien de cette requête ;
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité, dès lors que la notification de l'ordonnance de rejet de sa demande de suspension ne comportait pas les mentions prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative ;
- le premier juge n'a pas fait, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, dès lors notamment que l'instruction s'est poursuivie postérieurement à la notification, le 17 novembre 2021, de l'ordonnance de non admission de son pourvoi ;
- les conclusions du préfet en appel tendant à ce que la cour rejette la demande de première instance sont irrecevables, dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le fond du litige et que la cour ne peut que renvoyer l'affaire, la requête d'appel ne tendant qu'à l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
- à titre subsidiaire, si par impossible la cour estimait qu'elle pouvait statuer sur le fond du litige, la décision contestée méconnaît l'article 47 du code civil et le 2° bis de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant, tendant à l'irrégularité de l'ordonnance attaquée et à l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour litigieuse ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Catroux,
- et les observations de M. B....
Deux notes en délibéré, présentées pour M. B... par Me Hignard, ont été enregistrées les 20 septembre 2024 et 1er octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se disant de nationalité malienne et né le 31 décembre 2003, est entré en France irrégulièrement en février 2019, soit à l'âge de 15 ans selon son identité déclarée. Il a été pris en charge en qualité de mineur étranger isolé, au titre de l'assistance éducative, en Ille-et-Vilaine où il a été scolarisé successivement à Fougères, Cesson-Sévigné et, en dernier lieu, pour l'année scolaire 2020-2021, à Tinténiac, au lycée " Bel Air " dans lequel il a été inscrit en CAP " opérateur logistique ". Les diligences qu'il a accomplies en vue d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifiées à l'article L. 423-22 du même code, relatives aux étrangers ayant été confiés au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard à l'âge de seize ans et suivant une formation, ont été rejetées par une décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 29 avril 2021. Le président du conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, en sa qualité de représentant légal de M. B..., a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Il a assorti ce recours d'une demande de suspension de son exécution, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative mais, par une ordonnance n° 2104030 du 18 août 2021, notifiée le même jour, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, et, par une ordonnance n° 457327 du 17 novembre 2021, le pourvoi en cassation formé le 5 octobre 2021 contre cette ordonnance par M. B... n'a pas été admis. Restant saisi au fond de la demande d'annulation du refus de titre de séjour du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes, par une ordonnance n° 2103331 du 4 mai 2022 du président de sa 5ème chambre, a constaté le désistement d'office de M. B... de ses conclusions, faute que ce justiciable ait confirmé le maintien de sa requête ou complété ses écritures postérieurement au rejet de sa requête en référé comme étant dépourvue de moyen sérieux. Cette ordonnance, contestée par M. B..., a été confirmée par la cour administrative de Nantes par un arrêt n° 22NT01459 du 17 février 2023. Par une décision n° 476476 du 28 mai 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Il résulte de ces dispositions que, pour ne pas être réputé s'être désisté de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, le requérant qui a présenté une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, si cette demande est rejetée au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, confirmer, par un écrit dénué d'ambiguïté, le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés, sous réserve que cette notification l'informe de cette obligation et de ses conséquences. Toutefois, il ne peut être réputé s'être désisté de sa requête s'il a exercé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du juge des référés dans le délai de recours en cassation ou s'il a formé une demande d'aide juridictionnelle à cette fin dans ce même délai.
3. M. B..., alors mineur et représenté par le département d'Ille-et-Vilaine, à qui l'ordonnance de rejet du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 18 août 2021 a été notifiée le jour-même, a saisi le Conseil d'Etat le 5 octobre 2021 soit au-delà du délai de recours de quinze jours qui lui était imparti pour se pourvoir en cassation par l'article R. 523-1 du code de justice administrative et qui était rappelé dans le courrier de notification de l'ordonnance contestée. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'une demande d'aide juridictionnelle avait été enregistrée le 27 août 2021, soit avant l'expiration de ce délai de recours, pour contester cette ordonnance de référé et a donc interrompu ce délai. Il ressort des pièces produites en réponse à une mesure d'instruction de la cour que cette demande, présentée par l'avocate de M. B... devant la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) près le tribunal judiciaire de Rennes a été transmise successivement, " pour compétence ", le 21 octobre 2021 au BAJ de la cour administrative d'appel de Nantes, puis par ce bureau, le 23 décembre 2021, au BAJ du Conseil d'Etat, seul compétent pour l'examiner s'agissant d'une affaire relevant de la cassation, et qu'elle n'a fait l'objet d'une décision de ce BAJ que le 28 février 2022. Il suit de là que M. B... n'était pas forclos à la date de l'enregistrement, le 5 octobre 2021, à la cour administrative d'appel de Nantes qui l'a transmise au Conseil d'Etat, de la requête par laquelle il a contesté l'ordonnance de référé du 18 août 2021. Dans ces conditions, c'est à tort que par l'ordonnance n° 2103331 du 4 mai 2022 contestée, prise sur le fondement du 1° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a estimé que M. B... devait être réputé s'être désisté de sa demande et a donné acte de ce désistement. Son ordonnance est donc irrégulière et doit être annulée.
4. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant l'absence d'examen de l'affaire sur le fond par les premiers juges, bien que le requérant déclare s'opposer à une éventuelle évocation et compte tenu des conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui, après une défense développée sur le bien-fondé de sa décision, demande que la cour rejette les conclusions présentées en première instance par l'intimé, d'évoquer le litige et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 1, la demande formée par M. B... en vue d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifiées à l'article L. 423-22 du même code, a été rejetée par une décision du 29 avril 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a estimé que les documents présentés par l'intéressé pour justifier de son identité conformément aux dispositions alors applicables de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comportaient des irrégularités et anomalies remettant en cause leur authenticité et observé que l'identité dont se prévalait M. B... ne correspondait pas à celle qu'il avait déclarée pour obtenir un passeport et un visa Schengen qui lui a été délivré par les autorités italiennes.
6. D'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
8. Pour justifier de son identité, M. B... a produit d'une part, l'extrait d'un jugement supplétif n°5829 rendu le 26 décembre 2018 par le tribunal civil de Kayes statuant en matière d'état civil, déclarant qu'il est né le 31 décembre 2003 à Nayé-Peulh et qu'il est le fils D... B..., commerçant, et de Halimaté Kebé, commerçante, et ordonnant la transcription de l'acte au registre d'état civil, d'autre part, l'acte de naissance correspondant, établi le 31 décembre 2018 sous le n° 156/SJS par l'officier d'état civil renvoyant explicitement à ce jugement, et, enfin, un extrait d'acte de naissance établi le 9 janvier 2019, comportant les mêmes informations et références. Il produit également des copies, comportant sa photographie, de son passeport malien, valable du 8 octobre 2020 au 7 octobre 2025, et d'une carte d'identité consulaire qui lui a été délivrée le 13 août 2020 par l'ambassade du Mali à Paris. Les mentions relatives à l'identité et à l'état civil de l'intéressé figurant sur l'ensemble de ces documents sont toutes identiques et concordantes.
9. Les trois premiers de ces documents ont fait l'objet de rapports d'expertise documentaire établis par les services de la police aux frontières le 11 janvier 2021, qui ont rendu un avis défavorable sur la régularité de l'acte de naissance et du jugement supplétif. Les motifs tirés de l'absence du numéro d'identification NINA, de la non-conformité de la personnalisation, qui ne respecte pas les articles 124 à 126 du code de la personne et de la famille malien, du défaut de mention en toutes lettres de la date d'établissement de l'acte et de la date de naissance dont il est attesté, et du fait que les dispositions du décret n° 99-254/P-RM du 15 septembre 1999 portant code de la procédure civile, commerciale et sociale sur les délais de recours, soit les articles 554 et 555, n'ont pas été respectées, ne permettent pas de conclure à l'irrégularité ou au caractère frauduleux de ces actes, ou à remettre en cause leur caractère probant, alors que les dispositions des article 554 et 555 du code de procédure civile malien qui fixent les délais d'appel contre les jugements ne subordonnent pas la transcription du jugement supplétif d'acte de naissance à l'expiration du délai d'appel, que l'article 151 du code des personnes et de la famille prévoit que la transcription d'un tel jugement supplétif est demandée " dans les plus brefs délais " par le procureur de la République et que, si l'article 125 du code malien des personnes et de la famille prévoit que les actes d'état civil mentionnent les noms, prénoms et adresses de toutes les personnes qui y sont mentionnées, ces dispositions s'appliquent aux actes de naissance établis dans les délais légaux sur déclaration auprès de l'officier d'état civil, et non aux jugements supplétifs d'acte de naissance, qui sont régis par les articles 133 et 134 de ce même code.
10. Il ressort cependant des pièces du dossier que la consultation par l'administration, le 1er décembre 2020, du fichier Visabio a révélé qu'un visa avait été sollicité à Dakar (Sénégal), le 3 octobre 2018, par M. B... sous l'identité de C... A..., né le 12 août 2000 à Dakar (Sénégal), titulaire d'un passeport délivré le 13 septembre 2018, valable 5 ans, et que l'intéressé avait présenté une demande, acceptée le 29 novembre 2018 par les autorités italiennes, qui lui ont délivré un visa Schengen de type C (court séjour), valable du 3 décembre 2018 au 3 juin 2019 pour une durée de séjour de trois mois. Malgré son intitulé, le " jugement supplétif " d'acte de naissance dont se prévaut le requérant est en fait un simple relevé de décision, c'est à dire un extrait sur lequel manquent la mention de la procédure suivie et des personnes ayant saisi la juridiction à fin d'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance, et, malgré une mesure d'instruction ordonnée pour obtenir le jugement complet, celui-ci n'a pas été communiqué. Ainsi que l'a relevé le service d'expertise documentaire de la police aux frontières, les documents produits par M. B... pour justifier de son état civil ne comportent pas de manière complète les éléments d'identification des parents de l'intéressé, tels que leurs date et lieu de naissance, leur domicile ou leur âge, et un tel indice est de nature à affaiblir la valeur probante de ces documents, voire à établir que le rédacteur de ces actes ne disposait pas de ces informations et donc que le jugement supplétif n'a pas été établi à la demande ou à partir du témoignage de ces personnes. Les experts du bureau zonal à la fraude documentaire et à l'identité ont aussi constaté que l'extrait du jugement supplétif révélait une transcription de celui-ci par l'officier d'état civil au vu d'un simple extrait, sans que la production de ce jugement dans son intégralité offre à cet officier des garanties suffisantes de vérification de la fiabilité des informations transcrites. Il ressort aussi des pièces produites une identité d'écriture, révélée notamment dans la graphie des majuscules " M " et " K ", entre l'extrait de jugement et l'extrait d'acte de naissance, de nature à démontrer qu'ils ont été établis par la même personne, et non distinctement par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Kayes et l'officier d'état civil de la région ou du " cercle " de Kayes. Enfin, si les deux parents de M. B... y sont présentés comme maliens, la carte d'identité de la mère du requérant révèle qu'elle est de nationalité sénégalaise, comme étant née le 8 janvier 1982 à Sinthiou Dioye (Sénégal). Le service évaluateur du département de la Mayenne qui a reçu M. B... lors de sa prise en charge comme mineur isolé a noté dans son rapport du 18 février 2019 que " l'évaluatrice doute qu'il ne soit âgé que de quinze ans " et que " malgré un discours contradictoire et des faisceaux d'indices qui ne correspondent pas au quotidien d'un adolescent, l'apparence physique de C... B... semble correspondre à celle d'une personne jeune. Dans le doute, l'évaluatrice se prononce en faveur d'une minorité ". Alors que M. B... avait déclaré initialement avoir quitté le continent africain clandestinement en zodiac depuis le Maroc et être passé à pied par Alméria puis Madrid en Espagne, il a, par la suite, déclaré être entré en France en avion depuis Dakar avec une escale à Madrid, sous couvert d'une fausse identité et d'un faux passeport, expliquant, plausiblement, avoir menti sur son âge et son identité pour obtenir un passeport auprès de passeurs et pouvoir demander, en tant que majeur, un visa lui permettant de quitter son pays. Toutefois, s'il produit, d'une part, une " attestation de non authenticité " se présentant comme établie le 21 février 2022 par le consul général du Sénégal en France et attestant que le passeport sénégalais établi au nom de M. C... A..., qui porte sa photo, est un faux, et, d'autre part, la copie de ses échanges par texto avec les passeurs auxquels il a fait appel, à qui il a demandé en vain qu'ils attestent avoir fabriqué pour lui un faux passeport sous une identité qui n'est pas la sienne, ces éléments ne présentent pas de garanties d'authenticité ou une fiabilité suffisantes pour établir que les données d'identité figurant sur le passeport utilisé par le requérant pour obtenir un visa et qui a été considéré comme valable par les autorités italiennes qui lui ont délivré ce visa, ne correspondraient pas à son identité réelle.
11. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des éléments justificatifs d'identité ou d'état civil et des informations dont il disposait, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les dispositions des articles 47 du code civil et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application pour remettre en cause l'état civil dont se prévalait M. B.... Le requérant n'est donc pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet a rejeté sans l'examiner sa demande de titre de séjour au seul motif que les documents relatifs à son état civil qu'il présentait n'étaient pas recevables. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2103331 du 4 mai 2022 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'appel de M. B... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce que requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01578